Actualité : Des ouragans dans un service d’archives : les Archives territoriales de Saint-Martin (2/2)

Séchage contrôlé au soleil

Désormais, 9 mois se sont écoulés depuis le passage de l’ouragan Irma et de ses acolytes José et Maria. Ces mois nous ont laissé peu de répit, occupés que nous étions à déplacer les archives d’un magasin à un autre en fonction des infiltrations d’eau, à combattre les moisissures et à trouver un local salubre, hors d’eau et couvert, après que 95% des structures bâties ont été considérablement endommagées en quelques heures.

Oui, ce fut bien un combat, rythmé quotidiennement par l’évacuation de l’eau du bâtiment, la ventilation constante des locaux pour chasser l’humidité excessive et éviter la progression de petits champignons particulièrement destructeurs pour la lisibilité des informations, quels que soit le support (et oui, les supports numériques n’y échappent pas !).

A J+10 jours, ces petits organismes pluricellulaires ont attaqué les 15 ml d’archives touchées directement par une infiltration d’eau (salée !) : on s’y attendait. Ces fonds avaient été évacués dès le lendemain de la visite d’Irma dans un autre espace ventilé naturellement pour les sécher, mais surtout pour les isoler des autres et éviter ainsi la propagation de l’infestation.

Malheureusement, l’humidité apportée par les ouragans, ainsi qu’une phase climatique très pluvieuse d’octobre à décembre, a accéléré le développement inexorable des moisissures. La méthode de congélation ne pouvait absolument pas être mise en œuvre : les capacités frigorifiques sont modestes dans les territoires ultramarins et, heureusement, entièrement mobilisées pour le secours à la population. Au regard des dégâts, l’électricité ne pouvait être rétablie. 

AT_tracabilite constante des fonds_vignette.jpgPour ralentir la progression des moisissures et les traiter, deux chaînes de travail ont alors été mises en place en parallèle. La première était dédiée au ménage à l’eau de javel du mobilier, des murs et des sols, sans oublier les rayonnages passés à l’alcool modifié à chaque déplacement préalable d’archives. La seconde devait traiter les documents : évaluation du niveau d’infestation, adaptation du protocole en fonction de la fragilité des supports et des encres, nettoyage par tamponnage à l’alcool ou à sec (selon les critères précédents), séchage dans un autre espace et surveillance d’une reprise éventuelle de moisissures. La traçabilité des archives a été assurée à chaque déplacement et un récolement mis à jour tous les mois (voir photo ci-contre).

Après 5 à 8 semaines sans reprise, les fonds ont été reconditionnés et font toujours l’objet d’une surveillance. 70% des fonds ont subi un développement de moisissures caractérisé de « très léger » à « important » en 5 semaines. Grâce au don de matériel des Archives nationales (Paris), nous avons pu continuer ce travail car nos réserves de gants, masques, papier absorbant, gel antibactérien et conditionnement d’archives s’amenuisaient à vue d’œil. Notre « armoire cyclonique », qui regroupait ce précieux matériel d’intervention d’urgence, a donc rempli pleinement son usage. Mais sans ce don de matériel, nous n’aurions pas pu rester dans la bataille aussi longtemps.

Outil indispensable en pareil cas, notre plan de sauvegarde et de remise en ordre, élaboré dès 2014, est revu chaque année en fonction de la croissance des fonds. L’équipe, formée à la préparation des fonds et des locaux avant le sinistre, était également préparée à mettre en œuvre les actions prioritaires dès la fin du confinement : évaluation, sécurisation des lieux, séchage d’urgence, déplacement des fonds et traitement immédiat des fonds impactés.

À l’occasion de la journée internationale des archives (samedi 9 juin 2018), une vidéo a été réalisée par la Collectivité de Saint-Martin pour retracer la jeune histoire des Archives territoriales, créées en juillet 2013, et visualiser nos actions depuis le passage d’Irma. Elle illustre le caractère crucial des plans de sauvegarde et de remise en ordre. Il faut imaginer l’improbable. Ces guides sont essentiels à la prévention des sinistres, et à la sensibilisation de tous les acteurs pour une prise en compte dans les plans de secours à l’échelle d’un quartier, d’une ville ou d’un pays. Sans cette prise de conscience, le thème de la journée international des archives 2018, « Archives : Gouvernance, Mémoire et Patrimoine », pourrait ne plus s’écrire…

Découvrez en images l'histoire des archives territoriales de Saint-Martin

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Stéphanie DARGAUD, conservateur du patrimoine
Directrice des Archives territoriales et du patrimoine de Saint-Martin

 

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