Page d'histoire : Auguste Mariette découvre le Sérapeum de Memphis 1er novembre 1851

Mariette, assis sur le mur d'un mastaba, dans la plaine Saqqarah
Paris, Bibliothèque de l'Institut de France
© Institut de France

 

Dans l'histoire de l'archéologie, 1851 marque une date significative : c'est alors qu'Auguste Mariette, par ses fouilles au Sérapeum de Saqqarah, inaugura des recherches allant, sur le terrain, quérir les matériaux mêmes de l'histoire.

Né à Boulogne-sur-Mer en février 1821, dans un milieu démuni, maître d'étude puis régent au collège de cette cité, il se prend de passion, au musée local, pour " une momie égyptienne renfermée dans un double sarcophage orné de peintures hiéroglyphiques " ; puis il est amené à classer les papiers d'un de ses parents Nestor Lhote, qui, dessinateur, avait accompagné Jean-François Champollion dans son voyage d'exploration au long du Nil en 1828-1829 ; les ouvrages de l'illustre déchiffreur des hiéroglyphes devinrent ses livres de chevet. En 1848, il obtient du collège de Boulogne un congé et réussit à se faire embaucher au musée du Louvre pour cinq mois (du 1er mai au 1er octobre) sur le chapitre du budget " frais de collage " ; aucun membre de la conservation du musée ne désirant se rendre en Égypte pour acheter des manuscrits coptes alors en vente, Mariette a la chance d'être désigné pour cette mission. Au Caire, n'ayant pas réussi à prendre avec les moines les contacts qu'il souhaitait, il décide de se rendre dans " le désert d'Abousir " - c'est le nom qu'on donnait alors, à juste titre d'ailleurs, au plateau connu aujourd'hui sous le nom de Saqqarah, village en fait assez éloigné du Sérapeum.

Les étapes de la découverte de la sépulture des taureaux sacrés, incarnations du dieu Apis, sont entrées dans la légende de l'archéologie : les démêlés de Mariette avec ses rivaux, les consuls pilleurs d'antiquités et les trafiquants, les autorités villageoises, les officiers que lui dépêchait le vice-roi - et chaque jour, parfois même de nuit, un travail intense, épuisant. Au bout de l'allée des sphinx, les recherches marquent un temps d'hésitation. Et soudain, le 1er novembre 1851, Mariette pénètre dans le Sérapeum ; le dégagement se poursuivra jusqu'en 1854. Certes les meilleures conditions d'une enquête scientifique ne furent pas toujours assurées ; on employa la poudre pour se frayer un chemin ; on ne nota guère l'origine précise des stèles et des objets ; ce fut la découverte d'une caverne aux trésors plus que la recherche méthodique de témoignages historiques. Cependant la campagne du Sérapeum présente déjà les aspects de ce que sera une grande fouille moderne : la mission de Mariette travaille officiellement, en rapports constants avec les autorités locales - même s'il y eut plus d'un conflit -, en relations suivies aussi avec les ministères français, la direction du musée du Louvre, l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Ce fut aussi la fouille d'un ensemble cohérent, d'intérêt éminemment scientifique ; les objets recueillis ne furent pas vendus, ni dispersés, mais transportés systématiquement vers le palais du Vice-roi et le musée du Louvre.

Après quelques années d'" exil " à Paris, Mariette devait bientôt revenir dans la patrie de son cœur : l'Égypte. En juillet 1858, il fut nommé " maamour " (c'est-à-dire directeur) des travaux d'antiquité en Égypte, poste qu'il occupa jusqu'à sa mort le 18 janvier 1881. Géant rude mais généreux, force de la nature aux yeux rongés de soleil, miné prématurément par le diabète, il a accompli une œuvre immense, déblayant inlassablement temples et nécropoles, veillant avec un soin jaloux sur le patrimoine archéologique. Son monument funéraire continue à se dresser devant le musée du Caire : " À Mariette Pacha, l'Égypte reconnaissante " lit-on sur le socle de sa statue.

En fait, son action a été décisive. À l'exemple de l'Égypte, les recherches se sont multipliées à travers le Moyen-Orient d'abord, les pays de la Bible, la Mésopotamie, puis l'ensemble du monde où chacun, désormais, ne peut manquer de s'interroger sur ses racines afin, dans l'incertitude du moment, de tenter d'entrevoir les perspectives d'avenir. Pour s'en tenir à un plan concret, c'est sur le modèle égyptien, que, peu à peu, toutes les nations ont tenu à mettre en place des organismes chargés de l'étude et de la présentation de leurs antiquités. Modeste autodidacte de Boulogne-sur-Mer, devenu par les circonstances maître d'une science incomparable, Auguste Mariette se dresse au premier plan parmi les gloires du Panthéon culturel.

Jean Leclant
secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles lettres
président du Haut Comité des célébrations nationales

Source: Commemorations Collection 2001

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