Page d'histoire : Cession des Établissements français de l'Inde au gouvernement indien 21 octobre 1954

Vue du littoral de Pondichéry, 1954
© Pierre Filliozat

La France doit à Colbert (1) sa première visée d’établissement en Inde. Une escadre envoyée en 1671 établit une modeste implantation dans un village du sud de la côte de Coromandel, Pondichéry. François Martin, à partir de 1685, dota cet établissement de bases solides. La Compagnie française des Indes (1719-1795) connut des soubresauts mais se solda par un bilan final positif. Dupleix avait ajouté une dimension politique à la présence commerciale et était près de réaliser ce qui a été appelé abusivement « empire français des Indes », quand il fut rappelé. Ses ambitions s’étaient heurtées à celles des Anglais qui triomphèrent vite. Le traité de Paris de 1814 laissa à la France cinq comptoirs exigus, enclavés dans l’immense territoire sous contrôle britannique, quatre dans le sud du pays, Pondichéry, Karikal, Yanaon sur la côte est, Mahé sur la côte ouest, une seule dans le nord, Chandernagor proche de Calcutta.

L’histoire de ces cinq comptoirs au XIXe siècle est celle d’une exploitation coloniale qui appauvrit un pays riche en ressources, mais sacrifié au profit de la métropole. À partir de 1871, on pratiqua une politique d’assimilation républicaine qui fut un échec. Les Établissements avaient été dotés d’un député, d’un sénateur, d’un conseil général, de conseils locaux et de municipalités. Des partis s’étaient formés, mais aussi une vie politique agitée. Ce furent les idées nationalistes qui eurent la plus grande emprise.

En 1947, après une longue lutte, l’Inde gagna pacifiquement son indépendance et inaugura dans le monde la décolonisation. À la suite d’un référendum à Chandernagor le 19 juin 1949, un traité de cession de ce territoire fut signé le 2 février 1951. Les autres établissements s’étaient taillés une telle réputation de propension à la fraude électorale que même les congressistes refusaient un référendum. Il y eut un différend grave entre l’Inde et la France. On en doit la solution à l’entente de deux grandes personnalités, Jawaharlal Nehru et Pierre Mendès France, ainsi qu’à l’intelligente diplomatie du comte Ostrorog, nommé ambassadeur en 1951. Nehru avait bien tenté, sinon l’usage de la force contraire à ses principes, du moins une pression par un blocus de Pondichéry. Mais le facteur décisif fut son concours dans les négociations, combien plus difficiles, entre France et Vietnam à Genève en 1954. Les bonnes relations de l’Inde et de la Chine de Zhou Enlai rendaient la médiation indienne très utile. Cela instaura des relations de parfaite compréhension entre les chefs de gouvernement français et indien. Le 21 juillet, Mendès France signait les accords de Genève. Le principe du règlement rapide de la cession des établissements français de l’Inde était dès lors acquis. Un accord fut signé à Delhi le 21 octobre 1954, un transfert de facto opéré le 1er novembre. Le traité de cession définitif sera signé le 28 mai 1956 et ratifié par le Parlement le 27 juillet 1962. Il a mis fin à la présence politique française tricentenaire sur le sol indien, tout en stipulant le souhait de la présence scientifique et culturelle de la France, ce qui se concrétisa dès 1955 par la fondation de l’Institut français d’Indologie de Pondichéry.

 

Pierre-Sylvain Filliozat
membre de l'Institut

 

1. Voir la notice de P. Haudrère sur la destitution de J.-F. Dupleix en 1754

Source: Commemorations Collection 2004

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