Page d'histoire : Albert Einstein et la révolution de la science contemporaine ou l'« annus mirabilis » 1905

Albert Einstein en 1947

En tant que physicien, Albert Einstein (1) naît en 1905. Il est âgé de 26 ans et son destin n’a rien d’éclatant. Un diplôme du Polytechnicum de Zurich en poche, il travaille comme inspecteur au Bureau de la propriété industrielle de Berne. Un poste médiocre qui le coupe de la communauté scientifique, il n’est qu’un physicien du dimanche. Et pourtant les Annalen der Physik ouvrent leurs colonnes à l’inconnu de Berne. 1905, l’année du miracle, en cinq articles, Einstein sort la physique de ses incertitudes, lui donne sa feuille de route pour le XXe siècle.

Tout d’abord, il établit de façon définitive la réalité de l’atome dont certains doutaient encore, ensuite il unifie la physique de la matière et celle de l’énergie qui semblaient obéir chacune à des lois différentes et se plient désormais aux commandements de la relativité, enfin il trouve dans la lumière les quanta qui, vingt ans plus tard, ouvriront la voie à la mécanique quantique. La communauté scientifique est incrédule, abasourdie ; il lui faudra près de cinq ans pour se mettre à l’heure relativiste.

Mais Einstein, reconnu par ses pairs, accueilli par l’Université, s’est déjà lancé dans une autre aventure : celle de la gravitation. En 1916, il en vient à bout et présente avec la relativité généralisée une nouvelle théorie de la gravitation.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, il a quarante ans et c’est l’heure du sacre. La confirmation de ses théories lors de l’éclipse solaire de 1919 frappe les imaginations. Le public, faute de comprendre ses théories, acclame en lui l’homme de tolérance, de modération, de progrès, tout ce qu’est censé couvrir le mot de « relativité ». Il devient, bien malgré lui, l’homme le plus célèbre du monde. Il se trouve alors en butte à l’antisémitisme virulent des années vingt en Allemagne et s’engage dans le mouvement sioniste. Avec l’arrivé de Hitler au pouvoir en 1933, il doit définitivement quitter l’Allemagne et s’installer aux États-Unis à Princeton.

Mais, entre-temps, est intervenue la grande fracture avec les physiciens. Le monde des quanta qu’il a entrevu dès 1905 se révèle déroutant. Il ne respecte pas la logique classique : déterminisme, non-contradiction et intègre, dans ses mécanismes, une part de hasard. Cela Einstein ne peut l’admettre. « Dieu ne joue pas aux dés ! » proclame-t-il et il se retrouve bientôt coupé de la communauté scientifique. Celle-ci ne se rappelle à lui qu’en 1939 pour cette fameuse lettre au Président Roosevelt par laquelle Einstein, le pacifiste, se fait l’avocat de la bombe atomique.

Au lendemain de la guerre, Einstein assiste à l’écroulement de ses rêves. Il est promu « père de la bombe atomique » – ce qu’il ne fut jamais – les militaires mettent la science au pas, Israël naît dans la haine et la violence, les physiciens sont plus que jamais indifférents à ses recherches et l’Amérique est en proie aux démons du maccarthysme. Tout ce qu’il avait construit dans la première partie de son existence s’est détruit dans la seconde. Il meurt le 18 avril 1955, profondément désespéré. Mais, aujourd’hui, tous les physiciens se réclament de son héritage.

 

François de Closets
journaliste, écrivain

1. Albert Einstein, Ulm, 14 mars 1879 – Princeton, 18 avril 1955.
2005 est donc également le cinquantenaire de la mort du savant

Source: Commemorations Collection 2005

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