Page d'histoire : Jean Delay Bayonne, 14 novembre 1907 - Paris, 29 mai 1987

Lorsque Jean Delay, à 15 ans, se présenta au baccalauréat de philosophie, il ne se doutait pas que le sujet qu’il eut à traiter en quatre heures, « les rapports du physique et du moral », l’occuperait toute sa vie. Il monta à Paris faire ses études de médecine, fut reçu interne des hôpitaux à 20 ans et, marqué par l’enseignement de Pierre Janet et de Georges Dumas, s’orienta vers la psychiatrie.

Connaître et guérir l’homme était son grand projet. Tôt persuadé qu’une chaîne ininterrompue relie le normal au pathologique, qu’il n’existe pas de frontière réelle entre la connaissance des hommes, à laquelle mène aussi la littérature, et la connaissance directe des hommes qui souffrent, des malades de l’esprit, la psychiatrie lui paraissait réunir ce qu’on oppose, science et humanisme.

Sa double formation médicale et psychologique lui valut d’être, disait-il non sans humour, « traité de médecin par les psychologues et de psychologue par les médecins, de neurologue par les psychiatres et de psychiatre par les neurologues ». Mais il tint bon et devint un des plus brillants représentants de lamédecine psychosomatique. De l’ancien constat de Socrate et Platon, il fit une des vérités de la psychiatrie moderne.

Ses travaux sur la sensation, l’électricité cérébrale, lamémoire, l’humeur, l’émotion, l’application des immenses progrès de la biologie à la médecine mentale, le conduisirent à la chaire des maladies mentales et de l’encéphale en 1946, puis à la présidence du premier Congrès mondial de psychiatrie en 1950.

Dans les années suivantes, avec son équipe de l’hôpital Sainte-Anne, il fit une découverte capitale en isolant et en introduisant la chlorpromazine dans le traitement des maladies chroniques graves. L’ère des médicaments neuroleptiques – littéralement : qui prennent le nerf – s’ouvrait alors. Une science interdisciplinaire dont il était le père, la psychopharmacologie, était née.

Un sens peu commun de la synthèse, un don de clarté qui fait la lumière sur les zones les plus cachées de l’être et va de pair avec le génie de la langue française, c’est ce que Roger Martin du Gard appelait le « miracle Delay ». Il fut aussi à l’oeuvre en littérature : Delay inventa deux genres littéraires. D’abord la psychobiographie avec La Jeunesse d’André Gide, étude monumentale consacrée à la genèse d’un artiste qui avait été son ami. Ensuite la sociobiographie, avec Avant mémoire, histoire d’une famille suivie à Paris pendant trois siècles, qu’il écrivit à la fin de sa vie.

Il fut membre de l’Académie de médecine et de l’Académie française.

Florence Delay
de l’Académie française

Source: Commemorations Collection 2007

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