Page d'histoire : René d'Anjou Angers, 19 janvier 1409 - Aix-en-Provence, 10 juillet 1480

Livre d’heures du roi René, à partir de 1436. René jeune, en prière, devant une tenture à ses armes. L’une de ses principales « devises » se lit en cinq exemplaires : « En Dieu en soit », soit selon la volonté de Dieu. La représentation résume la nature d’un prince soucieux de gloire dynastique, amateur de faste, mécène sensible à l’art de son temps, mû encore par des élans de dévotion.
Paris, BnF, département des manuscrits
© Cliché BnF
 

Capétien de la branche des Valois, René était petit-fils de Louis Ier  († 1384), le frère du roi Charles V. Second fils de Louis II († 1417) et de Yolande d’Aragon, il n’aurait dû recevoir que des seigneuries mineures. Il obtint pourtant de l’habile politique de sa mère les duchés de Barrois et de Lorraine. En 1434, il hérita en outre des domaines de son frère aîné, Louis III. Ils comprenaient Provence, Maine et Anjou, et la partie du royaume de Sicile péninsulaire (dit de Naples) dont Louis III s’était assuré. Depuis 1382, Louis Ier puis ses héritiers tentaient de s’établir dans cette Italie méridionale. Ils l’avaient contestée aux Duras, lignage également capétien, issu de Charles Ier, frère de saint Louis et devenu roi de Sicile. Ultime reine de cette dynastie, Jeanne II († 1435) avait fini par promettre sa succession à Louis III. Elle maintint son choix en faveur de René. Mais il fallait maintenant à ce dernier disputer le royaume au puissant Alphonse V d’Aragon.

Or, René commençait son règne dans les difficultés, prisonnier du duc de Bourgogne et soumis à une énorme rançon. En 1442, il laissait Naples, après une héroïque résistance contre Alphonse V. Il ne se rétablirait plus dans le Mezzogiorno. Il n’abandonnerait pas pour autant la politique italienne, mais sans profit. Curieuse revanche, quelques années après la mort d’Alphonse V, René se vit en situation de recevoir la couronne d’Aragon. Pour la posséder, il s’efforça en vain de contrôler la Catalogne (1466-1470). Il participa encore aux démêlés de la guerre de Cent ans. Il soutenait son beau-frère, Charles VII. Grand prince territorial, il inquiétait toutefois la monarchie française. Louis XI se préoccupa d’un rapprochement avec la Bourgogne. Il contraignit ainsi René à se replier en Provence pendant les dernières années de son existence (1471-1480) : un exil pour ce personnage surtout attaché à l’Anjou.

Quant à la Provence, elle eut le douteux privilège de contribuer la première à ses finances, alors que les guerres avaient ravagé ses autres domaines. S’il voulut améliorer l’administration de ses États, il chercha d’abord à perfectionner leur exploitation fiscale. Ses ambitions l’exigeaient. Son train de vie dispendieux n’arrangeait rien. La cour de René devint en échange un lieu majeur de la première Renaissance. Culture, arts, courtoisie, vie chevaleresque, élans mystiques s’y associaient. René n’animait pas seulement ce foyer. Il se révéla un théoricien du tournoi, un poète et auteur de talent.

Par ses projets immenses, ses rêves d’héroïsme et d’amour, il incarnait « l’automne du Moyen Âge » défini par Johan Huizinga. La remarque ne doit pas cacher la part de rationalité dans l’espoir d’entretenir les ralliements autour du prince vertueux et dans la volonté de dilater l’espace dominé. René croyait équilibrer l’irrésistible attraction de la monarchie française. En 1481, Louis XI recevait néanmoins la Provence. C’était la conclusion posthume d’un piteux bilan.

Jean-Paul Boyer
professeur à l’université de Provence

Source: Commemorations Collection 2009

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