Page d'histoire : Fondation du PSU 3 avril 1960

Brassard du service d’ordre (collection Jacques Foulon)

Candidat à l’élection présidentielle de 1969, Michel Rocard s’acquitte de son devoir de citoyen.
Cliché ORTF
© Archives nationales site de Fontainebleau.

3 avril 1960 – C’est dans un congrès dit de fusion qui se tenait à Issy-les-Moulineaux, tout près de Paris, que fut officiellement fondé le Parti Socialiste Unifié.

Dans l’histoire de France, ce fut la troisième fois que cette alliance de trois mots, Parti Socialiste Unifié, servait de référence à un rassemblement de militants de gauche. La première se situe en 1905. Pendant toute la période des négociations de fusion qui préparèrent la naissance du Parti Socialiste en France, on ne parlait que du Parti Socialiste Unifié. Lorsqu’il naît enfin, il est déclaré à la Préfecture de Police sous le nom de « Parti Socialiste, Section Française de l’Internationale Ouvrière ». L’usage consacrera ce sous-titre, SFIO, comme le nom du Parti fondateur du socialisme démocratique en France. C’est le véritable ancêtre du PS d’aujourd’hui. Il n’a jamais revendiqué le nom de sa naissance. La deuxième est un épisode institutionnel beaucoup plus bref, qui se situe en 1938-39. La montée du nazisme provoqua dans la gauche française inorganisée une agitation institutionnelle intense au sein de laquelle émergea pour moins de deux ans un « Parti Socialiste Unifié » qui resta dans la mémoire de ses anciens comme le premier PSU.

Celui qui compta sous ce nom dans l’histoire de France, créé donc en 1960, est clairement né de la guerre d’Algérie, mais à travers un processus compliqué. Dès les années 1950, le paysage politique français à gauche est marqué par l’isolement d’un Parti Communiste résolument stalinien, par l’usure et l’affaiblissement d’un Parti Radical que plus rien ne rattache à la gauche, et par l’ossification d’une SFIO qui n’a plus en commun qu’un anticléricalisme aussi virulent que suranné, qui hésite sur le choix européen, et soutient l’espoir caressé par la droite de voir la France reconstituer militairement son empire colonial. De ce fait, une part importante de la militance de gauche a fui les grandes organisations et se retrouve dans d’innombrables clubs, dans des structures péri-syndicales – telle « Reconstruction » auprès de la CFTC devenant CFDT, – dans des mouvements de jeunesse et même certains mouvements issus de l’église catholique (MLP, issu de l’Action Catholique Ouvrière). Tout cela se regroupe en 1957-58 dans l’Union de la Gauche Socialiste UGS.

Lorsqu’éclate l’insurrection algérienne, le 1er novembre 1954, même la gauche est surprise. Le rêve assimilationniste est tel que le Parti Socialiste SFIO se rallie finalement à une politique répressive pour la mise en place de laquelle le Parti Communiste vote des pouvoirs spéciaux au gouvernement SFIO de Guy Mollet.

C’est extérieurement aux partis de gauche que s’organise et s’exprime une militance hostile à la guerre et favorable à l’indépendance de l’Algérie. Au Parti Communiste, quelques membres créent un journal oppositionnel, Tribune du Communisme. À la SFIO, une minorité s’organise vigoureusement. Conduite par Édouard Depreux, elle regroupe une vingtaine de députés, plus de dix mille membres et tout le mouvement étudiant dont je suis l’animateur. En septembre 1958, peu après l’installation du gouvernement provisoire de Charles de Gaulle, se tient à Paris, au Palais de la Mutualité, le Congrès annuel de la SFIO, au cours duquel la minorité fait scission et décide, réunie au café d’en face, de créer le Parti Socialiste SFIO Autonome, qui sera nommé PSA. À peine créé, celui-ci reçoit l’adhésion de Pierre Mendès France, diffère dans le temps celle de François Mitterrand, et entreprend des pourparlers, explicitement orientés vers une fusion, avec Tribune du Communisme bien sûr, mais surtout avec la beaucoup plus grosse Union de la Gauche Socialiste.

Ce 3 avril, chacune des organisations a tenu congrès séparément, la veille et l’avant-veille. La fusion résulte d’une négociation de chefs d’appareils. Mais le travail est bien fait. Édouard Depreux, ancien ministre SFIO, devient le patron du PSU (secrétaire national) et Gilles Martinet, secrétaire général de l’UGS, devient le numéro deux. Le jeune PSU compte près de quinze mille membres, dont deux tiers d’anciens SFIO. Cinquante-deux délégations étrangères viennent saluer la naissance d’un parti de gauche français clairement anticolonialiste. La chilienne est conduite par Salvador Allende qui sera président de la république chilienne, et la marocaine par Mehdi Ben Barka, prestigieux leader de l’opposition
qui sera assassiné peu après.

Pendant près de deux ans, la lutte contre la guerre d’Algérie cimente le nouveau parti. S’il est absent du Parlement, ayant perdu en novembre 1958 tous les sièges des députés qui avaient rejoint le PSA, il est néanmoins infatigable dans la presse et dans l’organisation de manifestations publiques. Il est à l’origine de ce mouvement continu de manifestations qui, du 1er novembre 1961 à mars 1962, ont rassemblé quelques centaines de personnes au début pour finir à un million lors des obsèques des « morts de Charonne » victimes de la riposte policière lors de l’avant-dernière.

Les accords d’Évian au printemps 1962 mettent fin à la guerre d’Algérie, mais aussi à la cohésion du PSU. Il éclate en six ou sept courants illustrant chacun l’une des mouvances culturelles de la gauche française : trotskisme, communisme, socialisme démocratique, radicalisme, action catholique ouvrière.

Tout cela produit un grand désordre mais aussi une agilité intellectuelle considérable. Nombreux sont les sociologues, les philosophes, les économistes, les historiens, les hauts fonctionnaires de renom qui publient des livres et participent à des travaux collectifs. Cette créativité est à l’origine d’une nouvelle vision du mouvement social avec la montée des employés, du mouvement qui va porter la décentralisation, d’une réflexion sur l’appui nécessaire à nos anciennes colonies devenues indépendantes, et aussi d’un combat pour une plus grande liberté des mœurs qui contribua à la naissance du mouvement féministe.

Mais le PSU ne peut pénétrer les institutions. Il fait élire un député en 1962, quatre en 1967. Devant cet échec, l’idée est proposée au congrès de 1967 de rejoindre la Fédération de la Gauche démocratique et socialiste récemment créée par François Mitterrand et Guy Mollet. Le PSU refuse à une courte majorité.

J’en deviens le Secrétaire national à cette occasion, mais le PSU est affaibli. Peu après éclate le mouvement de Mai 68, étrange grève générale étudiante et ouvrière qui revendiquait plus le « droit à la parole » que des salaires. Très en pointe dans ces deux éléments, le PSU cherche à imposer la non-violence et le respect de l’outil de travail.

Le bilan du mouvement est une immense libération culturelle, mais un échec politique.

Au nom de cet échec, trotskistes et maoïstes imposeront ensuite au PSU un discours gauchiste qui le marginalise.

C’est en 1974 que, devant cette évolution négative, la direction du PSU suggère à la base de rejoindre le Parti Socialiste, transformé en 1971, à Épinay, par l’arrivée de François Mitterrand à sa direction. Le PSU, à son congrès d’Orléans, refuse. C’est donc une minorité de l’ordre de 40 %, que je conduis, qui rejoint le PS à l’occasion des Assises du socialisme à l’automne 1974.

Le reste du PSU disparaît ensuite de la scène politique et finit par s’auto-dissoudre au début des années 1980.

Michel Rocard
ancien Secrétaire national du PSU
ancien Premier Secrétaire du PS
ancien Premier Ministre

Source: Commemorations Collection 2010

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