Page d'histoire : Jean-Louis Baudelocque Heilly (Somme), 30 novembre 1745 - Paris, 2 mai 1810

Portrait du professeur Baudelocque, obstétricien
© Académie nationale de Médecine

La vie de Jean-Louis Baudelocque ne se comprend qu’en référence aux bouleversements politiques, institutionnels et scientifiques de la Révolution et de l’Empire. Fils d’un chirurgien de campagne qui l’initie à son art, il complète sa formation à Paris et suit les cours d’obstétrique du célèbre Solayrès de Renhac, dont il reprend l’enseignement après sa mort en 1772. En 1775, il publie son manuel Principes sur l’art des accouchemens par demandes et réponses en faveur des élèves sages-femmes. En 1776, il est reçu maître en chirurgie à Paris avec une thèse sur la symphyséotomie, dans laquelle il récuse cette opération barbare qui consiste, en cas de bassin trop étroit, à sectionner la symphyse pubienne de la parturiente afin de laisser passer le fœtus. En 1781 et 1789, il publie les deux premières éditions de son traité L’Art des accouchemens. Il devient alors célèbre pour son classement des différentes présentations, son forceps, sa pratique de la césarienne et l’invention du pelvimètre, qui permet de mesurer le diamètre antéro-postérieur externe (« diamètre de Baudelocque »), afin de prévoir les éventuelles dystocies.

Les années révolutionnaires, après l’abolition des anciennes facultés, sont un moment d’anarchie médicale, mais en 1794 est fondée la nouvelle École centrale de Santé de Paris ; Baudelocque est chargé d’y enseigner la théorie des accouchements. En octobre 1795, l’Office des accouchées de l’Hôtel-Dieu, lieu jusqu’à la Révolution de prestigieux cours d’accouchement, est déplacé au sud de la capitale. Le nouvel établissement, appelé Hospice de la Maternité, chevauche deux sites voisins : à l’Oratoire, rue d’Enfer, il accueille femmes pauvres et filles mères pour leurs couches ; dans l’ancien couvent de Port-Royal, il recueille les enfants abandonnés. En 1798, Baudelocque, en sus de son poste de professeur à l’École de Santé de Paris, devient chirurgien en chef et accoucheur à la Maternité. En 1802, on y ouvre une école d’accouchement qui offre à des sages-femmes venues de toute la France des cours de haut niveau. Baudelocque se montre un maître exceptionnel : pour la théorie, il fait apprendre son manuel par questions et réponses ; il fait aussi travailler les manœuvres obstétricales sur des mannequins ; il insiste sur l’importance de la pratique au lit du malade qui permet de mettre en œuvre la nouvelle médecine clinique. Il a alors beaucoup évolué par rapport à l’interventionnisme de sa jeunesse. Considérant que l’accouchement est une fonction naturelle, il recommande d’observer, d’attendre, de laisser faire la nature, d’utiliser le moins possible des instruments. Comblé de charges et d’honneurs, il conserve une clientèle privée prestigieuse. Son caractère autoritaire l’expose aux attaques de plusieurs de ses confrères, tel le docteur Sacombe, qui lui reproche notamment d’avoir provoqué la mort d’une mère et de son enfant après une césarienne intempestive ; il gagne son procès contre lui en 1804.

À la tête de la plus prestigieuse maternité de France, Baudelocque est, en son temps, un rare exemple d’accoucheur à plein temps. Mais il n’a jamais exercé dans les locaux de la maternité qui porte son nom, puisque c’est seulement en 1814 que le service des accouchements de la Maternité quitte l’Oratoire pour s’installer dans l’ancien couvent de Port-Royal où il est toujours.

Marie-France Morel
maître de conférences honoraire d’histoire
ENS de Fontenay-Saint-Cloud
présidente de la Société d’Histoire de la Naissance

Source: Commemorations Collection 2010

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