Page d'histoire : Jean Françaix Le Mans, 23 mai 1912 - Paris, 25 septembre 1997

Quelques mois avant sa naissance, sa mère chantait à son intention Bach, Haendel, Mozart, Schubert, Fauré, Debussy... À dix-huit mois, il invente sa première mélodie. Les parents Françaix reçoivent interprètes et compositeurs. Le grand-père maternel, Paul Provost, joue du violoncelle, et son épouse est une très bonne pianiste. Le petit Jean arrive dans un environnement de rêve. À l’âge de huit ans, il écrit : « Mon papa s’appelle Alfred : il a quarante ans. Ma maman s’appelle Jeanne : elle a trente-cinq ans. Mon papa est professeur de piano, ma maman est aussi un professeur de chant, je me nomme Jean Françaix. Le matin j’étudie mon piano, deux heures et demie. L’après-midi, je fais mes devoirs avec ma mère-grand […]. Non, je n’ai ni frère, ni sœur mais j’ai une petite cousine qui s’appelle Jacqueline avec laquelle je me marierai quand je serai grand mais il faudra que je gagne ma vie alors je me mettrai compositeur ».

La précocité de l’enfant alerte la grande Nadia Boulanger, professeur émérite. Au bout de deux mois, elle dit à sa mère : « Madame, je ne sais pas pourquoi nous perdons du temps à lui faire travailler l’harmonie, il sait l’harmonie. Je ne sais pas comment il la sait, il est né la sachant. Faisons du contrepoint ».

Sa première œuvre publiée s’intitule sans surprise Pour Jacqueline. En 1923, Maurice Ravel l’encourage à continuer et écrit notamment : « Parmi les dons de cet enfant, je remarque surtout le plus fécond que puisse posséder un artiste, celui de la curiosité ». À dix-huit ans, il reçoit un premier prix de piano premier nommé au Conservatoire national supérieur de Paris. Deux ans plus tard, ses Huit bagatelles remportent un triomphe au Festival international de Vienne, où il représente la jeune école française. En 1932, son Concertino pour piano et orchestre rencontre un grand succès. Beaucoup d’autres suivront et ses compositions seront dirigées par les plus grands chefs : Paul Paray, Charles Munch, Hermann Scherchen, Herbert von Karajan…

Pour les Ballets Russes, il compose en 1933 Beach et Scuola di ballo. La danse lui inspirera en tout seize partitions destinées à Serge Lifar, Roland Petit et Georges Balanchine. Son œuvre majeure, L’Apocalypse selon Saint-Jean pour soli, chœurs et orchestre, créée par Charles Munch, a été reprise à Berlin, Londres et en Italie.

En 1999, soixante ans après sa composition, cette fresque musicale impressionnante sera donnée dans la cathédrale du Mans, son inspiratrice. Jean Françaix a composé cinq opéras et opéras-comiques. Le diable boiteux a été entièrement bissé au Carnegie Hall de New York lors de sa représentation en 1950. Dans le domaine de la musique de chambre, Françaix s’est montré infatigable comme pianiste et bien sûr comme compositeur avec plus de cinquante pièces, du duo au dixtuor. Nombre d’entre elles font aujourd’hui partie du répertoire international. Excellent chef, il a écrit de très belles pages pour orchestre, Sérénade, La douce France, Symphonie en sol, La ville mystérieuse d’après Jules Verne. Il faut ajouter une quarantaine de concertos pour presque tous les instruments, et même pour accordéon. Mais sa plus grande notoriété en France, il la doit probablement aux musiques de films écrites pour Sacha Guitry : Si Versailles m’était conté, Napoléon, Les perles de la couronne…

L’histoire retiendra de ce compositeur aux multiples talents son élégance, sa volonté de faire plaisir hors de toute chapelle, de tout dogme, ses dons éclatants employés généreusement, et une certaine idée de la musique de son pays qui le place dans la glorieuse lignée de Chabrier, Debussy et Ravel.

Frédéric Lodéon
chef d’orchestre
producteur délégué à Radio France

Source: Commemorations Collection 2012

Personnes :

Lodéon, Frédéric

Thèmes :

Musique

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