Page d'histoire : Invention du procédé d'élaboration de l'acier sur sole 1865

C'est en 1863 que l’on obtint la première coulée d’acier liquide à partir d’un four Martin, dans la fonderie de Sireuil. Pierre Émile Martin (1824-1915) et son père Émile (1794-1871), directeur et propriétaire de l’usine, sont tous deux à l’origine de l’invention brevetée en 1864, dont le succès s’est trouvé confirmé en 1865 avec le dépôt d’un nouveau brevet. Pourquoi cet événement a-t-il retenu l’attention de l’histoire et pourquoi son 150e anniversaire est-il célébré aujourd’hui ?

Le fer et l’acier ont en effet été produits en continu depuis les Hittites, au IIe millénaire av. J-C. La technique s’est profondément modifiée au cours de 3 500 ans d’histoire, mais le four Martin y occupe une place emblématique.

L’évolution des techniques de production de fer et d’acier est complexe : les « bas foyers » de l’Antiquité et du bas Moyen Âge produisent des « loups », en réduisant chimiquement le minerai par du charbon de bois, et les « forges » purifient et mettent en forme le métal. La production se passe entièrement en phase solide car les températures atteintes dans les ateliers d’artisans anonymes du fer ne sont pas assez hautes. Tous ces outils évoluent empiriquement au fil du temps, en augmentant en taille et en température de fonctionnement, devenant des haut-fourneaux, des « affineries », des « moulins à fer », des « fenderies », etc., et répondant à une demande croissante en métal. Un « graal » se dessine : passer à une fabrication en phase liquide, pour produire du métal plus homogène et plus régulier. Le haut-fourneau, dès le XIIIe siècle en Suède, coule de la fonte liquide. Ce n’est qu’au XIXe siècle que le programme d’un passage intégral en phase liquide, donc de la production d’acier liquide, se réalise du fait de la maîtrise de plus hautes températures et de l’explosion de la demande d’acier, liée à la première révolution industrielle : il s’agit de construire des chemins de fer, des ponts, des machines et des canons.

C’est aussi le début du capitalisme. Brusquement, des inventeurs sortent de l’anonymat et obtiennent à titre personnel des brevets qui leur attribuent la propriété de leur invention. A. Darby, B. Hunstman, H. Bessemer et les Martin sont les premiers noms à sortir de l’ombre en sidérurgie, les deux derniers ayant supprimé tout passage intermédiaire en phase solide, le « graal » !

Le procédé Martin est celui qui a connu le plus grand succès dans le monde pendant un siècle. Apparue cinq ans après le procédé Bessemer, l’invention des Martin a néanmoins occupé le devant de la scène jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle, pour laisser ensuite la place à un avatar, très remanié, du procédé Bessemer : le convertisseur à l’oxygène.

L’innovation des Martin a consisté à associer le « four à puddler » et le « régénérateur », comme Carl Siemens avant eux : « le procédé Martin » utilise donc un « four Martin-Siemens ». Les Martin ont réussi là où d’autres avaient échoué (réfractaires silico-alumineux pour la sole, utilisation de chaux, de minerai de fer et de manganèse), ce qui en fait de véritables inventeurs.

 

Rémy Nicolle
ingénieur de l’École centrale de Paris
consultant en recherche-développement

et

Jean-Pierre Birat
ingénieur civil des mines
professeur honoraire à l’université de science et de technologie de Pékin
secrétaire général de la plateforme européenne technologique de l’acier, Bruxelles

Source: Commemorations Collection 2015

Personnes :

Nicolle, Rémy

Thèmes :

Invention, Métallurgie

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