Inventaire d'archives : Emploi, cohésion sociale et logement ; Service social d'aide aux émigrants (SSAE) (1921-2004)

Contenu :

INTRODUCTION
[Nota : cette introduction est commune aux versements CAC 20050590 et CAC 20060131]
Ce versement est constitué des archives du siège du Service social d'aide aux émigrants (SSAE). Il couvre la période depuis sa création en 1924 jusqu'au transfert de ses fonctions en 2005 dans un nouvel organisme, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) résultant de sa fusion avec l'Office des migrations internationales (OMI). Deux versements ont été réalisés regroupant les archives du siège et des dossiers individuels d'adoptions, de recherche des origines et de mineurs isolés et des affiches. Pour des raisons pratiques, les affiches contenues à l'origine dans le second versement feront l'objet d'un traitement distinct. La composition des deux premiers versements comporte les archives publiques constituées dans le cadre de sa mission de service public attribuée depuis 1976 et d'archives privées procédant du fonctionnement propre du SSAE et relatives à son action d'aide aux émigrants postérieurs à cette date.
CAC 20060131 art. 11.
Le versement CAC 20050590 comprenant 168 articles et le versement CAC 20060131 comprenant 155 articles.
CAC 20060131.
Statut, fonctionnement et organisation du SSAE.
Le Service social a le statut juridique d'association privée de la loi de 1901. Fondé en 1924 en tant que branche française de l'association non gouvernementale Service Social International (SSI) dont le siège est à Genève, il est reconnu d'utilité publique en 1932 .
Déclaration de l'association dite " Service international d'aide aux émigrants " J. O. du 1 juin 1926 devenant " Service social d'aide aux émigrants " J. O. du 10 novembre 1929. er
CAC 20050590 art. 58 à 89, CAC 20060131art. 121 à 126.
J. O. du 15 octobre 1932.
De 1924 à 1976 le SSAE a connu divers modes d'organisation. Son statut à caractère privé s'explique à la fois par l'initiative qui fut à l'origine de l'organisme et par la volonté délibérée de marquer l'indépendance du SSAE dans ses relations avec les migrants. Par la reconnaissance d'utilité publique, l'Etat, de son côté, a voulu souligner le caractère d'intérêt général des tâches assumées par l'association. Des textes officiels ont, au cours des années, contribué à préciser et à entériner le caractère de service public des missions qui incombent au Service en définissant les rapports juridiques et financiers entre celui-ci et l'Etat : arrêté du 1er juin 1945, textes des années cinquante sur son rôle à l'égard des réfugiés, convention signée le 11 février 1976 avec le secrétariat d'Etat aux travailleurs immigrés , protocole d'accord du 23 août 1976 avec le secrétariat d'Etat aux affaires sociales . En 1994, àl'occasion du 70ème anniversaire du SSAE, une charte associative réaffirme son identité, ses valeurs, son éthique et ses principes d'action. La convention générale de 1976 est réactualisée en décembre 1996 .
" [article 1]. [article 2]". CAC 20060131art. 10 L'Etat confie au SSAE qui l'accepte la mission d'organiser et d'assurer un service social spécialisé, complémentaire des services sociaux polyvalents de ce secteur (...) Ce service est ouvert, sans discrimination d'aucune sorte, aux migrants étrangers et à leurs familles. Il a pour objectif de faciliter, à travers une action collective ou individuelle, la solution des problèmes spécifiques liés à leur situation de migrants, qu'ils désirent demeurer en France, retourner dans leur Pays d'origine ou émigrer vers d'autres pays. (...)Le SSAE peut se voir confier des tâches ou études particulières répondant sur le plan national ou local aux besoins des migrants. Ces activités comprennent notamment (...) le perfectionnement et la formation des assistants sociaux et toute intervention spécifique destinée à expérimenter des formules nouvelles d'action sociale auprès des migrants (...) Outre la mission confiée par l'Etat au SSAE, l'association assume l'ensemble des activités prévues dans ses statuts ? En particulier , en tant que section française du Service Social international, le SSAE participe à l'action d'une organisation internationale non gouvernementale
" CAC 20060131art. 10. La coopération du SSAE est des services sociaux polyvalents est mise en œuvre dans le cadre de la région, du département, de la circonscription et du secteur polyvalent (...) pour participer à l'information des divers travailleurs de tous services ou organismes menant une action sociale en faveur des étrangers et de leur famille, et contribuer à leur formation ".
" [article 1] . [article 2], CAC 20060131art. 10 et 15. Dans le cadre de la politique d'accueil et d'intégration définie par le gouvernement, l'Etat confie au SSAE la mission d'organiser et d'assurer un service social spécialisé en direction des personnes étrangères vivant en France. Le SSAE a pour objectif de favoriser à travers une action individuelle ou collective, en particulier à l'occasion de leur accueil, la solution des problèmes liés à leur situation de migrants en vue de leur adaptation en France et de leur insertion dans la vie sociale ,ou de faciliter leur retour dans leur pays d'origine ou leur émigration dans un autre pays. Ce service est ouvert, sans discrimination d'aucune sorte, aux migrants étrangers de toutes nationalités et à leurs familles. Il coordonne son action avec celle des services et organismes intervenant auprès d'eux. Son action peut s'exercer directement, lorsqu'il intervient lui même pour résoudre les cas qui lui sont soumis. Elle peut aussi s'exercer indirectement lorsqu'il met les migrants en rapport avec les institutions ou organismes publics et privés susceptibles d'apporter des solutions à leurs difficultés ou apporte son appui - en les conseillant et en participant à la formation et au perfectionnement de leur personnel, en particulier les assistants sociaux - en vue de les aide dans leur action auprès des migrants. En outre, en tant que branche française du SSI, la SSAE participe à l'action d'une organisation internationale non gouvernementale ayant le statut consultatif auprès du CES des Nations Unies et du Conseil de l'Europe.Le SSAE peut se voir confier des tâches ou études particulières répondant sur le plan national ou local aux besoins des migrants (...) Ces activités comprennent notamment (...) toute intervention spécifique destinée à expérimenter des formules nouvelles d'action sociale auprès des migrants
Son conseil d'administration oriente la politique de l'association et soutien ses actions. Sa direction est assistée de trois services : administratif et financier, action sociale et communication et documentation. Le siège central regroupe une équipe de cadres sociaux chargés des relations avec les organismes officiels français et internationaux (ministères, consulats, OFPRA, HCR, CICR,...) ainsi que les autres associations œuvrant dans l'aide aux migrants. L'action sociale assure la supervision du travail effectué par les bureaux régionaux et départementaux et l'étude de problèmes généraux et conjoncturels. La communication et la documentation se chargent d'organiser des manifestations, la publication de revues ainsi que la diffusion de la documentation sur toutes les questions concernant les étrangers et l'aspect social de la migration.
Dès son origine, le SSAE a connu trois grands domaines d'activité : les réfugiés, les migrants économiques ainsi que le traitement des problèmes sociaux par delà les frontières. Se sont par la suite ajoutées les recherches sur le terrain et une mission de consultation par des avis ou recommandations à diverses instances. Ses rôles sont les suivants :
* L'accueil et intégration des étrangers nouvellement arrivés : demandeurs d'asile, actions individualisées ou collectives d'urgence, étude de situations pour motifs sociaux ou humanitaires.
* L'intégration locale de groupes de populations étrangères ou d'origines étrangères : information des étrangers sur la société française et des français sur les étrangers, faciliter l'accès aux immigrés et à leurs enfants à des logements corrects, promouvoir des projets concernant l'intégration sociale et la formation des immigrés, la cohabitation interculturelle et la vie associative locale.
* Le traitement social et juridique des situations présentant des aspects internationaux : secteur le plus ancien du SSAE connaissant par la suite des développements nouveaux liés aux nombreux mariages interculturels et aux déplacements de plus en plus fréquents d'un pays à l'autre. Ces cas souvent complexes nécessitent des analyses sociales approfondies, l'action allant du conseil socio-juridique à l'intervention coordonnée en France et à l'étranger avec le réseau du SSI et les postes diplomatiques et consulaires pour l'établissement de liens entre parents et enfants séparés, les cas d'enlèvement d'enfants, les rapatriement suite à des troubles graves de l'adaptation,...
* Les études effectuées à partir d'un matériel de cas connus ou élargies à un matériel plus vaste. Elles visent à informer ou à alerter, à faire avancer la réflexion sur l'action sociale et peuvent s'intégrer dans un processus de consultation du SSI auprès d'une instance internationale ou des recommandations à des personnalités du gouvernement, du parlement ou de l'administration .
Le SSAE a une fonction représentative en tant que conseil technique en service social auprès de la commission nationale du dispositif national d'accueil ; personnalité qualifiée auprès du Conseil supérieur à l'adoption, membre fondateur à la Coordination française pour le droit d'asile ; représentant du SSI auprès de la Coordination européenne pour le droit de vivre en famille et à la commission des migrations des réfugiés et de la démographie au Conseil de l'Europe.
* La formation au travail social avec les migrants  : service social professionnel, le SSAE est un terrain de stage pour les écoles d'assistants sociaux préparant les étudiants au Diplôme d'Etat, il intervient dans le programme de formation de ces établissements et l'accueil de travailleurs sociaux étrangers. En interne, la formation permanente (connaissance des dispositifs légaux, des structures d'accueil et des réseaux intervenant dans le champ social dans lequel les étrangers ont à s'insérer) a pour mission in fine d'analyser et de faire connaître les problèmes sociaux concrets rencontrés par les populations étrangères connues du Service.
CAC 20060131art. 128 à 136.
* Les publications : revue " Accueillir ", plaquettes d'information en direction des migrants ,...
CAC 20060131art. 140 à 142.
Financement et conventions.
L'association reçoit la majeure partie de son financement sous forme de subventions publiques. Elles se décomposent comme suit :
- Ministère des affaires sociales (DPM) : convention d'assistance et d'insertion pour les demandeurs d'asile et des réfugiés avec l'allocation d'attente et propositions d'aide.
- OMI : contribution au dispositif d'accueil des primo arrivants.
- FER (programme européen) : axe n° 1 interventions pour le premier accueil et l'accompagnement des demandeurs d'asile - subvention nationale ; participation aux plates formes d'accueil des demandeurs d'asile - subventions locales - axe n° 2 réunification familiale des réfugiés - subvention nationale.
- Ministère de la justice (BEJ)  : règlement des conflits familiaux à dimension internationale par l'établissement de rapports d'évaluation sociale, par la conduite d'actions de médiation, par une proposition d'accompagnement et d'aide psychosociale aux personnes victimes de soustraction d'enfants ; actions de formation et de recherche dans le cadre de la convention de La Haye de 1980 sur les déplacements d'enfants, des conventions bilatérales en matière de coopération judiciaire internationale en droit de la famille et la convention de Luxembourg de 1980 sur la reconnaissance des décisions en matière de droit de garde et de visite. visite.
CAC 20060131art. 68.
- Ministère des affaires étrangères : établissement de rapports d'évaluations sociales dans le cadre d'adoptions intra familiales ; activation du réseau SSI pour des enquêtes d'adoption suite à des demandes provenant de ressortissants français vivant à l'étranger ; partenariat avec les services d'adoption des conseils généraux pour la sensibilisation et l'appui technique concernant l'adoption internationale en lien avec le Centre international de références dans le cadre de la convention de La Haye de 1993 sur la protection de l'enfant dans l'adoption internationale.
- HCR : assurer des actions de formation et de sensibilisation du droit d'asile ; assurer un accompagnement des réfugiés pour la réunification familiale et dans ce cadre gestion d'un fonds d'aide permettant la prise en charge d'une partie des frais du voyage ; contribuer à la mise en place de formations des acteurs sur les questions spécifiques liés à l'asile et aux réfugiés.
- OIM : convention en lien avec la précédente pour la dimension réunification familiale, l'OIM est l'organisme qui se charge de l'organisation des voyages.
- Conseils généraux : conventions par objectifs pour assurer des actions de conseil technique sur des situations individuelles ou des problématiques globales, diffuser la documentation actualisée, assurer des actions de sensibilisation et de formation.
Origines et histoire du SSAE
Avant 1914, on assiste à une mobilisation philosophique de femmes protestantes, en majorité issues de pays anglo-saxons, face aux problèmes aigus rencontrés par les femmes et les enfants d'immigrants en Europe. Une conférence organisée par le Young Women Christian Association (YWCA) en 1914 se fait l'écho de cette situation dramatique. Retardé par le premier conflit mondial, l'examen de fond de cette question n'est entrepris qu'en 1920 avec une enquête dans les villages, les villes, les ports et aux frontières d'une dizaine de pays d'émigration et d'immigration. Cette enquête fait ressortir l'inexpérience et l'impuissance de la majorité des émigrants de l'époque, les conflits des lois et des réglementations entre les différents pays, le manque de clarté des règlements officiels ainsi que les déplorables conséquences physiques, morales et économiques de cet état de fait qui s'étend non seulement aux migrants mais aussi aux agglomérations où ils échouent. Il apparaît alors que la solution à ces problèmes nécessite une action combinée entre plusieurs pays. Aussi pour venir en aide à ces personnes, il est décidé que le service d'émigration du YWCA deviendrait une nouvelle organisation internationale, indépendante et non confessionnelle, dont les bureaux seraient situés à des points stratégiques de départ, de transit et de destination des étrangers. Le SSI, dont le siège est d'abord à Londres puis à Genève, voit le jour en 1922. En 1924 la section française du SSI prend le nom de Service social d'aide aux émigrants.
Les Polonais et Italiens qui travaillent dans les mines, l'agriculture ou le textile sont, entre les deux guerres, les premières nationalités auxquelles le Service apporta son concours. Le ministère de l'agriculture met en 1928 en place les premiers comités de protection des femmes immigrées (qui pallient le manque de main d'œuvre masculine) et charge le SSAE d'encadrer le corps d'inspectrices des femmes immigrées en agriculture. Le SSAE recrute un personnel féminin parlant polonais. Les arrêtés du 7 avril 1939 et du 13 mars 1940 puis du 1er juin 1945 fixent la création de comités départementaux du service social de la main d'œuvre étrangère (SSMOE) et leur codification. Ils s'assurent les services d'assistantes sociales proposées par le SSAE .
premier versement, art. 7 à 9, CAC 20060131art. 1 et 2.
Ce service lié au SSAE remplira sa tâche jusqu'à la circulaire du 27 mars 1973 qui verra la constitution des comités consultatifs départementaux d'action sociale en place du SSMOE.
Le financement des actions mises en place par le SSAE durant la période allant de sa création à la fin des années 40 ne va pas sans difficultés. Le service est tributaire presque exclusivement en France de donations privées et des aides venant de l'étranger apportées par le réseau SSI .
Premier versement art. 41.
Après l'arrivée à partir de 1937 des réfugiés espagnols, le SSAE travaille à faciliter le regroupement des familles lorsqu'un emploi a été trouvé, organise la formation des femmes pour leur placement dans l'agriculture, facilite le rapatriement des femmes et des enfants désirant retourner en Espagne.
La seconde guerre mondiale apporte des taches nouvelles. Avec l'occupation allemande, la France terre d'asile devient terre des camps. La plupart des œuvres disparaissent. L'action du SSAE mis en parenthèse active, le rôle d'organisme apolitique joue en faveur du SSAE. Face à un nombre impressionnant de réfugiés, le Service essaie d'obtenir des secours par le truchement du Secours national, de la Croix Rouge Française, du ministère des affaires étrangères, des consulats et légations. Entre septembre 1939 et l'Armistice de juin 1940, le SSAE facilite (avec le concours du SSI basé à Genève) à la fois les retours de français se trouvant en Allemagne et en Pologne et le rapatriement outre-Rhin des femmes et d'enfants d'allemands. A la demande du gouvernement français et du CICR, il organise entre les pays ennemis un service de messages familiaux qui fonctionne pendant toute la guerre. Dans la zone occupée, le Service offre une assistance qui devient l'un des seuls recours existants pour les internés polonais, britanniques, américains, ainsi que les juifs de toutes nationalités. Comme les autres internés, les réfugiés espagnols ont des conditions de vie encore plus dures que celles qu'ils ont connu à leur arrivée, en particulier ceux restés dans les camps. Certains sont regroupés dans des compagnies de travailleurs étrangers, réquisitionnés pour la construction du mur de l'Atlantique, le STO ou internés dans des camps comme celui de Gurs. Le SSAE porte aussi secours aux " transplantés " polonais amenés par l'occupant pour travailler dans le Nord-Est de la France. Le bureau de Lyon sert de pivot entre les deux zones et s'occupe avec celui de Marseille du travail effectué en zone sud , en particulier dans les camps d'internement. Les assistantes du SSAE visitent ces camps (en France métropolitaine comme en Afrique du Nord) où sont regroupés les étrangers et réfugiés. Elles cherchent à faciliter l'obtention des visas pour partir dans les pays d'Amérique du Nord et du sud.
Premier versement art. 10, 13, 25, CAC 20060131art. 2.
Premier versement art. 10 à 14.
La destruction des dossiers des juifs, le travail infatigable des agents du SSAE en faveur des persécutés pendant cette période trouble allant jusqu'à l'emprisonnement de deux directrices (dont Mme Chevalley qui se verra accorder la médaille des justes à titre posthume après guerre) par les autorités allemandes sont les faits d'armes à mettre à l'honneur de l'action du Service.
L'après guerre voit le SSAE étendre ses activités en étroite collaboration avec les ministères concernés : travail, population, santé, affaires étrangères, intérieur. A partir du début des années soixante, le flux des travailleurs immigrés augmente considérablement. Le SSAE doit alors adapter son action aux besoins locaux, proposer des solutions, tenter de nouvelles expériences. L'attention et l'action du Service se porte plus particulièrement sur les jeunes immigrés, les hommes seuls, l'habitat (résorption des bidonvilles, création des foyers). L'arrêt de l'immigration des travailleurs en 1974 puis le développement du chômage modifie les conditions de vie des étrangers et la nature des difficultés auxquelles ils sont confrontés. C'est dans la perspective de leur insertion que se développent des initiatives et expériences nouvelles : apprendre à vivre ensemble dans la communauté nationale, ouvrir l'école sur la famille et la vie de quartier, mobiliser les ressources locales et développer les relations intercommunautaires.
Les flux migratoires et l'intervention du SSAE auprès des réfugiés
Les réfugiés sont des migrants ayant dû souvent quitter leur pays en catastrophe dans des conditions traumatisantes et ne pouvant pas y retourner avant longtemps. Les vagues successives se sont enchaînées tout au long du XXe siècle : arméniens à Marseille, russes blancs réfugiés d'abord en Chine après 1917 puis transitant une nouvelle fois par les Philippines avant d'arriver en France, italiens antifascistes, espagnols exilés par la guerre civile, allemands et autrichiens fuyant le nazisme, passagers de " l'Exodus " à Marseille, albanais venant de Grèce, polonais venant de Sibérie transitant par le Kenya...
La population des réfugiés d'immédiat après guerre comporte une forte proportion de personnes âgées, de malades ou d'infirmes non couverts par la législation sociale française. Des programmes d'aide collective spécifiques sont mis en place C'est à partir de 1950 que l'activité d'accueil et l'insertion du SSAE est financée par l'Etat. Lorsque l'OIR est dissoute, le gouvernement prend en charge les programmes d'assistance qu'elle gérait et en confie la mise en œuvre au Service. En vertu de cet accord, l'OFPRA se voit confier la protection juridique des réfugiés et apatrides tandis que le SSAE, tout en restant organisme privé, est chargé par le ministère des affaires étrangères de leur remettre une aide financière (aide de subsistance aux demandeurs d'asile dans l'attente d'un premier salaire ou de l'allocation d'insertion, aide à ceux présentant un handicap particulier). L'aide apportée par le SSAE aux réfugiés s'officialise. Pour les familles dispersées par la guerre, le service social fait appel au réseau de correspondants du SSI et établit des liaisons avec le CICR. Il s'efforce de situer les pays où se trouvent les divers membres du groupe familial, voit avec les intéressés le lieu où la famille pourra se reconstituer et vivre, aide à obtenir les documents de voyage, oriente vers des cours de langue ou des stages de réorientation professionnelle.
CAC 20050590 art. 118.
CAC 20050590 art. 101 à 108, 111.
CAC 20050590, art. 104, 107.
CAC 20050590 art. 113 et 114. (lors de la création de l'OFPRA, le SSAE est nommé à son conseil d'administration où il représente les autres associations qui reçoivent des subsides de l'Etat (Croix Rouge, Cimade, France Terre d'Asile, Secours catholique).
Les nouvelles vagues de réfugiés à partir des années cinquante appartiennent à des tranches d'âge plus jeunes. Le plein emploi étant la règle, ils se mettent au travail rapidement. La législation en faveur des réfugiés évolue de sorte que les aides financières du SSAE deviennent des aides relais en attendant que les intéressés puissent bénéficier de leurs droits. D'autres vagues de réfugiés politiques apparaissent expulsés d'Egypte en 1956, hongrois puis tchécoslovaques fuyant leurs pays après l'échec des soulèvements populaires contre l'occupant soviétique, étrangers repliés d'Algérie, chiliens, tamouls du Sri-Lanka,... . Le Fonds d'installation local pour les réfugiés (FILOR) est créé en 1967 par accord entre le HCR et le ministère des affaires étrangères. Il attribue des aides aux réfugiés statutaires. A partir de 1975, l'arrivée d'un grand nombre de réfugiés du sud-est asiatique (Cambodge, Vietnam, Laos) voit le SSAE officiellement chargé de leur offrir la première aide. Une convention avec le ministère des affaires étrangères est signée en ce sens lui permettant d'accorder des subsides aux plus démunis qui ne sont pas hébergés dans le dispositif coordonné par France Terre d'Asile. Un protocole d'accord le 30 mai 1975 répartit les tâches entre les associations qui leur viennent en aide.
CAC 20050590 art. 119 à 122.
CAC 20050590 art. 126.
1975 est une année charnière : les mutations politiques, les conflits, provoquent des mouvements de population facilités par le développement des échanges internationaux. Les réfugiés arrivent de partout, souvent seuls mais aussi avec femmes et enfants. Bien que jeune, cette population accumule le handicap de personnes issues de pays forts différents culturellement qui arrivent dans un contexte économique dégradé. Le climat de crise économique tend le climat d'accueil de ces réfugiés : libanais, africains d'origines diverses, haïtiens, iraniens, kurdes, roumains, ex yougoslaves, afghans ...
CAC 20050590 art. 128 et 129, CAC 20060131art. 69 à 74.
Le SSAE se charge de l'accueil et l'aide financière des demandeurs d'asile qui ne sont pas hébergés dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile pendant la durée de la procédure d'examen de leur demande de statut de réfugiés et leur insertion lorsque ce statut leur a été accordé. Au-delà de ce premier accueil, les assistants sociaux aident des personnes appartenant aux catégories les plus vulnérables : mineurs isolés femmes familles éclatées, personnes âgées malades, handicapés. Son travail avec les réfugiés statutaires et leur famille a toujours été très important. Pour ce faire, il dispose de fonds publics spéciaux qui permettent de compléter les aides légales dont ils peuvent bénéficier au même titre que les Français, leur permettant d'accélérer leur insertion sociale et professionnelle (financement en partie de l'accès à un logement, apprentissage du français, formation professionnelle voire création d'entreprise). Des aides d'urgence et des bourses scolaires peuvent également être attribuées. Par la suite, le SSAE devient souvent leur service de référence pour ceux qui veulent réunir leur famille. La préparation de son arrivée est une activité importante du travail de l'association. La convention signée en 1993 avec le HCR et l'OIM implique le SSAE dans l'évaluation sociale de leur situation en vue de sa prise en charge matérielle et financière par ces organismes internationaux. Le service collabore en partenariat avec d'autres associations. En ce qui concerne les mineurs isolés, demandant l'asile, l'accord signé en 1991 avec l'OFPRA permet que soit signalé au SSAE tout mineur pour que le service puisse l'aider dans ses difficultés liées à la séparation de sa famille et à sa tutelle légale. A partir de la fin des années 90, le SSAE contribue à l'organisation du pré accueil et l'accueil des primo arrivants avec un contact systématique avec le service social dès leur arrivée. Se met alors en place le dispositif des plate formes d'accueil L'accès aux droits en tant que conseil et l'élaboration de dossiers dérogatoires se développe en parallèle à sa contribution au réseau partenarial (national ou local) de veille et d'alerte sur l'application des textes.
CAC 20060131art 115 à 116.
CAC 20060131art. 117.
CAC 20060131art. 114.
CAC 20060131art. 104.
On constate depuis lors une internationalisation des questions de migration, la nécessité de gérer leur intégration à un niveau micro sociétal du fait de la montée des problèmes de cohabitation et des précarités. Les pouvoirs politiques sont pris entre les aspirations montantes pour plus de solidarité, d'action humanitaire et la nécessité, pour des impératifs financiers, de fermer les frontières et de limiter l'accès aux droits sociaux. La décentralisation s'accélérant, les pouvoirs politiques régionaux se renforcent en parallèle à la montée du populisme et des extrémismes. Devant la montée des problèmes sociaux, des dispositifs multiples sont mis en place et les services sociaux ne sont plus les seuls à agir. Les valeurs qui soutiennent ces services traversent une crise. Pour le SSAE, les usagers deviennent des acteurs à part entière d'un autre type : communautés multiculturelles, femmes, jeunes de deuxième et troisième génération, institutions.
Les travailleurs migrants, les politiques d'immigration et le travail social du SSAE
Dans l'entre deux guerres, le phénomène des travailleurs migrants concerne principalement les Italiens dans le sud est de la France et les mineurs et ouvrier(e)s agricoles polonais(es) dans le nord et l'est dès les années 20. Les conditions de vie de l'époque dans les campagnes (logement médiocre, dépendance totale à l'employeur, absence de lois sociales) sont à l'origine de la création du SSMOE.
Au lendemain du second conflit mondial, l'économie française devant faire face à d'importants besoins de main d'œuvre étrangère, les ordonnances de 1945 fixent alors les conditions d'entrée et de séjour des étrangers et l'Office National d'Immigration - ONI - est créé. Le ministère de la population a en charge l'accueil et l'installation des familles. L'Etat prend alors en charge une tâche jusque là dévolue au patronat. Il a le monopole des opérations de recrutement. Quand est définie, avec les ordonnances de 1945, la politique d'immigration, le ministère du travail confirme sa préoccupation de voir un service social en charge du sort de la main d'œuvre introduite. Il précise son accord avec le SSAE pour le développement des SSMOE et encourage les services préfectoraux à créer des comités départementaux, permettant la création de postes d'assistantes sociales. 1945 est l'année de création de la délégation générale à la population et de l'entraide sociale au ministère de la santé publique et de la population, chargée de l'ensemble de l'action sociale mais également pour les étrangers de la politique d'introduction des familles et des naturalisations. Dans les départements, les directions départementales de la population (qui deviendront les DASS) instruisent les demandes d'introduction des familles. L'ONI organise, canalise, assure le contrôle sanitaire et le recrutement des travailleurs. Dès 1946 de nombreux italiens viennent chercher du travail en France, suivis à partir de 1948 de travailleurs espagnols, de yougoslaves à la fin des années cinquante puis en 1964 des ouvriers portugais A partir des années 60, on assiste à un allongement du temps de séjour en France, les familles rejoignent les travailleurs malgré l'absence de logement et le développement des bidonvilles Du Maghreb arrivent dans les années soixante des travailleurs marocains et tunisiens. L'immigration algérienne, bien que réelle dès les années cinquante ne prend de l'ampleur qu'après l'indépendance de l'Algérie avec la signature d'accords bilatéraux. Parallèlement, l'indépendance de nombreux pays africains et la signature d'accords entre 1972 et 1975 voit l'arrivée par vagues successives de sénégalais, maliens, mauritaniens rejoints à la même époque par les travailleurs turcs.
CAC 20050590 art. 123, 124.
CAC 20050590 art. 141 et 142.
Une ordonnance du 19 décembre 1958 crée le FAS pour les travailleurs musulmans d'Algérie en métropole, son rôle s'étendant à tous les migrants à partir de 1964. Sa mission de financement d'actions sociales permet la création de foyers de travailleurs, la suppression des bidonvilles, la construction de foyers de transit, l'institution de cours de français, la création de services d'accueil. En 1966, la DPM est séparée de l'action sociale avec pour mission de coordonner les mesures prises pour les étrangers et leurs familles tant sur le plan législatif avec les ministères concernés (intérieur, travail, affaires étrangères, affaires sociales...) et de développer l'action sociale. A partir de 1968 l'Etat affirme sa volonté de maîtriser l'immigration et l'intégration. L'administration réorganise la distribution des aides avec l'instauration du guichet unique. Cette même année voit la libre circulation des travailleurs dans la CEE. A partir de 1972 sont préparés à la DPM les premiers programmes pluriannuels d'action sociale pour les travailleurs migrants. 1977 marque un tournant dans la politique d'immigration avec l'arrêt de la politique d'immigration et le million du retour donné aux travailleurs pour les inciter à retourner dans leur pays d'origine. Les crédits du FAS sont diminués. A partir de 1981, une série de lois réforment les ordonnances de 1945. La suspension de l'immigration de travailleurs est maintenue. Le regroupement familial est lié à des conditions de ressources et de logement et limité aux conjoints et enfants mineurs. L'abolition de la réglementation restrictive envers les associations étrangères encourage la vie associative. La lutte contre le travail clandestin s'accentue. L'aide au retour est transformée en aide à la réinsertion. Les procédures d'expulsion ne sont plus administratives mais judiciaires. Des moyens sont donnés au FAS pour insérer les populations résidentes. Dans les années 90, la lutte contre le travail clandestin s'intensifie et la maîtrise des flux migratoires s'accentue.
CAC 20050590 art. 157 à 159, CAC 20060131art. 96 à 103.
Après guerre, le SSAE a développé une importante action d'alphabétisation ou de scolarisation à l'égard des migrants et de leurs enfants. Plus tard, avec l'aide du FAS, il crée des classes d'apprentissage intensif du français pour les adolescents au centre du Rocheton et participe au centre de préformation de Saint-Étienne. De 1964 à 1973, il octroie des bourses aux enfants de travailleurs migrants, initiatives reprises ensuite par d'autres organismes ou par les pouvoirs publics (bourses d'enseignement secondaire par le ministère de l'éducation nationale à partir de la rentrée de 1973 . D'autres réalisations sont financées par la CNAF : socialisation des enfants de travailleurs migrants, travail communautaire en Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Nord, actions collectives expérimentales visant à prendre en compte les besoins des familles étrangères dans des projets concernant l'ensemble de la population (mise en œuvre d'initiatives destinées à faire des habitants les acteurs du développement de leurs quartiers, formations professionnelles pour les jeunes, adultes au chômage, femmes, insertion des enfants dans les écoles et activités périscolaires), expériences en direction des couples français désirant adopter des enfants étrangers
CAC 20050590 art. 55.
CAC 20050590 art. 143 et 144.
CAC 20050590 art. 137 à 139.
CAC 20060131art. 117.
Intérêt du versement.
L'étendue du travail social réalisé par le SSAE sur plus de quatre vingt ans qui constitue la part essentielle des documents présents dans ce fonds représente déjà un caractère exceptionnel. Mais trois aspects spécifiques, parmi beaucoup d'autres, inhérents au SSAE, sont à souligner.
En premier lieu le travail social international réalisé par le SSAE, section française du SSI, est une de ses particularité. Les travaux, comptes rendus et échanges entre le SSAE, les bureaux mondiaux et le siège genevois du SSI, apportent un éclairage complet de l'évolution du travail social dans le monde entier durant cette longue période qui a vu de nombreux changements et bouleversements s'opérer. Il est également à noter que le travail d'aiguillon du Service a ainsi pu être à l'origine de l'établissement de conventions internationales relatives à l'adoption et envers la protection des mineurs (gardes et tutelles d'enfants, enlèvements par l'un des parents, mineurs isolés ...).
CAC 20050590 art. 130 à 134, 157.
CAC 20050590 art 152.
En second lieu et concernant son aide aux réfugiés, les documents et dossiers présents dans ce fonds illustrent la dualité du SSAE, pourvoyeur d'aides publiques et par la même soumis aux politiques de l'administration, et son combat avec les autres associations pour contrebalancer certains effets pervers de ces décisions politiques comme celui des nombreux réfugiés qui, faute d'avoir pu être régularisés, n'ont d'autre choix que celui, rare, du départ, ou de la clandestinité .
CAC 20050590 art. 146 à 148, CAC 20060131art. 77 à 88.
Enfin, le SSAE a très souvent été à l'origine d'expériences nouvelles sur le plan local en direction des travailleurs migrants et de leurs familles dont la réussite se voyait reconnaître par leur reprise par les politiques dans leurs mesures et plans d'action en faveur de ces populations.
CAC 20060131 art. 49 et 50, 105 à 110.
Sommaire
Art 1-168 : dossiers du siège du service social d'aide aux émigrants (SSAE). Conseils d'administration, fonctionnement du SSAE pendant la seconde guerre mondiale, aide aux refugiés et rapatriés, relations internationales, conférences. 1921-2004.

Cote :

20050590/1-20050590/168

Publication :

Archives Nationales
2005

Informations sur le producteur :

Service social d'aide aux émigrants

Localisation physique :

Pierrefitte

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAN_IR_020142

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