Inventaire d'archives : Ministères chargés de la Reconstruction ; Centre de règlement des dommages de guerre de Paris. Dossiers de dommages de guerre...
Titre :
Ministères chargés de la Reconstruction ; Centre de règlement des dommages de guerre de Paris. Dossiers de dommages de guerre mobiliers (1940-1966).
Contenu :
Les dossiers de dommages de guerre mobiliers, réunis en 152 articles au sein du versement
19780332 concernent en majorité des dommages survenus à Paris et en région parisienne, ainsi
qu’à l’étranger. Les demandeurs sont essentiellement des personnes éligibles à la loi Brüg, des
familles juives notamment, et des personnalités de tous horizons, futur président de la
République ou ancienne Miss France. La plupart des demandes fait suite au pillage d’appartements
dont les propriétaires ou les locataires étaient absents, mais certaines émanent des diplomates
en poste dans des pays envahis par l’Allemagne, et de professions libérales, des médecins qui
avaient leur cabinet à domicile par exemple.
Le pillage des appartements juifs commence dès l’hiver 1941 dans les régions occupées de l’Est
de la France. Le 25 mars 1942 les forces d’occupation créent la Dienststelle Westen, confiée à
Kurt von Behr. Son personnel et ses locaux, sis au 54 rue d’Iena à Paris, sont distincts de ceux
de l’EinsatzstabReichsleiter Rosenberg (ERR), pré-existant. Au début de l’année 1942, le pillage
des appartements vacants, dans le cadre de la Möbel Aktion (« Action Meubles »), en
contravention de toutes les règles de droit, devient systématique. Il vise les juifs étrangers
et français, internés, arrêtés pour des délits, expulsés en zone libre ou émigrés. Au printemps
1944, il s’étend au Sud de France, dans des proportions bien moindres toutefois. Le bilan de la
Dienststelle Westen s’élève, le 31 juillet 1944, à 69 619 appartements pillés en France, en
Belgique et aux Pays-Bas. On estime que les deux tiers de ces appartements se situaient sur le
territoire français. Les biens spoliés sont d’abord dirigés vers des centres de triage, le camp
« Lévitan », le camp d’Austerlitz, l’hôtel Cahen d’Anvers, au n°2 rue Bassano et le n°60 rue
Claude Bernard. Des entreprises de déménagement sont réquisitionnées à cet effet à partir de
l’été 1943, et jusqu’en 1944. Les meubles de valeur sont ensuite envoyés en Allemagne pour y
être distribués aux sinistrés. Les objets d’art et les instruments de musique, confiés à l’ERR
et à sa brigade spécialisée, le Sonderstab Musik, sont rassemblés en divers lieux dédiés. La
provenance des biens n’est pas renseignée, c’est pourquoi à la Libération les restitutions sont
infimes, et les biens tombés en déshérence généralement vendus au profit du Domaine.
Votée par la République fédérale allemande le 19 juillet 1957 et amendée à plusieurs reprises,
la loi Bundesrückerstattungsgesetz, dite « Brüg », s’applique aux biens spoliés en République
fédérale d’Allemagne et à Berlin, mais aussi à ceux transférés vers ces territoires. Le
ministère de la Reconstruction et du Logement s’engage à communiquer aux demandeurs, qui ont la
possibilité de se faire représenter par le Fonds Social Juif Unifié (FSJU), les pièces utiles au
calcul de la valeur des biens spoliés. Devant la difficulté à prouver l’envoi des biens vers
l’Allemagne est instituée en 1959 une présomption de transfert. La troisième loi modificative de
la loi Brüg en 1964, qui s’accompagne de la levée du délai de forclusion, permet la réouverture
des dossiers restés sans suite. En résulte une recrudescence des demandes, souvent formulées par
l’intermédiaire du bureau des spoliations mobilières du FSJU. Les demandeurs doivent produire un
document officiel qui atteste de l’indemnité perçue au titre des dommages de guerre ou, à
défaut, du fait qu'il n'existe pas de dossier à leur nom.
L'indemnisation au titre de la loi Brüg constitue donc une procédure distincte mais liée à
celle mise en œuvre dans les dossiers de dommages de guerre mobiliers conservés aux Archives
nationales.
Les dossiers portent la référence RB, pour « Reconstitution des biens », suivi des sigles DOM
(quelquefois M) ou, plus rarement, MUC, qui désignent respectivement le « Mobilier familial
enlevé par l’occupant » et les « Meubles d’usage courant ». Ils sont classés par catégorie de
biens, puis par ordre numérique. Ils se composent de la demande d’allocation complétée par le
demandeur et accompagnée de pièces justificatives telles que des copies de documents d’état
civil ou de documents d’identité notamment, l'inventaire détaillé des meubles enlevés par
l’occupant, la police d’assurance, les attestations du maire, du commissaire de police et de
témoins et, le cas échéant, la fiche de renseignements complémentaires, d'un sous-dossier
administratif et financier comprenant la décision portant évaluation définitive d’indemnité, la
décision d’engagement, la réquisition de paiement et d’émission et autres pièces comptables,
ainsi que de la correspondance entre le demandeur et le service instructeur. Y figurent parfois
des documents divers, en particulier quelques rares photographies d’appartements et rapports
d'enquête.
La demande d’allocation est particulièrement riche, puisqu’elle comporte des informations sur
l’état civil et le lieu de résidence des personnes, de même que sur la composition du foyer, aux
dates du sinistre et du dépôt du dossier. Les mentions relatives à l’origine, à la confession ou
au sort des sinistrés pendant la guerre, en marge des documents, peuvent venir éclairer
l’histoire des familles.
L’inventaire du mobilier, la police d’assurance et d'éventuelles photographies apportent des
renseignements d’ordre socio-économique sur les sinistrés qui appartiennent ici, pour beaucoup,
à la bourgeoisie, et sur leur cadre de vie avant-guerre. Ces documents sont susceptibles de
servir à des recherches en vue de l’identification des biens spoliés et, peut-être, de la
réparation des spoliations.
Cote :
19780332/2-19780332/153
Publication :
Archives nationales
2016
Pierrefitte-sur-Seine
Informations sur le producteur :
Ministère de la Construction
La France connaît au cours de la Seconde Guerre mondiale des destructions sans précédent.
L’État français s’inspire des principes inscrits dans la loi du 17 avril 1919, dite « Charte des
sinistrés », et de l’organisation administrative antérieure, pour créer, par la loi du 11
octobre 1940, le Commissariat technique à la Reconstruction immobilière, en charge de
l’indemnisation des sinistrés. La Délégation générale à l’Équipement national, instituée par la
loi du 23 février 1941, se voit confier la planification des travaux d’urbanisme et le
relèvement de l’appareil productif, tandis que la loi du 12 juillet 1941 vient compléter les
dispositions relatives à la réparation des dommages de guerre. Le bilan humain et matériel
s’alourdit encore sous l’effet des bombardements alliés et de la retraite des troupes
allemandes : en 1945, la France compte cinq millions de sinistrés. Aux destructions immobilières
s’ajoutent spoliations et dommages mobiliers. À la Libération, le Commissariat général aux
dommages de guerre poursuit, assisté de services départementaux, l’instruction des dossiers
d’indemnisation, commencée sous le régime de Vichy. Le décret du 16 novembre 1944 crée le
ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, dont les attributions sont précisées dans
l’ordonnance du 21 avril 1945. En 1949, le Commissariat général aux dommages de guerre disparaît
au profit de la direction des dommages de guerre, qui est rattachée à ce ministère. Elle sera
remplacée par la sous-direction de la liquidation des dommages de guerre, demeurée en activité
de 1965 à 1975.
L’ordonnance du 8 septembre 1945 assimile les dommages d’occupation aux dommages de guerre,
permettant aux particuliers dont les biens ont été détruits ou enlevés à la suite de
réquisitions, de saisies ou de pillages, de prétendre à une indemnisation. Il convient de
souligner que les victimes de persécution sont traités à l’instar des autres demandeurs par le
ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. La loi du 28 octobre 1946 proclame « l’égalité
et la solidarité de tous les Français devant les charges de la guerre » et affirme le droit à la
réparation intégrale des « dommages certains, matériels et directs causés aux biens immobiliers
ou mobiliers par les faits de guerre dans tous les départements français », tout en posant des
conditions très restrictives à l’indemnisation des étrangers. Le droit à l’indemnité est reconnu
aux seuls sinistrés qui reconstituent effectivement leurs biens. Son montant est calculé sur la
base de la valeur des biens à la date du sinistre, et de divers autres critères tels, pour les
dommages mobiliers, que la catégorie des meubles et la composition du foyer. Les demandes, qui
affluent au lendemain du conflit, sont examinées par ordre de priorité. Le délai de forclusion,
d’abord fixé au 1er janvier 1947, sera porté au 5 juillet 1952. Trois millions de dossiers ont
ainsi été instruits entre 1944 et 1985 pour les seuls dommages mobiliers : 1 785 000 concernent
du mobilier familial, et 1 250 000 des biens dits « d’usage courant », qui ne sont pas destinés
à meubler ou à orner les appartements : armes à feu, matériel de pêche ou de camping…
Les services départementaux du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme traitent les
demandes relatives aux dommages mobiliers survenus dans leur ressort géographique. Chargés
d’évaluer les biens, d’indemniser les sinistrés et d’arbitrer les litiges, ils ont employé
jusqu’à 170 000 agents. Ils ont été supprimés à mesure de la clôture des dossiers, l’activité
restante étant transférée à un centre de règlement doté d’une compétence interdépartementale. Au
31 décembre 1961 ne demeurent que quinze services départementaux et onze centres de règlement
dont celui de Paris, qui emploie 2 700 agents et couvre les départements de la Seine, de la
Seine-et-Oise, de la Seine-et-Marne et de l’Eure-et-Loir. En 1964, il est le plus important des
six centres de règlement subsistants, avec un ressort qui s’étend sur 55 départements. Par une
circulaire du 6 janvier 1976, le centre de règlement des dommages de guerre de Paris, qui compte
toujours une vingtaine d’agents, prend le nom de centre national de règlement des dommages de
guerre. Celui-ci est supprimé en 1985. Pendant l’année qui précède sa fermeture, quatre agents
œuvrent à la liquidation et à l’archivage des dossiers.
Informations sur l'acquisition :
Archives publiques entrées par voie de versement.
Historique de conservation :
Le versement 19780332, constitué de 195 articles, revêt un caractère hétérogène. Les dossiers
de dommages de guerre mobiliers y représentent 152 articles, soit l’essentiel de celui-ci. Les
dossiers de dommages de guerre, évalués au début des années 1960 à près de cent kilomètres
linéaires pour l’ensemble de la France, ont fait l’objet à la même période d’éliminations
importantes, quoique variables d’un département à un autre. La circulaire n°62-10 de la
direction des Archives de France, en date 14 mars 1962, indique que le tri de ces dossiers, que
ne sauraient accueillir en totalité les services d’archives départementales, doit être réalisé
« en coopération avec les services des dommages de guerre ». Lui est annexé un extrait de la
circulaire n°62-11 du ministère de la Construction aux préfets et aux directeurs départementaux
de la Construction en date du 6 février 1962 qui, en matière de dommages mobiliers, prescrit la
conservation :
- « a. Des dossiers que MM. les directeurs des services d’archives départementales auront désiré conserver en raison de leur intérêt historique ou scientifique ;
- b. Des dossiers faisant l’objet d’un recours encore pendant, devant une commission de dommages de guerre ou toute autre instance judiciaire ;
- c. Des dossiers au sujet desquels les titulaires auraient demandé, en application de l’article 28 de la loi 61-825 du 29 juillet 1961, la restitution de certains documents, dans l’hypothèse où MM. les directeurs départementaux n’auraient pas donné satisfaction à la demande ;
- d. Des dossiers dont les titulaires ont demandé la conservation en vue d’obtenir le bénéfice de la loi fédérale allemande (loi Brüg) ».
En février 1964, un visa d’élimination a été accordé aux services parisiens du ministère de la
Construction par les Archives de la Seine pour près de 135 000 dossiers de dommages de guerre
mobiliers. Toutefois, en application de ces circulaires, ont été conservés les dossiers pour
lesquels l’indemnité était supérieure à un million d’anciens francs et ceux des personnes
éligibles à la loi Brüg, qui en avaient fait la demande expresse. Les Archives de Paris
conservent aujourd’hui, au terme de la dévolution des archives de l’ancien département de la
Seine, en 1999 et 2000, aux nouveaux départements, 7 000 dossiers de dommages de guerre
mobiliers, dont 2 600 concernent du mobilier enlevé par l’occupant et 20 des biens « d’usage
courant ». Il semblerait que les dossiers de dommages de guerre qui composent le présent
versement aient échappé aux éliminations parce que les sinistrés pouvaient prétendre à une
indemnisation au titre de la loi Brüg ou qu’ils étaient des personnalités. Restés au centre de
règlement des dommages de guerre de Paris, devenu centre national de règlement des dommages de
guerre, ils ont été versés aux Archives nationales par l’intermédiaire de la mission des
archives auprès du ministère de l’Équipement. En effet, d’après le bordereau de versement, les
Archives de Paris n’auraient pas été en mesure de les accueillir, faute de place, au moment de
leur liquidation, en 1973. Les dossiers de dommages de guerre mobiliers des Archives nationales
forment donc le complément des dossiers clos et versés à une date antérieure à ce service
d’archives et qui s’y trouvent, pour la plupart, toujours conservés : en témoigne la réciprocité
des lacunes observées dans leur numérotation.
Les dossiers que conservent les Archives nationales et les Archives de Paris ne constituent
pas un corpus représentatif des victimes de spoliation, ni a fortiori de persécution, dans le
département de la Seine. Les familles juives, propriétaires de biens et de nationalité
française, qui ont déposé une demande auprès de l’administration parisienne des dommages de
guerre, peuvent en effet n’avoir jamais engagé de procédure d’indemnisation au titre de la loi
Brüg, ou n’avoir pas demandé expressément, comme l’exigeait la réglementation, la conservation
des pièces versées au dossier.
Description :
Évolutions :
Fonds clos.
Critères de sélection :
Ces dossiers ont fait l'objet d'un tri. Se reporter à l'historique de la conservation.
Mise en forme :
Classement par catégorie de dommages, puis par numéro de dossier.
Conditions d'accès :
Communication libre, sous réserve des articles L.213-1 à L.213-7 du Code du patrimoine et de
l’état matériel des documents.
Se reporter à l’arrêté du 10 novembre 1998 instituant une dérogation générale pour la
consultation de certains fonds d’archives publiques concernant la Seconde Guerre mondiale versés
aux Archives nationales par le ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement (NOR :
MCCB9800352A) : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000757007.
Conformément aux préconisation de la CNIL sur le traitement des données
sensibles, l'intégralité de cet inventaire est consultable uniquement depuis des postes
informatiques dédiés, dans les salles des inventaires des Archives nationales.
Conditions d'utilisation :
Reproduction libre, sous réserve des dispositions contenues dans le règlement de la salle de
lecture.
Description physique :
Importance matérielle :
152 boîtes d'archives, soit environ 24 mètres linéaires.
Ressources complémentaires :
Références bibliographiques :
- , dir. Claire Andrieu, Constantin Goschler et Philipp Ther, Paris, Autrement, 2007,Spoliation et restitution des biens juifs en Europe, xxe siècle
- Backouche (Isabelle), Gensburger (Sarah), « Expulser les habitants de l’îlot 16 à Paris à partir de 1941, un effet d’ `aubaine´ ? », dans , dir. Tal Bruttmann, Ivan Ermakoff, Nicolas Mariot, Claire Zalc, Paris, Seuil, coll. « Le genre humain », 2012, p. 169-196.Pour une microhistoire de la Shoah
- Gensburger (Sarah),, Paris, Textuel, coll. « En quête d’archives », 2010. Images d’un pillage. Album de la spoliation des Juifs à Paris, 1940-1944
- Grynberg (Anne), « Indemnisation, spoliations », dans , dir. Jean Leselbaum et Antoine Spire, Paris, Armand Colin, 2013, p. 423-426.Dictionnaire du Judaïsme français depuis 1944
- Linsler (Johanna), « Réparations allemandes », dans , dir. Jean Leselbaum et Antoine Spire, Paris, Armand Colin, 2013, p. 770-772.Dictionnaire du Judaïsme français depuis 1944
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- Wieviorka (Annette) et Azoulay (Floriane), « Le pillage des appartement et son indemnisation », Mission d’étude sur la spoliation des juifs de France, Paris, La Documentation française, 2000 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/004001393.pdf.
Localisation physique :
Pierrefitte-sur-Seine
Organisme responsable de l'accès intellectuel :
Archives nationales de France
Mises à jour :
Avril 2018Revu et modifié par Th. Guilpin, chargé d'études documantaires
Identifiant de l'inventaire d'archives :
FRAN_IR_050648
Institutions :
Thèmes :
Type de document :
affiche, attestation, carte d'identité, correspondance, document photographique, dossier individuel, enquête, indemnité, inventaire