Inventaire d'archives : Fonds général Marchand (1800-1899).

Contenu :

INTRODUCTION
Les papiers du général Marchand, achetés par les Archives nationales se composent de cinq cartons de cartes, acquises en même temps que celles du maréchal Randon, neveu de Marchand, et de trois cartons de documents, constitués en grande partie de lettres adressées par le général à sa femme au cours de ses campagnes, de 1800 à 1814.
Ce fonds très homogène, qui s'étend sur un nombre assez restreint d'années, n'offre peut-être pas tant d'intérêt pour la connaissance des opérations militaires des armées de Napoléon que pour celle de la vie des généraux, l'état d'esprit des troupes et surtout les préoccupations de la population civile et des villes de province durant les dernières années de l'Empire.
Le général Marchand est un bon exemple de cette promotion de petits bourgeois de province qui, à l'occasion des guerres de la Révolution et de l'Empire, acquit grades, titres de noblesse et fortune. Jean-Gabriel Marchand est né à l'Albene, près de Vinay (Isère), d'une famille aisée. Avocat à Grenoble, il assiste à la Journée des Tuiles et à l'Assemblée de Vizille et s'engage, en 1792, dans le bataillon de volontaires de l'Isère, où il est bientôt nommé capitaine. Chargé de défendre la frontière des Basses-Alpes, il se distingue au camp de Tournons, puis, en 1795, participe à la campagne d'Italie. Sous les ordres du chef de bataillon Joubert il combat en novembre à Loano où il est fait chef de bataillon par le général Scherer. Il suit Bonaparte à Montenotte, Millesimo, Mondovi, Querasco, Lodi et enfin à Milan. Marchand est ensuite envoyé dans le Tyrol, sous les ordres de Masséna et Joubert, et se distingue le 5 juillet 1796 au combat de la Corona. Blessé, il rejoint les troupes à Rivoli ; il est nommé, peu après colonel. L'occupation de Rome lui paraît plus difficile que les campagnes. Les lettres de Marchand, et principalement celles d'Espagne, semblent d'ailleurs montrer qu'il fut toujours meilleur soldat qu'administrateur. Il doit, en effet, lutter contre les commissaires du gouvernement, souvent malhonnêtes, publier de nombreuses ordonnances répressives et faire un métier de policier. Disgracié par le Directoire, Marchand revient à Paris et se marie avec une cousine de Barnave. Il reprend alors du service, à la demande de Joubert qui en fait son aide de camp en Hollande et en Italie. A la bataille de Novi, où meurt Joubert, il est nommé général de brigade.
C'est en juin 1800 que commence la collection de lettres recueillies ici. La correspondance se poursuit de façon continue, de 1800 à 1816, toujours adressée à sa femme à qui il écrivait régulièrement, à peu près tous les deux jours. Elle n'est interrompue que par les campagnes qui empêchaient, la plupart du temps, l'installation d'une poste régulière, les séjours de Madame Marchand auprès de son mari ou les retours du général à Grenoble. On peut regretter que les lettres les plus longues et les plus détaillées datent des moments où Marchand était en garnison et n'avait que peu de choses à raconter, alors que les batailles et les grands évènements ne sont mentionnés que rapidement, dans une lettre griffonnée au retour de la campagne. Le récit de la vie des cantonnements permet cependant de connaître le caractère des grands généraux, amis de Marchand.
Les premières lettres racontent la campagne d'Allemagne de 1800. Puis une très longue série décrit le camp de Boulogne ou Marchand, cantonné à Montreuil avec le général Dupont, séjourna d'octobre 1803 à septembre 1805. Il est envoyé, avec la division Dupont, à Ulm et se distingue particulièrement aux combats d'Haslach et Deristein. Comme le raconte Thiers, la division dut, le 11 et le 15 octobre, soutenir seule l'assaut de l'armée autrichienne contre Ulm.
Marchand ne participe qu'indirectement à la bataille d'Austerlitz, mais, dans la marche sur Vienne, il a encore l'occasion de se distinguer dans un combat contre les Russes. Il est cantonné quelque temps à Vienne et, le 11 décembre 1805, est nommé général de la 1ère division du 6è corps sous les ordres du maréchal Ney.
Après la paix de Vienne, Marchand qui espérait rentrer à Grenoble, doit aller prendre ses cantonnements à Francfort qu'il rejoint par la Bavière et la Souabe. Il participe, en 1806, à la campagne de Prusse, prend part à la bataille d'Iéna (14 octobre), au blocus de Magdebourg (jusqu'au 11 novembre), entre ensuite à Berlin et se dirige vers la Pologne où il cantonne à Thorn, sur la Vistule, puis à Osterode (décembre 1806). La division de Marchand arrive à Eylau une heure avant la fin de la bataille et forme l'extrême avant-garde de la Grande Armée. Elle prend ses cantonnements pour la fin de l'hiver en face de l'armée russe à Gutdstadt.
Lorsqu'au mois de Juin les hostilités recommencent, Marchand participe, avec Ney, à l'organisation de la retraite du 6ème corps jusqu'à Deppen, pont sur la Baltique que la division Marchand empêche, à elle seule, l'armée russe de franchir (7 juin 1807). Rejointe par l'armée de Napoléon, la division retourne à Gutdstadt trois jours après. La bataille de Friedland (14 juin 1807) marque une des étapes les plus glorieuses de la carrière du général Marchand. Au cours du combat, en effet, Napoléon donne à la division Marchand l'ordre de charger seule l'aile gauche de l'armée russe. La division, victorieuse, perd néanmoins, en cette seule journée, 3 000 de ses 5 000 hommes.
Marchand est alors élevé à la dignité de grand aigle de la Légion d'honneur ainsi qu'à celle de Comte de l'Empire et reçoit un revenu annuel de 20 000 francs, à prendre sur deux domaines en Pologne et en Westphalie. Un mois plus tard, le maréchal Ney, partant pour la France, charge Marchand du commandement du 6è corps qui occupe la Silésie et cantonne à Golgau d'août à octobre 1807.
Les lettres s'interrompent jusqu'en octobre 1808, époque à laquelle Marchand, toujours à la tête du 6ème corps, pénètre en Espagne. Le général qui, dans sa correspondance avec sa femme, semble surtout préoccupé de l'exploitation de sa terre de Saint-Ismiers, près de Grenoble, et des revenus de ses domaines de Pologne et de Westphalie, insiste néanmoins davantage, au cours de sa campagne d'Espagne, sur la mauvaise organisation de l'armée et l'incapacité des généraux en l'absence de l'Empereur. Les deux longues années que Marchand passe en Espagne semblent avoir été les plus pénibles et les plus décevantes de sa carrière. En novembre 1808, à la poursuite de Castânos, il se dirige vers Madrid, puis retourne à Sarragosse pour en faire le siège ; il séjourne ensuite à Madrid jusqu'au 20 décembre. A cette date, la division Marchand est chargée de poursuivre les Anglais dans le royaume de Léon et de leur barrer la route du Portugal. Les lettres ne donnent pas de précisions sur les combats menés par le général à Mayorga le 24 décembre. De janvier à mai 1809, Marchand occupe la région autour de Santiago ; là encore, les lettres parlent moins des combats et des insurrections espagnoles que des problèmes particuliers de Marchand à Grenoble. A cause des ambitions malheureuses de Soult au Portugal, la division Marchand quitte la Galice en juillet 1809 pour gagner la mer et sauver les restes de l'armée de Soult : le général Marchand dirige en personne, pendant une semaine, l'évacuation de 2 000 malades, rendue périlleuse par les difficultés des chemins montagneux de Galice et la poursuite des Anglais harcelant l'arrière garde. En août, nouvelle expédition dans l'Estramadoure pour repousser le général Moore vers le Portugal. Jusqu'à la fin d'octobre, Marchand, à la tête du 6ème corps en l'absence du maréchal Ney, dirige la région de Salamanque et organise diverses expéditions contre les Espagnols. Le 27 octobre, il est obligé d'abandonner pour quelque temps Salamanque qu'il réoccupe le 2 novembre de la même année, avec l'aide de Kellermann. Le 28 novembre 1809, il remporte à Tamès une importante victoire contre le duc d'Albe. Jusqu'en mars 1810, après le retour du maréchal Ney, la division Marchand reste cantonnée autour de Ledesma. En Juin 1810, elle entreprend le siège de Ciudad-Rodrigo qui capitule le 10 juillet. Le 31 août, c'est la prise d'Almeida qui ouvre la route du Portugal. Du 12 septembre au 30 décembre 1810, le général est en expédition au Portugal et sa correspondance est interrompue. Les lettres de janvier à mars 1811, très pessimistes, décrivent les atrocités commises par les Français, déplorent la mésentente entre les généraux, en particulier Ney et Masséna, retracent enfin la retraite honorable effectuée par le général de Thoman à Ciudad-Rodrigo, malgré les attaques des troupes de Wellington. Les lettres d'avril et mai 1811 ne font mention ni du combat de Guarda, ni de celui de Fuentes de Onoro.
Marchand, en 1812 quitte l'Espagne, il est nommé par Napoléon chef de l'Etat-Major de Jérôme, roi de Westphalie et commandant l'aile droite de la Grande Armée au cours de la campagne de Russie. Après un séjour à Varsovie, Marchand part le 16 Juin 1812 la Russie, à la tête du corps d'armée würtembergeois. Les 18 et 20 août, il se signale à Smolensk, puis, le 8 septembre, à la bataille de la Moskowa où il perd le tiers de ses hommes. Il décrit l'incendie de Moscou, et annonce le départ de Moscou le 19 octobre. Les lettres sont interrompues et ne reprennent que le 21 décembre où, datées de Königsberg ; elles décrivent la lamentable retraite de Russie. Marchand, nommé grand-croix de l'ordre du Mérite du Würtemberg, est chargé d'organiser deux divisions avec des hommes du Würtemberg, Hesse-Darmstadt et Bade. Il participe alors aux batailles de Lützen (2 mai 1813), Bautzen (21 mai) et Leipzig (22 octobre) d'où il s'enfuit pour aller attendre l'empereur à Mayence.
Durant la campagne de France, l'empereur met Marchand à la tête de la 7ème division militaire, cantonnée à Grenoble et chargée de défendre la frontière des Alpes. Le général reprend Chambéry occupé par les Autrichiens, mais est obligé de se replier sur Grenoble où il apprend l'abdication de Napoléon. C'est à cette date que se termine la correspondance militaire du général Marchand.
Sa vie ne sera plus marquée par la suite que par le procès qui lui fut intenté, après les Cent jours, sous la Restauration, par Jean-Antoine Rostain (1816). Les papiers de ce procès forment la plus grande partie du premier carton du fonds étudié. S'étant rallié aux Bourbons, Marchand fut maintenu à la tête de la 7ème division et fait chevalier de Saint-Louis le 1er juin 1814. Le 4 mars 1815, à l'annonce de l'arrivée de Napoléon à Cannes Marchand met Grenoble en état de défense, aidé dans cette tâche par son neveu, la capitaine Randon [le capitaine Randon fut plus tard Gouverneur général de l'Algérie et deux fois ministre de la Guerre. Il fut nommé maréchal après sa campagne de Kabylie]. Le 7 mars, les soldats envoyés à la Mure, refusent de tirer sur les troupes de Napoléon. A la suite de la défection de Labédoyère, à la porte dite de Bonne, il ne reste plus à Marchand qu'à s'enfuir de Grenoble avec 750 soldats.
Marchand refuse de reprendre du service sous les Cent Jours et se contente de reconnaître le gouvernement, le 20 mars. A la seconde Restauration, il est rétabli dans le commandement de la 7ème division militaire. C'est alors que Jean-Antoine Rostain édite un pamphlet [« Exposé de la conduite du général Marchand commandant en chef à Grenoble » critiquant l'attitude de Marchand dans la défense de Grenoble. Marchand est destitué le 4 janvier 1816 et traduit devant un Conseil de Guerre réuni à Besançon sous la présidence du Lieutenant général Vilatte. L'instruction devait durer six mois : douze témoins à charge seulement, cinquante six à décharge sont entendus. Le baron Pretêt, rapporteur, conclut à l'innocence du général.
Marchand reste en disponibilité jusqu'en 1830. En 1837, il est élevé à la dignité de Pair de France, grâce au maréchal Mouton. Il meurt à Saint-Ismier à l'âge de 86 ans le 12 novembre 1851. Son nom est gravé sur le côté sud de l'Arc de Triomphe.
Ces lettres pittoresques et faciles à lire, mériteraient une édition car elles donnent, outre des précisions sur certains aspects de la guerre d'Espagne, des renseignements nombreux et inédits sur des personnages tels que le maréchal Ney, le général Mouton, Molitor, Augereau, Dupont, Bernadotte, Latour-Maubourg, Soult.

Cote :

275AP/1-275AP/7

Publication :

Archives nationales
1966

Informations sur le producteur :

Marchand, Jean-Gabriel (1765-1851)

Localisation physique :

Pierrefitte

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAN_IR_000714

Liens