Pierre Grappin est né en 1915. Pur produit de l’élitisme républicain de la IIIème République, il réussit le concours de l’Ecole normale supérieure en 1936, et se consacre à des études sur la littérature et la civilisation allemandes — suivant en cela les conseils de son père, de conviction pacifiste et européenne après le carnage de la première guerre mondiale. Elève d’Edmond Vermeil à la Sorbonne, agrégé d’allemand en 1939 après deux années passées outre-Rhin (1936-1938), sa thèse d’Etat (soutenue en 1951, publiée l’année suivante aux Presses Universitaires de France) portera ainsi sur « La théorie du génie dans le préclassicisme allemand », et sa thèse complémentaire (1952) sur les liens établis durant la première guerre mondiale entre un groupe pacifiste allemand, le Bund « Neues Vaterland » et Romain Rolland.

Mobilisé en 1939, démobilisé très vite, en juin 1940 il est enseignant à Briançon, avant de servir, en 1941, comme interprète de la commission militaire franco-allemande chargée, à Wiesbaden, de fixer les détails de l’armistice. Enseignant à Lyon, il rejoint très tôt les rangs de la Résistance. Arrêté à Paris le jour du débarquement, le 6 juin 1944, torturé, il est d’abord détenu à la prison de Fresnes puis au camp de Compiègne, duquel il parvient à s’évader le 25 août 1944 du train l’emportant vers Buchenwald. Fin 1944, il est détaché au ministère de l'information, avant d’exercer d’importantes fonctions en Allemagne occupée, à Baden-Baden, auprès de l’administrateur général, puis du commandant en chef des troupes françaises de la zone d’occupation française. De retour en France en 1948, il enseigne d’abord dans un lycée de Strasbourg, puis comme assistant à la Sorbonne où il termine sa thèse. En 1951, il est élu professeur à la faculté des lettres de Nancy, puis, en 1959, succède à Robert Minder à la Sorbonne. En novembre 1964, il accepte de prendre la tête de la toute nouvelle faculté des lettres de Nanterre (annexe de l’Université de Paris), dont il est toujours le doyen lors des événements du 22 mars 1968 et de mai 1968. Il démissionne de ce poste en septembre 1968, après une entrevue avec le nouveau ministre de l’Education nationale, Edgar Faure. Invité officiellement à faire un tour des universités américains (novembre 1968 - mars 1969), il donne aussi ensuite deux conférences à Londres en mai 1970 puis à Paris en 1971 devant l’Académie des sciences morales et politiques au sujet de la nécessaire réforme de l’université à l’ère de la massification (voir Réflexions sur les universités françaises, Londres, The Athlone Press, 1971, cote BDIC : O Pièce 59577, et la brochure La Faculté des lettres et sciences-humaines de Paris-Nanterre, éditions Sirey, 1972, conservée dans ce fonds dans le dossier « Sur l’université », cote ARCH 0089/10). Détaché au CNRS de 1969 à 1973, il négocie pour la Bibliothèque nationale l’chat des manuscrits français de Heine, puis poursuit ensuite sa carrière comme directeur de recherches au CNRS à l’université de Metz (1974-1983), où il crée et dirige le Centre d’étude des périodiques de langue allemande. Auteur de nombreux articles sur, notamment, l’Allemagne des Lumières,, ses travaux de germanistique restent orientés dans un sens européen, et il encourage aussi les recherches sur les mouvements allemands de résistance au nazisme. En Allemagne, il participe aux travaux de deux sociétés savantes concurrentes, installées des deux côtés du mur, contribuant à Düsseldorf à un projet d’édition complète des œuvres de Heine et, à Weimar, à la Goethe-Gesellschaft.

« Pierre Grappin avait la stature d’un ministre, mais ne voulut jamais le devenir » (Laurent Danchin, Mai 68, entre Pierre Grappin et Benny Lévy, Paris, Editions Lelivredart, 2017, p. 35). Figure importante des études germanistes en France, auteur du dictionnaire français-allemand dit « le Grappin » (Larousse, 1963), lauréat en 1993 du prix de Gaulle-Adenauer pour sa contribution au rapprochement franco-allemand, il est décédé en 1997.

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