Inventaire d'archives : Archives de la Secrétairerie d'État impériale : administration de la Guerre (1800-1814)
Contenu :
AVANT-PROPOS
Au coeur d'un Gouvernement dont le caractère personnel et l'extrême centralisation impliquent
une forte organisation interne, la Secrétairerie d'État apparaît dans tous les domaines comme
la plaque tournante de la gestion des affaires. C'est dire l'extrême intérêt de ces archives,
où toute la vie de l'Empire se reflète en des synthèses utiles aujourd'hui à l'historien comme
elles le furent en son temps à l'Empereur, où se juxtaposent les informations essentielles
portées par la correspondance, et où se suivent de jour en jour ces moyens du suivi des
affaires qui se traduisent pour l'historien dans la cohérence de son analyse.
Autant dire que tout passe par la Secrétairerie d'État, et que l'on trouve de tout - sinon
tout - dans la sous-série AF/IV. Le lien logique qui conduit le chercheur parmi les fonds
d'archives perd ici ses droits, devant l'afflux quotidien. L'archiviste en tire les
conséquences et se doit de privilégier ici la méthode traditionnelle de l'inventaire analytique
sans lequel nul ne saurait ce qu'il peut espérer d'un dépouillement. Encore faut-il nuancer ce
recours à l'analyse systématique, qui ne saurait embarrasser l'instrument de recherche de
l'incessante répétition des préoccupations permanentes et des questions périodiques.
Dans cet ensemble, les articles relatifs à la guerre présentent un intérêt particulier. On sait que dans le bref temps du Consulat et de l'Empire, la vie de l'État et la vie de la Nation ont profondément porté la marque de l'état de guerre. La guerre touche l'organisation politique et administrative de la France et des pays qui constituent le Grand Empire. Elle affecte toutes les couches de la société et les milieux professionnels. Elle bouleverse les données de l'économie, met au premier plan les nécessaires adaptations de l'industrie, fait des approvisionnements une affaire d'État. Elle est présente dans l'opinion publique, elle en sous-tend les mouvements, elle justifie le besoin éprouvé par les gouvernants d'agir sur cette opinion. Les affaires de personnes et les affaires d'État se mêlent à travers les problèmes de commandement.
Alors que la masse des archives de notre temps incite les archivistes à traiter les fonds par
grandes masses, l'inventaire que voici s'inscrit dans la longue tradition des oeuvres d'érudits
née voici plus d'un siècle pour le traitement de nos archives médiévales. Aussi est-ce une
oeuvre de longue haleine que vient de nous donner avec ce volume Mme Nicole Gotteri. Je ne peux
oublier l'importance qu'attachait à ces archives de la Secrétairerie d'État mon prédécesseur,
Charles Braibant quand, voici trente ans, il me confiait le soin d'inventorier les feuilles de
travail du Conseil des ministres. En saluant la continuité de l'effort, je ne souhaite que
rendre hommage aux archivistes d'aujourd'hui, à la fois capables d'une vue prospective sur les
méthodes qu'appellent les nouvelles archives et d'une oeuvre respectueuse des objectifs et des
méthodes éprouvés dans le traitement de ces archives anciennes qu'il ne suffit pas de
conserver.
Un inventaire comme celui-ci ouvre la voie à bien des recherches. Elles seront la récompense de son auteur.
Jean FAVIER, membre de l'Institut, directeur général des Archives de France.
Les archives de la Secrétairerie d'État impériale concernant l'administration de la Guerre
constituent en l'état présent du fonds une suite de cent cartons. La simple lecture de la
notice de l' [, t. II, Paris, 1978, p. 484] fait
apparaître immédiatement le caractère le plus visible et, pourrait-on dire, le plus insolite
de cet ensemble documentaire, son déséquilibre provoqué par la juxtaposition de parties
complètes (affaires d'Espagne, campagne de Russie, par exemple) et de fragments (armée de
l'Ouest), avec des lacunes considérables touchant des campagnes très importantes (guerres des
troisième et quatrième coalitions, opérations en Italie). Ce déséquilibre, propre à décevoir
un chercheur ou à l'induire en erreur quant au rôle et au fonctionnement de la Secrétairerie
d'État, est le résultat d'une série de décisions administratives tout à fait aberrantes qui
ont entraîné une véritable mutilation du fonds [non seulement pour la partie "Guerre", mais
aussi pour le fonds des "Relations extérieures". Voir également l'introduction de Philippe Du
Verdier dans ), t. I, fasc. 1 (AF/IV/1 à 1089/B), par Philippe Du
Verdier, Jean Favier et Rémi Mathieu, Paris, 1968, p. IV], et ce, sans qu'on ait tenu compte
de l'évidente nécessité de ne pas dissocier une partie des archives de l'ensemble d'un fonds
appartenant à une administration déterminée, même si cette administration n'existe plus et si
les papiers qu'on serait tenté de soustraire à ce fonds semblent, par leur nature, devoir être
attribués à une autre administration. Un tel démembrement, contraire à toutes les règles de
l'archivistique, engendre une très regrettable dispersion de documents dans divers fonds
étrangers à l'institution originelle qui s'en trouve, par là même, dénaturée. Ce fut pourtant
dans cette voie funeste qu'on s'engagea, dès le début de la Restauration, pour la suivre
délibérément jusqu'à la monarchie de Juillet. État général des fondsLes
Archives nationales. État général des fonds...Inventaire général de la série AF, sous-série AF/IV
(Secrétairerie d'État impériale
Une ordonnance royale du 21 mai 1817 avait placé les archives de l'ancienne Secrétairerie
d'État dans les attributions du garde des Sceaux, ministre et secrétaire d'État de la Justice
[Arch. nat., AB/Vd/2] . Or, une précédente ordonnance royale du 1er août 1814 avait donné une
nouvelle organisation au dépôt de la Guerre [Arch. nat., AF/V/2, dossier 4] dans le but de
recueillir tous les matériaux relatifs à l'histoire et à l'art militaire "pour les besoins
futurs du Gouvernement et pour ceux des historiens" [Arch. nat., AB/Vd/3]. Aussi, dans une
lettre du 13 mars 1819, le ministre de la Guerre, Gouvion-Saint-Cyr, demandait-il au ministre
de la Justice "d'autoriser la remise au ministre de la Guerre de tous les documents militaires
qui se trouvent dans les archives du Gouvernement, notamment dans celles de l'ex-Secrétairerie
d'État, devenue la deuxième section des archives du ministère de la Justice" [Arch. nat.,
AB/Vd/3]. Louis-François Bary, ancien archiviste du Cabinet de l'Empereur et chef de la
deuxième section du bureau des Archives au ministère de la Justice, sans manifester la moindre
réserve quant au bien-fondé de cette mesure, organisa le premier transfert le 31 mars 1819. Il
s'agissait d'archives militaires du Comité de Salut public et des papiers de Desaix et Moreau.
Un second et un troisième transferts eurent lieu le 28 février et le 13 juillet 1820 pour des
documents couvrant une période allant jusqu'à l'an V. Un quatrième versement, effectué le 6
juin 1823 [Arch. nat., AB/Vd/3 et AB/XII/5], comprenait, entre autres dossiers, les
correspondances militaires de l'armée d'Italie pour les années 1800 à 1805, concernant
notamment les commandements des généraux Championnet, Masséna, Berthier, Brune, Moncey, Murat
et Jourdan, faisant donc partie chronologiquement de l'époque consulaire puis impériale,
premier démembrement de la future sous-série AF/IV, que poursuivront les transferts suivants.
Un cinquième versement, toujours organisé par Bary, fit entrer au dépôt de la Guerre, le 5
octobre 1830, toutes les correspondances relatives à l'Italie et aux armées d'Allemagne
(jusqu'en 1806), réparties de la façon qui suit :
* Italie, Dalmatie et Îles Ioniennes :
- Lettres du prince Borghèse, de la princesse Elisa, des généraux Miollis et Le Marois.
- Gouvernement au-delà des Alpes, 1808-1814.
- Gênes, 1795-1806.
- Parme et Plaisance, 1806.
- Toscane (Lucques et Piombino), 1805-1814.
- Rome et Ancône, 1806-1814.
- Armée et royaume d'Italie, lettres du vice-roi, 1805-1814.
- Armée de Dalmatie et Provinces Illyriennes, lettres du vice-roi et du général Marmont,
1806-1814.
- Armée et royaume de Naples, lettres du roi Joseph et du roi Joachim, 1804-1814.
- Îles Ioniennes (Corfou), lettres du roi de Naples, du général Donzelot, 1800-1814.
* Armées d'Allemagne :
- Armées du Rhin, de réserve, des Grisons. Correspondance des généraux Moreau, Brune,
Macdonald et autres, an VIII-an IX.
- Guerre d'Autriche. Correspondance du major général, des maréchaux, généraux et de
l'intendant général, 1805.
- Séjour en Allemagne. Correspondance du major général et des maréchaux commandant les corps
d'armée, 1806.
Devenu ministre de la Guerre, le maréchal Soult réclama, par une lettre du 22 octobre 1833 au ministre de la Justice, la poursuite des transferts d'archives. Le 13 mars 1834 et le 12 mai 1836, eurent lieu les sixième et septième versements dont voici l'état sommaire, toujours d'après les archives de la série AB :
- Correspondances militaires des campagnes de Prusse et de Pologne, 1806 et 1807.
- Correspondances militaires de la campagne d'Autriche, 1809 [démembrées d'un ensemble
concernant toute la campagne de 1809, dont il ne reste que les articles AF/IV/1637-1641 qui
faillirent également partir pour le dépôt de la Guerre] : corps d'observation en Allemagne et
en Pologne, 1808-1809 ; quartier-général impérial, major général et divers, janvier-octobre
1809 ; 2e, 3e, 4e corps d'armée et réserves de cavalerie, avril-octobre 1809 ; 7e corps
(Bavarois), 8e corps (Wurtembergeois), 9e corps (Saxons), avril-octobre 1809 ; armées de
réserve, affaires de Westphalie, de Bayreuth, de Saxe, armée polonaise.
Un projet de huitième versement n'eut, fort heureusement, aucune suite. Il aurait regroupé
la seconde partie des archives de la campagne d'Autriche de 1809 avec notamment, la
documentation concernant l'évacuation du territoire autrichien, le gouvernement et la police
de Vienne et toute la correspondance du maréchal Davout, commandant en chef l'armée
d'Allemagne de 1810 à 1812 [articles AF/IV/1653-1657].
Ces pratiques contestables suivies à la lettre auraient entraîné la redistribution dans
chaque ministère de tous les papiers, rapports et dossiers qui avaient abouti à la
Secrétairerie d'État, pour les nécessités de l'information et du travail de l'Empereur avec
son ministre secrétaire d'État. L'entrée de ce qui subsistait de ce fonds aux Archives
nationales en 1849, en application d'un décret du 10 août 1848 [Arch. nat., AB/V/2], mit un
terme aux démembrements et permit à l'archiviste Prost de commencer l'inventaire des cartons
qu'il était obligé de dépouiller pour rechercher "les documents de nature à être communiqués à
la commission instituée pour la publication de la correspondance de l'Empereur" [Arch. nat.,
AB/XII/5].
Dès 1807, d'ailleurs, les archives de la Secrétairerie d'État impériale concernant la Guerre
en général étaient réparties en trois groupes qui furent maintenus dans le classement actuel :
la avec les mémoires généraux, la correspondance, les
mouvements de troupes forment les (AF/IV/1090 à 1173) ; l' forme les (AF/IV/1174 à 1186) ; les sont devenues la
(AF/IV/1590 à 1670) [AB/Vd/4]. Pour ce qui subsistait de
cette dernière partie, Prost avait compté 82 cartons numérotés de 1295 à 1376, dont il fit un
répertoire dans l'inventaire manuscrit n° 766. GuerreRapports du ministre de la
GuerreAdministration de la
GuerreRapports du ministre de l'Administration de la
GuerreArméesGuerre
Les dossiers des affaires militaires ont échappé aux destructions que Bary dut opérer sur
l'ordre de l'impératrice Marie-Louise avant l'entrée des forces coalisées à Paris en 1814 et
qui firent disparaître des archives de la Maison de l'Empereur et de la Police secrète ainsi
que des correspondances également secrètes [Arch.nat., AB/V/2]. Par contre, lors de la
retraite de Russie, après la prise de Vitebsk en novembre 1812 par les troupes russes,
Napoléon ordonna de brûler les archives que l'on transportait, notamment celles de la
Secrétairerie d'État et une partie de la correspondance du maréchal Davout, commandant en chef
l'armée d'Allemagne. Ce fut le "grand brûlement d'Orcha" dont parle Daru [Bernard Bergerot,
, Lille, s.d., p. 448]. On retrouve
nettement les traces de ces destructions dans de nombreuses plaquettes en tête desquelles une
note ainsi rédigée éclaire le lecteur : "les pièces qui manquent à ce dossier ont été brûlées
par ordre de Sa Majesté pendant la campagne ". Ont été supprimés de cette façon des rapports
du major général [Arch.nat., AF/IV/1643, plaquette1/I à 1/VI] et des correspondances diverses
[Arch. nat., AF/IV/1643, plaquette 2/I], des rapports des maréchaux Oudinot [Arch. nat.,
AF/IV/1644, plaquettes 2/I et 2/II] et Ney [Arch. nat., AF/IV/1644, plaquette 3/I], du prince
Eugène [Arch. nat., AF/IV/1644, plaquette 4/I et 4/II], du prince Poniatowski et du maréchal
Gouvion-Saint-Cyr [Arch. nat., AF/IV/1644, plaquette 5], du roi de Naples [Arch. nat.,
AF/IV/1645/A, plaquettes 1 à 5], du général Reynier [AF/IV/1645/B, plaquette 1], du général
Lariboisière [AF/IV/1646, plaquette 1], des intendants Daru et Dumas [AF/IV/ 1646, plaquette
3 ; des correspondances interceptées et pièces contenant des renseignements divers
[AF/IV/1646, plaquette 4]. Les lacunes s'étendent de la fin du mois d'août aux mois de
novembre-décembre. Parfois, aucune note ne les signale, comme pour les rapports du major
général [AF/IV/1643, plaquettes 1/IV et 1/V], de l'amiral Baste [AF/IV/1643, plaquette 2/III],
des maréchaux Lefebvre [AF/IV/1643, plaquette 3] et Macdonald [AF/IV/1645/B, plaquette 3], du
prince de Schwarzenberg [AF/IV/1645/B, plaquette 4], et la correspondance adressée à Maret par
l'auditeur Le Lorgne d'Ideville et le comte Morsky [AF/ IV/1650, plaquettes 3/I et 3/II].
Heureusement, l'importante correspondance de Maret, formée des minutes de ses propres lettres
à l'Empereur et des dépêches apostillées annexées aux minutes que l'Empereur lui retourna et
qui lui parvinrent à une époque où les communications étaient encore possibles, les autres
ayant disparu lors du "brûlement" d'Orcha [Alfred-Auguste Ernouf, , Paris, 1878, p. 416, note 1], auxquelles il faut ajouter les lettres
que lui adressèrent notamment le prince de Schwarzenberg, le général de Wrede et le maréchal
Macdonald, a échappé aux destructions volontaires. Daru en son temps (1767-1829)Maret,
duc de Bassano
A côté de ces disparitions, il faut mentionner celles qui survinrent à cause des
vicissitudes des opérations militaires et de l'insécurité qui en résultait pour les
communications. Durant les campagnes d'Espagne et de Russie surtout, les rapports mentionnent
couramment les nombreuses pertes de courriers. Outre les correspondances de caractère privé
pour l'essentiel, perdues durant la campagne de Russie et déjà publiées [, La Sabretache, Paris, 1913, in-8°, XVI-440 p.],
citons la perte signalée dans un rapport envoyé par Daru à l'Empereur, depuis Koenigsberg, le
24 décembre 1812 : " Quoiqu'il soit pénible d'avoir de pareils comptes à rendre à Votre
Majesté, il faut bien que j'ajoute que deux porte-manteaux adressés par M. le ministre de la
Police générale à M. le duc de Bassano et confiés à M. l'auditeur de Launay, ont été
abandonnés par celui-ci avec sa voiture au défilé de Vilna " [AF/IV/1646, plaquette 3, p. 84].
Autre perte avouée par le major général à Napoléon, depuis Wirballen, le 16 décembre 1812 : "
J'ai dans ce moment de très vives inquiétudes ; j'avais tout perdu, excepté une calèche qui
portait tous les états de situation de l'armée, vos ordres originaux, mes livres d'ordres et
le grand tableau du mouvement. Cette voiture, conduite par des gens sûrs et escortée, a
disparu en sortant de Kovno... Je suis consterné de la perte de mes papiers si importants "
[AF/IV/1643, plaquette 1/V, p. 276]. D'autres disparitions sont signalées par le major général
dans sa correspondance. Le 21 juillet, devant Dresde, il propose à l'Empereur de confirmer la
nomination du colonel Rolland, commandant le 2e régiment de cuirassiers, au grade d'officier
de la Légion d'honneur, faite par un décret rendu à Moscou, le 10 octobre 1812 : " Tous les
papiers relatifs à cette nomination ont été perdus dans la retraite. Il paraît que le décret
est un de ceux qui ont été enlevés par l'ennemi avec l'estafette partie de Moscou le 11
octobre" [AF/IV/1660/A, plaquette 3, p. 141-142. Décret du 12 août 1813 dans AF/IV/795,
plaquette 6389, n° 21]. Il en fut de même pour des décrets concernant des grâces accordées
pendant la même période. Le major général le signale à l'Empereur, depuis Dresde, le 11 août
1813 : " Je sais en effet que les expéditions de ces décrets qui ont été portées par
l'estafette ont été prises et que M. le comte Daru n'a pu réparer cette perte puisqu'il a
perdu lui-même ses portefeuilles pendant la campagne" [AF/IV/1660/A, plaquette 6, p. 294]. Lettres interceptées par les Russes durant la campagne de 1812 publiées d'après les pièces
communiquées par S.E. M. Gorianow...
Malgré les démembrements abusifs, les destructions volontaires et les pertes subies du fait
des campagnes diverses, on peut cependant considérer l'actuel fonds de l'administration de la
Guerre de l'ancienne Secrétairerie d'État impériale comme un ensemble d'un exceptionnel
intérêt. Il serait vain d'y rechercher des informations inédites sur les opérations
militaires, du moins en ce qui concerne leur déroulement et leurs résultats, déjà bien connus.
La documentation conservée dans ce fonds touche à des sujets plus vastes et, par sa qualité,
appartient au domaine de la politique générale. Ces archives sont celles du pouvoir exécutif,
on ne saurait l'oublier, elles émanent d'une situation bien déterminée dont le caractère
original ne permet pas de l'assimiler à un simple ministère, celui de la Guerre notamment,
erreur qui a été commise lorsqu'on s'est contenté de considérer en gros la nature des
documents.
Le baron Fain a bien décrit le fonctionnement de la Secrétairerie d'État que Lagarde avait
organisée avec beaucoup de soin et d'habileté dès la période directoriale [, Paris, 1908, p. 166 et suivantes]. Cette institution,
véritable centre de tous les ministères, ne pouvait que plaire à l'Empereur auquel elle
permettait même, par l'ampleur de la documentation qui s'y trouvait rassemblée, de se passer
de ses ministres pour l'élaboration de certains projets. C'est dire l'importance du rôle du
ministre secrétaire d'État, véritable Premier ministre, inséparable de la personne même du
souverain, qu'il suivait dans tous ses déplacements. Ce travail de Premier ministre fut
d'abord confié à Maret dès l'époque du Consulat, le 19 brumaire an VIII, et ce, jusqu'en avril
1811 [Ernouf, ., p. 213-283].Mémoires du baron Fain, premier secrétaire du Cabinet de l'Empereur...,
publiées par P. Fain...op. cit
Notre propos n'est pas de décrire en détail les activités du ministre secrétaire d'État
(titre officiellement attribué à Maret en 1804 ; ainsi était constitué " un vrai ministère
central auquel venaient aboutir et d'où se distribuaient toutes les affaires des différents
départements " [Ernouf, ., p. 219]), qui s'étendaient à
l'ensemble des départements ministériels. Mais comme la guerre fut, de manière évidente, la
grande affaire du règne, avec ses conséquences quant aux Relations extérieures, il n'est pas
inutile de rappeler que Maret, qui avait déjà accompli une intéressante carrière dans la
diplomatie (formé par Vergennes sous l'Ancien Régime et, après plusieurs missions accomplies
au début de l'époque révolutionnaire, nommé chef de division aux Relations extérieures et prit
part à de nombreuses négociations jusqu'à l'époque consulaire [Ernouf, ., p. 9 et p. 71 et suivantes]), participa de nouveau à plusieurs
négociations, notamment à Bayonne en 1808, puis en Autriche après la campagne de 1809,
empiétant ainsi sur le rôle du ministre des Relations extérieures, fonction qui lui fut
attribuée en avril 1811. Ce fut Daru qui le remplaça à la tête de la Secrétairerie d'État,
participant ainsi, à la veille de la campagne de Russie, à l'" universalité de l'action
gouvernementale " [Bergerot, , p. 399], tout en
contribuant à accroître l'importance de l'institution dont il était le chef par sa parfaite
connaissance de l'Administration de la guerre et de l'intendance, département qu'il dirigera à
partir du 20 novembre 1813, Maret retrouvant la Secrétairerie d'État. op. citop. citop. cit.
Les événements de la campagne de Russie ont révélé la tendance de l'Empereur, - peut-on
parler à ce propos d'un " flou " rappelant les habitudes administratives de l'Ancien Régime ?
- à ne pas attribuer aux hommes qui le servent des tâches trop catégoriquement déterminées. Le
rôle joué par Maret à Vilna en 1812 est à ce sujet profondément révélateur. Du mois de juin au
mois de décembre 1812, le ministre des Relations extérieures envoie à peu près quotidiennement
à l'Empereur des lettres dont les minutes, heureusement conservées, montrent l'importance des
activités du duc de Bassano [AF/IV/1647-1648, plaquette 1] : rapports avec les différents
chefs de corps, recherche et transmission systématique des renseignements, organisation des
approvisionnements, passation des marchés, liaisons avec les cours d'Europe. Maret,
correspondant avec des chefs de corps et des gouverneurs de places [AF/IV, plaquettes 2 à 7],
leur transmet, avec les ordres de l'Empereur, des renseignements sur les opérations de la
Grande Armée et sur les positions des armées russes. Ajoutons que, régulièrement, le major
général et l'intendant général, les chefs de corps, des commissaires des guerres, des
intendants, des notables de Pologne et de Lithuanie, le gouverneur de Minsk, des espions et
agents divers, l'auditeur Le Lorgne d'Ideville, le baron Bignon, le comte Daru, lui adressent
des dépêches [AF/IV/1649-1650]. On comprend aisément que le champ des activités normales d'un
ministre des Relations extérieures se trouvait de la sorte singulièrement élargi, au point de
toucher à presque tous les domaines de l'action gouvernementale, se substituant en fait au
ministre-secrétaire d'État, confiné, en raison des circonstances (la maladie du général
Dumas), dans la charge officieuse d'intendant général de la Grande Armée [Bergerot, ., p. 444]. op. cit
Aux côtés du ministre secrétaire d'État en titre, directement concerné par les questions
militaires, se trouvait placé le major général. Sa très haute fonction assimilée à celle d'un
secrétaire d'État pour l'armée [Fain, ., p. 444], en
faisait également un intime de l'Empereur. Cette position se trouvait plus fermement établie
en raison de l'attachement qu'éprouvait Napoléon pour le maréchal Berthier. Celui-ci, qui, dès
brumaire an VIII, avait été ministre de la Guerre, devint major général de la Grande Armée en
1805. Dans ce rôle de chef d'état-major de l'Empereur, Berthier, dépositaire des pensées du
chef suprême des armées [Ibid.], représentait l'intermédiaire obligé et unique entre le maître
et ses lieutenants. En 1807, le ministère de la Guerre fut confié au général Clarke et
Berthier, devenu vice-connétable, conserva ses fonctions de major général jusqu'à la fin de
l'Empire, fonctions dont les documents du fonds de la Guerre révèlent toute l'importance, dans
une période où les campagnes se succédaient de façon ininterrompue avec, pour théâtres
d'opérations, des pays bien différents, comme ce fut le cas à partir de la guerre d'Espagne. op. cit
.
Nature de la documentation
Les archives de la Guerre sont constituées par un ensemble de dossiers formés de
correspondances (lettres, rapports, dépêches) et de documents divers (états, mémoires, notes,
libelles, correspondances interceptées, dépositions de prisonniers, rapports d'observateurs ou
d'espions, journaux et gazettes, bulletins et brochures), concernant une campagne militaire ou
une affaire déterminée. La mise en plaquettes des pièces ne permet malheureusement pas
toujours de distinguer nettement les dossiers, une seule plaquette pouvant contenir plusieurs
dossiers et un seul dossier pouvant être réparti entre plusieurs plaquettes. Nous avons donc
adopté l'unité matérielle de la plaquette comme point de référence de cet inventaire en vue de
faciliter la recherche des documents, d'autant plus malaisée qu'à ce premier inconvénient
s'ajoute celui d'un assemblage des pièces effectué, au cours de la reliure, dans un certain
désordre [ainsi dans AF/IV/1660/B, plaquette 1/I et 1/II ; /1661/A, plaquette 1 ; /1661/B,
plaquette 5 ; /1667, plaquette 1].
La correspondance arrivant à la Secrétairerie d'État est, bien évidemment, destinée à informer l'Empereur. Elle émane essentiellement du major général, du ministre de la Guerre, des chefs de corps, des intendants, des aides de camp et officiers d'ordonnance, d'auditeurs au Conseil d'État en mission, d'agents divers. A cela, il convient d'ajouter les lettres du roi Joseph, souverain d'Espagne, et celles de Maret, déjà mentionnées.
Les constituent la partie la plus
importante de la correspondance adressée à l'Empereur. Bien souvent, Berthier écrivait
plusieurs fois par jour : ainsi, on dénombre cinq lettres à la date du 4 janvier 1813
[AF/IV/1651/A, plaquette 3/I] ; dix seront expédiées le 2 juin et 11 le 3 juin [AF/IV/1659/A,
plaquette 4], douze le 15 juin [AF/IV/1659/A, plaquette 5], treize le 14 juin de la même année
[AF/IV/1659/A, plaquette 4]. Ces dépêches si nombreuses sont d'un intérêt inégal. Beaucoup
concernent les innombrables demandes de grâces et de faveurs présentées notamment au lendemain
d'une victoire, la transmission d'un état, d'une note ou d'un projet de décret. La plupart
toutefois sont rédigées d'après les rapports réguliers que les chefs de corps adressaient au
major général et se composent des analyses de ces différents rapports, dictées par Berthier
pour informer rapidement l'Empereur sur les mouvements des troupes, l'emplacement des unités,
le détail des opérations militaires. Cette pratique, qui fut constante jusqu'à la campagne de
France en 1814, offrait l'avantage d'éviter à Napoléon de longs et fastidieux dépouillements.
Elle prouve en outre la confiance totale qui régnait entre les deux hommes, car les rapports
des chefs de corps ne sont pas toujours, suivant la formule, " mis sous les yeux " de
l'Empereur. Dans ce cas, d'ailleurs, on ne les retrouve qu'exceptionnellement joints à la
lettre d'envoi. rapports du Major général
Les
forment un ensemble moins volumineux. Cependant leur importance augmente en certaines périodes et devient essentielle quand les rapports du major général sont inexistants. Ainsi, pendant la campagne d'Espagne, nous avons, à partir de 1810, la répartition suivante :
rapports du ministre de la Guerre
* Rapports du major général :
AF/IV/1623/B et /1624, /1810 : 13 plaq.
AF/IV/1626, /1627, /1628, /1629, /1630 et /1631, /1811 : 43 plaq.
AF/IV/1632 et /1633, 1812 : 12 plaq.
* Rapports du ministre de la Guerre :
AF/IV/1625, /1810 : 8 plaq.
AF/IV/1629, 1811 : 5 plaq.
AF/IV/1632 et /1633, /1812 : 6 plaq.
AF/IV/1634 et /1635, /1813-1814 : 15 plaq.
A partir de 1813, les rapports de Berthier n'existent plus. Il faut dire que la major général de la Grande Armée, à peine rétabli des souffrances physiques endurées pendant la retraite de Russie, s'occupe de la campagne d'Allemagne. Remarquons d'ailleurs que, pour les années 1810-1811, alors que le major général rendait compte de l'ensemble des affaires d'Espagne, les rapports du ministre de la Guerre ne concernaient que les affaires de Catalogne.
Pour les campagnes d'Allemagne et de France, nous n'avons que des rapports du major général, qui se répartissent comme suit :
AF/IV/1659/A, 1er mai-30 juin 1813 : 7 plaq.
AF/IV/1659/B, mars-avril 1813 : 3 plaq.
AF/IV/1660/A, 1er juillet-31 août 1813 : 8 plaq.
AF/IV/1662/A, 1er septembre-30 octobre 1813 : 4 plaq.
AF/IV/1664, 1er-30 novembre 1813 : 8 plaq.
AF/IV/1667, 1er janvier-4 avril 1814 : 7 plaq.
Ainsi, comme nous le faisions remarquer ci-dessus, le secteur dévolu au ministre de la Guerre paraît, à ce moment-là, être limité à l'Espagne.
Les sont adressés le
plus souvent à l'Empereur, mais parfois au major général et au ministre de la Guerre.
Rappelons que, pendant la campagne de Russie, c'est à Maret qu'étaient envoyées les dépêches
de certains chefs de corps [AF IV 1649 et 1650]. Dans cette abondante correspondance,
signalons les lettres du roi de Naples pendant les campagnes de Russie et d'Allemagne, dont
certaines, autographes, font apparaître une écriture désordonnée et inélégante [AF/IV/1643,
plaquette 2/I ; 1645/A, plaquettes 1 à 5 ; /1651/A, plaquette 1 ; /1661/A, plaquette 3 et
1662/B, plaquette 1/I]. Relevons au passage que la pensée de son royaume ne quitte pas Murat.
Le 4 juillet 1812, il écrit : " Je suis inquiet de la santé de la reine et la privation de ses
lettres me rend très malheureux " [AF/IV/1645/A, plaquette 1, p. 47]. Le 11 juillet, il
recommence, s'adressant à l'Empereur depuis Vidzouï : " Je suis depuis deux mois sans la
moindre nouvelle de Naples et je ne suis pas sans inquiétude sur la santé de la reine "
[AF/IV/1645/A, plaquette 2, p. 124]. Pendant la retraite, il exercera le commandement en chef
de la Grande Armée [Berthier lui reconnaît une incapacité totale à commander [AF/IV/1643,
plaquette 1/V, p. 280)], charge qu'il abandonnera à la mi-janvier 1813 pour des raisons de
santé et d'intérêt politique [" J'ai la fièvre et un commencement de jaunisse bien prononcé "
[AF/IV/1651/A, plaquette 1, p. 15, lettre à l'Empereur, 15 janvier 1813]. Voir l'ouvrage de J.
Tulard, , Paris, 1983, p. 179 et
suivantes]. Du prince Eugène, qui lui succéda à la tête de la Grande Armée, la correspondance
forme un ensemble digne d'être signalé [AF/IV/1644, plaquettes 4/I et 4/II ; /1651/B,
plaquettes 1 à 8 ; /1652, plaquettes 2 et 3 ], d'autant plus qu'il comprend 105 lettres qui ne
figurent pas dans l'édition de Du Casse [, éd. A. Du Casse..., t. 7 à 9, Paris, 1859 et
1860]. Parmi celles-ci, mentionnons la lettre autographe adressée à l'Empereur, par laquelle
le vice-roi demande à être relevé de son commandement [Napoléon avait désapprouvé les mesures
prises par le prince dans sa marche sur l'Elbe (AF/IV/1651/B, plaquette 3, p. 132)] ; le
rapport sur les combats dans la région de Vitebsk les 25-27 juillet 1812 comportant des
annotations marginales de la main de Napoléon et qui servit à la rédaction du 10e bulletin
[AF/IV/1644, plaquette 4/II, p. 46] ; les lettres envoyées au prince de Schwarzenberg en
janvier-février 1813 dont on n'a évidemment que les copies [AF/IV/1652, plaquette 3, p. 5 et
suivantes].rapports des principaux chefs de corpsMurat ou l'éveil des nationsMémoires et correspondance
politique et militaire du prince Eugène
Parmi les dépêches des chefs de corps qu'il est impossible de citer de façon exhaustive, il
faut retenir, cependant, celles du maréchal Davout alors qu'il commandait l'armée d'Allemagne
de janvier 1810 à avril 1812. Elles constituent à elles seules un véritable petit fonds pour
l'étude des affaires allemandes dont nous parlerons plus loin [AF/IV/1653, plaquettes 1 à 4, 7
à 10 ; 1654/A, plaquettes 1 à 5 ; /1654/B, plaquettes 1 à 6 ; /1655/A, plaquettes 1 à 5 ;
/1655/B, plaquettes 1/I à 1/III, 2/I et 2/II ; /1656/A, plaquettes 1/I à 1/III, 2/I à 2/IV ;
/1656/B, plaquettes 1 à 4].
L'Empereur était également informé des questions importantes touchant l'Administration de la
guerre et l'intendance. Outre les rapports du ministre-directeur [voir, par exemple,
AF/IV/1612, 1/V ; /1614, 3/I et 3/II ; /1615, 1/IV], mentionnons ceux de Daru qui forment un
ensemble remarquable pour la fin de la campagne d'Autriche en 1809 et pour la campagne
d'Allemagne [AF/IV/1641/A, plaquettes 3 à 7 ; /1641/B , plaquettes 1 à 6 ; /1663/B, plaquettes
1 à 7], de l'intendant Denniée, des ordonnateurs en chef Mathieu-Faviers et Michaux pour la
campagne d'Espagne [AF/IV/1614, plaquette 3/I et 3/II ; /1615, plaquette 1/IV ; /1622,
plaquette 1/I], ou ceux du commissaire général Petiet pour l'armée de Saint-Omer
[AF/IV/1600/B, plaquette 3 ; /1602, plaquette 1/II].
Des informations de toute nature, non seulement sur les opérations militaires, mais aussi
sur les problèmes économiques ou l'esprit public dans une région déterminée, forment la
matière des dépêches d'une catégorie de personnel fréquemment chargée de diverses missions,
les aides de camp et officiers d'ordonnance de l'Empereur, d'une part, les auditeurs au
Conseil d'État, de l'autre. Parmi les premiers, citons les noms de Lebrun, Atthalin, Gourgaud,
Flahaut, Hautpoul, Lamezan, Laplace, Drouot, Dejean pour la campagne de Russie [AF/IV/1643,
plaquette 2/IV ; /1651/A, plaquettes 2/I et 2/II] ; Atthalin, Gourgaud, Laplace, Flahaut,
Lamezan, Lauriston, Hautpoul, Lebrun, Mouton, Pretet, Corbineau, Paillhou pour la campagne
d'Allemagne [AF/IV/1659/B, plaquettes 2/I et 2/III ; /1660/B, plaquettes 1/I et 1/II ;
/1661/A, plaquette 1 ; /1663/A, plaquettes 1/I et 1/II] ; Mortemart, Lamezan et Dejean pour la
campagne de France [AF/IV/1669/B, plaquettes 7 et 8 ; /1670, plaquettes 1/I à 1/V et 2]. Parmi
les seconds, qui forment un corps de hauts fonctionnaires dont l'institution représentait une
création originale du Consulat et de l'Empire [Charles Durand, ..., Aix-en-Provence,
1937], il convient de mentionner surtout Le Lorgne d'Ideville, secrétaire-interprète de
l'Empereur, auquel il adressa une remarquable série de dépêches et de notes depuis janvier
1813 jusqu'au mois de mars 1814, c'est-à-dire essentiellement pendant les campagnes
d'Allemagne et de France [AF/IV/1652, plaquettes 5/I à 5/III ; /1665/A, plaquettes 1 à 5 ;
/1665/B, plaquettes 1 à 7 ; /1668, plaquettes 1/I à 1/III].Les
auditeurs au Conseil d'État sous le Consulat et le Premier Empire
Mentionnons enfin les rapports que reçut l'Empereur de son chambellan, le comte de Tournon,
sur la situation en Espagne en 1808 et 1809 [AF/IV/1611, plaquette 3/I ; /1612, plaquettes 3/I
et 3/II ; /1614, plaquette 2 ; /1617, plaquette 5].
A cet ensemble de dépêches et de rapports émanant d'importants serviteurs du régime impérial
et de fonctionnaires dévoués, il faut ajouter la collection des lettres de Joseph, roi
d'Espagne. Nous avons dénombré 319 lettres que le souverain écrivit entre juillet 1808 et août
1813 [AF/IV/1611, plaquette 1/I à 2/I ; /1615/A, plaquettes 1/I et 1/III ; /1623/B, plaquette
1 ; /1627, plaquette 1/I à 1/III ; /1629, plaquette 1/I ; /1630, plaquette 2/IV ; /1633,
plaquette 2 ; /1634, plaquettes 1, 3, 4 ; /1635, plaquette 2. Dans le fonds des archives de
Joseph Bonaparte, se trouvent, d'après nos calculs, 48 lettres, sous forme de minutes ou de
copies, pour une période allant du 8 janvier au 11 juin 1813 (381AP/30, dossier 4 ; /31,
dossier 4 ; /32, dossier 9) ; 14 de ces lettres se retrouvent dans le fonds de laSecrétairerie
d'État (AF/IV/1635, plaquette 2 ; /1634, plaquette 1, 3, 4) et 11 dans l'ouvrage de Du Casse,
cité ci-dessous]. Parmi celles-ci, 57 ne figurent pas dans la publication de Du Casse [
publiés par A. Du Casse..., t. 4 à 9, Paris, 1854], 38 ont été dictées ou copiées, 8 sont
chiffrées, une, adressée à la reine Julie et interceptée, a été recopiée après sa parution
dans la "Gazette de Riga" du 30 juillet 1812 [AF/IV/1633, plaquette 2, p. 11 et éd. Du Casse,
t. 8, p. 333]. Toutes les autres sont entièrement autographes. Certaines missives comportent
des différences de détail avec le texte publié par Du Casse. Ainsi, à la suite de la lettre
adressée à l'Empereur à Burgos, le 9 août 1808, le roi a ajouté de sa main ces quelques
lignes : "J'ai dicté cette lettre de mon lit, étant un peu fatigué quoique très bien portant ;
je répète à Votre Majesté qu'elle ne sçaurait assez réfléchir sur ce qu'elle contient et
prendre un parti. Des insurrections s'organisent sur mes derrières, mais nous les
réprimerons..." [AF/IV/1611, plaquette 1/I, p. 44]. De même, dans une lettre, également
dictée, le 8 janvier 1809, se trouvent ces quelques lignes que le roi a ajoutées : "Les bonnes
nouvelles qui ont été imprimées dans la Gazette de Madrid et annoncées par le canon ont
produit un bon effet" [AF/IV/1611, plaquette 2/I, p. 5]. On a des exemples semblables avec les
lettres des 17 août, 10 septembre et 25 octobre 1808 [AF/IV/1611, plaquette 1/I, p. 52 ;
plaquette 1/II, p. 74 et 108]. Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph
La plus grande partie de ces lettres - 280 selon nos calculs -, a pour destinataire
l'Empereur lui-même dont le roi se déclare "l'affectionné serviteur et frère" dans la formule
qui précède la signature. Les autres sont adressés au major général (22 lettres), au ministre
de la Guerre (5 lettres), au maréchal Victor (3 lettres). Le reste est réparti entre les
maréchaux Ney, Soult et Suchet, les généraux Clauzel et Reille. Signalons au passage
l'existence, sous forme de copies certifiées par le secrétaire général Fririon, des lettres
envoyées au roi Joseph par le général Clarke, ministre de la Guerre, du 9 avril au 9 juillet
1913 [AF/IV/1634, plaquette 4, p. 190 à 205 et Du Casse, ., t. 9, p. 245-395]. op.
cit
Les missives adressées par le roi aux chefs de corps ne sont conservées dans les archives de
la Secrétairerie d'État que sous forme de copies et cela paraît normal. Il n'en est pas ainsi
pour celles, même chiffrées, que reçut le ministre de la Guerre, comme ce fut fréquemment le
cas, et celles que le roi écrivit, le plus souvent lui-même, au major général. Elles
parvenaient à la Secrétairerie d'État où l'Empereur en prenait connaissance sans que le
destinataire fût parfois averti, comme cela se produisit pour une lettre envoyée à Berthier et
datée de Madrid, le 26 janvier 1811. Une note jointe à cette pièce nous apprend que
"l'Empereur a mis la lettre du roi d'Espagne dans sa poche et ne l'a point remise au prince de
Neuchâtel qui n'a jamais eu connaissance de son contenu..." [AF/IV/1627, plaquette 1/I, p.
23bis et 24].
La correspondance arrivant à la Secrétairerie d'État et mise sous les yeux de l'Empereur
était fréquemment annotée par ce dernier. Nous trouvons ainsi des comptes griffonnés dans les
marges des rapports du maréchal Davout en janvier 1812, qui surprennent un lecteur très
moyennement doué en calcul mental, tant les opérations posées apparaissent élémentaires [AF IV
1657, plaq. 2/I, p. 15 et plaq. 2/II, p. 108]. Le plus souvent, il s'agit d'ordres ou de
remarques tracés très rapidement dans les marges de rapports ou de dépêches. Ainsi, sur un
rapport du prince Eugène qui servit à la rédaction du 10e bulletin de la Grande Armée,
l'Empereur, d'une écriture à peine lisible, ajouta quelques mots sur la mort du général
Roussel [AF IV 1644, plaq. 4/II, p. 46]. De même, les rares dépêches originales de Maret sont
apostillées. Celle du 9 septembre 1812 comporte l'ordre suivant : "Que le général les fasse
marcher à Kovno" [AF IV 1647, plaq. 3/I, p. 39], pour arrêter la destination de certaines
unités. Une autre dépêche, du 9 septembre, évoquant le projet formé par Madame de Hogendorp de
rejoindre son mari à Vilna, contient dans la marge la réponse suivante : "Point de femmes à
l'armée. La commission a eu tort. Ne rien recevoir du gouvernement de Lithuanie " [ , p. 40 et Ernouf, ., p.
416]. Sur une autre dépêche, toujours datée du 9 septembre, et à propos des consuls russes,
l'Empereur ordonne : "Les faire chasser de partout" [AF IV 1647, plaq. 3/I, p. 41]. Enfin, sur
une dépêche du 1er décembre 1812, il note, à propos de la levée de la petite noblesse de
Lithuanie dont lui parle le duc de Bassano : " Il est ridicule de me demander mon approbation
sur cette mesure. Les gens du pays devaient la prendre dès le premier jour. Mieux vaut tard
que jamais" [AF IV 1647, plaq. 5/II, p. 14]. Les rapports du major général, notamment ceux
contenant des propositions de grâces, sont parfois annotés soit de la main même de l'Empereur,
comme la demande de congé du général Arrighi ainsi commentée : "Refusé, cette demande est
inconvenante" [AF IV 1644, plaq. 3, p. 118] ; soit de la main d'un secrétaire, avec le N. de
la signature, comme les propositions de récompenses faites pendant la campagne de Saxe, en
marge desquelles on peut lire : "Je ne sais ce que cela veut dire. Cela a déjà été fait...",
et : " On peut toujours préparer les décrets. On ne le enverra au qu'après le déblocus des places, afin que, s'ils sont prisonniers, ils ne le
soient qu'avec leur ancien grade ... [AF IV 1659/A, plaq. 7, p. 429 et 430]. Enfin, il nous
faut signaler la traduction d'une relation en allemand de la bataille de Leipzig, dont
l'Empereur a commenté certains passages d'une plume souvent très nerveuse [AF IV 1666, plaq.
4, p. 164]. Ibidemop. citMoniteur
Par sa nature et sa destination, la documentation contenue dans les dossiers du fonds de la Guerre constitue une source importante pour l'étude des guerres napoléoniennes. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'intérêt de ces archives réside moins dans les éléments concernant le détail des opérations et leurs résultats, que dans ceux qui contribuent à éclairer certains aspects politiques, diplomatiques, économiques et sociaux de ces guerres qui conduisirent les armées impériales dans toute l'Europe continentale. Nous illustrerons cette assertion en prenant comme exemples la campagne d'Espagne, l'occupation du Nord de l'Allemagne, la campagne de Russie, nous bornant, dans le cadre restreint d'une introduction, à attirer l'attention du chercheur sur des points bien déterminés.
.
La guerre d'Espagne
L'intervention en Espagne, considérée comme une erreur mortelle, entrait pourtant dans l'implacable logique du système impérial qui consistait à réduire l'Angleterre par tous les moyens. On devrait d'ailleurs parler des guerres de la péninsule ibérique car les campagnes d'Espagne et de Portugal sont étroitement liées. Le Portugal, véritable colonie commerciale de l'Angleterre, demeura la base la plus ferme et la plus sûre pour les armées anglaises dans leur lutte contre les corps impériaux qui occupaient l'Espagne. Pour s'assurer de ce petit pays, trois expéditions furent organisées. En 1807, Junot réussit à s'installer à Lisbonne dans un calme relatif. Mais il ne put se maintenir et l'entreprise se solda par un échec, comme ce fut également le cas en 1809 et 1810-1811 avec Soult et Masséna. Sur le plan militaire, le projet de conquête du Portugal se justifiait, mais il est douteux que sa réussite pût détourner les Anglais des affaires de la péninsule.
En réalité, les armées impériales affrontèrent leurs ennemis dans des opérations de trois
types : la guerre classique conduite contre des armées régulièrement organisées, la guérilla
contre des partisans, et la guerre de terre-mer où la flotte anglaise joua un rôle décisif.
Précisons que, indépendamment des opérations isolées qui furent innombrables, les campagnes
et les expéditions plus vastes eurent toujours au moins deux des aspects mentionnés
ci-dessus. L'hostilité totale des populations espagnole et portugaise, le caractère
extrêmement accidenté du relief, la dureté du climat créèrent des difficultés dont témoignent
unanimement les rapports des chefs de corps, désemparés devant des réactions ou des
situations souvent inattendues. Les caractères particuliers de la guerre d'Espagne sont
décrits de façon très détaillée dans une multitude de dépêches dont voici quelques exemples.
"Nos colonnes mobiles ne peuvent pas atteindre ces brigands qui sont très bien servis par les
habitants et qui se retirent à l'approche de nos troupes par des chemins et dans des
montagnes impraticables" (Jourdan au ministre de la Guerre, 3 juin 1809) [AF IV 1619 plaq. 2,
p. 15] ; " ce nouveau genre de guerre, qui paraît avoir beaucoup d'analogie avec celui de la
Vendée, est plus à redouter que les armées organisées" (Jourdan au ministre de la Guerre, 16
juin 1809) [, p. 20. Autre allusion aux guerres de Vendée
dans une lettre adressée par Bessières au major général, le 14 février 1811 : "Nous sommes
ici dans une fière galère, mon cher prince... Le système de guerre qu'ont adopté les insurgés
est pis que la Vendée... Ceci est une guerre de patience" (AF IV 1631 plaq. 1/I, p. 45). La
lettre autographe du maréchal se veut confidentielle. On pourra comparer ces réflexions aux
déclarations de deux généraux de l'armée de l'Ouest en l'an VIII : "Il ne s'agit pas de
conquérir le pays ; nos colonnes n'éprouveront de résistance nulle part. Les Chouans seront
invisibles partout où nous les chercherons... Tous les militaires qui n'ont fait la guerre
qu'aux armées ne peuvent se faire aucune idée de celle-ci" (Hédouville au ministre de la
Guerre, 11 nivôse an VIII, AF IV 1590 plaq. 2, p. 11). "Ce genre de guerre ne peut ressembler
aux autres ; on n'a pas son ennemi devant soi, il est partout, il n'a ni magasin, ni
communication à protéger, ni escortes à donner... Quand il se rassemblera en masse, il sera
moins dangereux qu'en détail " (La Barolière au Premier consul, 6 pluviôse an VIII, AF IV
1590 plaq. 3/I, p. 35)] ; "aucun mouvement ne peut être fait sans que l'ennemie en soit
aussitôt prévenu " (Soult à Jourdan, 17 juillet 1809) [AF IV 1619, plaq. 3/III, p. 120]. Les
bandes sont formées d'"espèces de cosaques qui cherchent à nous faire le plus de mal
possible... et sont d'autant plus dangereux qu'on ne peut les joindre, quoiqu'ils soient
partout " (Marchand à Jourdan, 25 septembre 1809) [AF IV 1619, plaq. 4/II, p. 90]. " Ce n'est
point une affaire ordinaire que la guerre d'Espagne. C'est en vain qu'on abat d'un côté les
têtes de l'hydre, elles renaissent de l'autre ; et sans une révolution dans les esprits, vous
ne parviendrez de longtemps à soumettre cette vaste péninsule ; elle absorbera la population
et les trésors de la France... (Les insurgés) par leur mobilité et surtout la faveur des
habitants, échappent à toutes les poursuites et reviennent derrière vous un quart d'heure
après votre passage. C'est le système de chicane qui paraît avoir été adopté... " (Kellermann
au major général, 9 juin 1810) [AF IV 1623, plaq. 7, p. 392]. Ibidem
Les insurgés " vivent partout, connaissent le pays et savent parfaitement nos mouvements en
envoyant aux renseignements les jeunes gens de tous les villages dans lesquels ils ont par ce
moyen des intelligences. Quand on marche à eux en force, ils se divisent, se retirent dans
les pays difficiles et ne se battent que lorsqu'ils le veulent puisqu'ils font douze lieues
quand nos troupes en font six. Ils sont réellement les maîtres du pays, nous ne le sommes que
des points que nous occupons... Nos colonnes mobiles... ne peuvent presque rien... Elles ne
font, comme disent les Espagnols, que des sillons dans l'eau qui se referment de suite "
(Reille au major général, 6 août 1810) [AF IV 1626, plaq. 3/I, p. 6]. Enfin, en 1810,
l'adjudant-commandant Carrion de Nisas, dans un long mémoire rédigé après une mission en
Catalogne, parlant du général Saint-Cyr, fait cette constatation très intéressante : " Il
paraît même avoir assez habilement jugé dès l'abord quel genre de guerre il fallait faire en
Espagne. En effet, cette guerre étant toute morale, c'est-à-dire, sa durée et son intensité
devant dépendre de la manière dont le moral des peuples demeure plus ou moins affecté, il
importe bien moins d'avoir des succès que de n'avoir pas de revers... " [AF IV 1625, plaq.
2/II, p. 85].
Sur la tactique des troupes insurgées, les renseignements sont également impressionnants
par leur abondance. Qu'il suffise d'évoquer les deux attaques de convois dans la région de
Salinas, conduites en 1811 et 1812 par le célèbre chef de bandes Mina, telles que les a
rapportées le commissaire général Devilliers dans deux longues lettres adressées au ministre
de la Police générale [AF IV 1631, plaq. 1/III, p. 116 et 1633, plaq. 3, p. 68].
Pour réussir dans leurs entreprises, les chefs de l'insurrection devaient pouvoir compter
sur l'entière collaboration d'une population qu'ils sollicitaient de différentes façons et
dont ils réclamaient l'engagement en ne se servant pas toujours des arguments de la religion,
de la fidélité au roi Bourbon, du nationalisme. Ainsi, en Catalogne, le marquis de Campoverde
" a établi des clubs révolutionnaires à l'instar de ceux de 1793 " (le ministre de la Guerre
à l'Empereur, 22 mars 1811) [AF IV 1629, plaq. 1/III, p. 107]. Lorsque le peuple se montre
réticent, on n'hésite pas à user de représailles, en se référant toujours à l'exemple
français. A Tarragone, " le congrès insurrectionnel... et O'Donnel règnent par la terreur,
quelques soldats espagnols font trembler une population de dix mille habitants. Les prisons
d'Urgel, Cardone, Barga [Cardona et Berga sont en Catalogne], et surtout de Tarragone
regorgent et sont encombrées de malheureux de toutes classes arrêtés sur le plus léger
indice. Et les insurgés disent hautement que nous leur avons donné cet exemple dans notre
révolution et que c'est par cette conduite que la France a triomphé de tous ses ennemis "
(Macdonald au ministre de la Guerre, 30 octobre 1810) [AF IV 1625, plaq. 2/III, p. 107]. De
même dans les papiers saisis du général Blake, se trouve une lettre d'un certain Stanislas le
Lutin, qui a des soucis avec la ville de Valence : " Il faut, écrit-il au général, que Votre
Excellence use du pouvoir qui lui a été confié ; qu'elle livre au feu et à la destruction
Valence et toutes les villes qui oseraient comme elle se refuser à l'accomplissement de leurs
devoirs ; et si les Républicains, après avoir abymé la ville de Lyon, purent en imposer aux
provinces, nous, par le châtiment de Valence, nous ferons connaître aux autres villes ce
qu'elles doivent craindre ou espérer " [AF IV 1629, plaq. 2/IV, p. 222].
La guerre d'Espagne, la plus longue du règne et la plus meurtrière, donna lieu à un
impitoyable déchaînement de cruautés de la part des insurgés espagnols et portugais et des
armées françaises et anglaises. Les quelques exemples que nous citerons n'ont d'autre but que
d'attirer l'attention sur des comportements que les guerres dites classiques de l'époque,
malgré les innombrables maux qu'elles engendrèrent, ne suscitèrent que de façon
exceptionnelle. Un conflit mettait normalement aux prises des armées dont les soldats étaient
en uniforme, les populations civiles étant théoriquement exclues des opérations. Le partisan
ou l'insurgé, sans uniforme, se plaçait hors des lois de la guerre. C'est pourquoi les textes
des dépêches lui appliquent unanimement le qualificatif de " brigand ". Lui-même et ceux qui
le soutenaient n'avaient droit à aucune espèce de protection. Les exécutions sommaires et les
prises d'otages faisaient donc partie des moyens de lutte contre les bandes d'insurgés. Ainsi
en est-il d'" un prêtre qui servait d'aumônier à une de ces bandes, ... pris et fusillé " (le
major général à l'Empereur, 9 octobre 1810) [AF IV 1626, plaq. 3/II, p. 69]. Ordre est donné
au maréchal Suchet de " prendre des otages... et... faire passer par les armes les individus
qui ont égorgé les Français et inspirer dans cette ville (Valence) une salutaire terreur (21
novembre 1811) [AF IV 1629, plaq. 2/III, p. 138]. " On emploie les mesures de police les plus
sévères ; le curé et cinq individus d'Eybar [ou Eibar, dans le Guipuzcoa], partisans des
brigands ou espions, ont été fusillés ; d'autres exécutions ont eu lieu à Sanguessa
[Sangüesa, dans la Navarre] ; les chefs de gendarmerie attachés aux colonnes mobiles ont
ordre de juger prévôtalement tout individu reconnu comme ayant favorisé les brigands... cinq
à six cents parents de brigands sont arrêtés, le général Reille va en faire fusiller
quelques-uns des plus mauvais et brûler leurs maisons si leurs enfants ne rentrent pas... (le
major général à l'Empereur, 10 octobre 1811) [AF IV 1631, plaq. 1/V, p. 288]. On trouvera
bien d'autres cas de prises d'otages, comme celles effectuées dans les provinces occupées par
l'armée du Nord, par les généraux Thouvenot Dorsenne et Abbé [AF IV 1631, plaq. 1/V, p. 289,
plaq. 1/VI, p. 330, plaq. 1/VII, p. 398]. Ce dernier fit procéder à Pampelune à des
exécutions de parents d'insurgés qui entraînèrent la mise à mort d'officiers et soldats
français prisonniers de la bande de Gregorio Cruchaga [AF IV 1633, plaq. 3, p. 3].
De leur côté, les populations comme les troupes de partisans d'Espagne et de Portugal ne
montrèrent pas moins d'ardeur à se livrer à des actes d'une étonnante sauvagerie, dans un
même déchaînement de haine. Lors de son entrée à Braga et à Porto, le maréchal Soult a décrit
l'hallucinant spectacle qui s'offrit à sa vue [notamment avec l'assassinat du corregidor de
Braga, du général Louis d'Oliveira, des prisonniers français, victimes auxquelles on avait
fait subir toutes sortes de cruelles mutilations (rapport général du duc de Dalmatie, Lugo,
31 mai 1809, AF IV 1616, plaq. 3, p. 9, repris dans les , texte établi et présenté par Louis et Antoinette
de Saint-Pierre, Paris, 1955, p. 70 et 78)]. Son témoignage s'accorde avec le contennu de
certaines dépêches très significatives concernant le massacre d'individus isolés ou sans
défense. " Plusieurs voltigeurs avaient été dans un village voisin pour y acheter des
provisions. Quatre d'entre eux y ont été assassinés à coups de hache et de fourche. Les
habitants ont poussé la cruauté jusques à leur couper leurs parties honteuses et à les leur
mettre dans la bouche. J'ai fait mettre le feu au village... " (Ducos à Bessières, 23 juin
1808) [AF IV 1606/B, plaq. 3/II, p. 125]. Les habitants, " lorsqu'ils peuvent impunément
donner la mort à des soldats, à des officiers, à des employés, se portent à toutes sortes
d'excès et inventent à l'égard de leurs victimes les tourments les plus douloureux... "
(Denniée à Dejean, 25 août 1809) [AF IV 1619, plaq. 3/II, p. 63]. On ne recule devant aucun
procédé pour semer la mort. Le maréchal Macdonald dénonce dans un ordre du jour le guet-apens
tendu par les habitants de Bellpuig, en Catalogne : " ... Les assassins employant la plus
infâme trahison attiraient leurs malheureuses victimes en leur offrant des rafraîchissements
et les invitant à se reposer. Vos frères d'armes trouvèrent la mort là où il comptaient sur
les lois sacrées de l'hospitalité... " [AF IV 1625, plaq. 2/II, p. 46]. Quant aux blessés, on
n'hésite pas à les massacrer, comme le firent des paysans après la bataille d'Almonacid [AF
IV 1619, plaq. 3/II, p. 65]. Mémoires du
maréchal Soult. Espagne et Portugal
Dans ces conditions, on s'explique la dureté de certains combats, notamment lors de
l'investissement des villes. Les sièges de Saragosse en représentent l'exemple le plus
célèbre, mais il y eut bien d'autres cas, comme celui de la prise de Bilbao, au début de la
campagne : " Je viens d'entrer à Bilbao après quatre heures d'un combat très vif... Enfin le
dernier point vient d'être forcé. C'était un couvent où tout a été passé par les armes,
moines, capucins et soldats. Malgré cette résistance dans la ville, je suis parvenu à arrêter
le pillage... " (Merlin au roi Joseph, 16 août 1808) [AF IV 1611, plaq. 1/IV, p. 179].
Mentionnons également les horreurs de la prise de Badajoz en avril 1812, durant laquelle les
troupes anglaises se livrèrent aux pires excès [., p. 300]. Mémoires du maréchal
Soult... op. cit
L'exaspération d'une population manifestant une " obstination inouïe " et une opiniâtreté "
inconcevable " [Dedon au major général et le colonel Rogniat au ministre de la Guerre (AF IV
1622, plaq. 2/I, p. 17 et 20)] dans sa résistance aux Français, n'a pas été absolument
générale. S'installant à Lisbonne en 1807, Junot remarquait : " J'avais reçu dans la journée
beaucoup de monde, dont la plupart francs-maçons m'ont beaucoup servi pour faire rentrer le
peuple dans la tranquillité " (A l'Empereur, 30 novembre 1807) [AF IV 1604, plaq. 1/I, p.
16]. Les accommodements avec l'envahisseur et la nouvelle dynastie ne furent pas rares,
surtout parmi les personnes dites " éclairées ", notables, bourgeois, gens d'Église. Mais, à
l'exception des collaborateurs du roi Joseph et des membres de sa cour, il est difficile de
parler de ralliement à propos de l'attitude d'un archevêque de Santander [Raphael Menendez de
Luarca. Après l'émeute de Santander, en avril 1808, le maréchal Bessières avait multiplié les
démarches auprès de l'archevêque et de " personnes considérables " de la région (Bessières à
l'Empereur, 30 avril 1808, AF IV 1605/A, plaq. 2/I, p. 66] ou d'un évêque de Zamora [Joachim
Carrillo Mayoral. Le général Darricau " a fait chanter une grand-messe par l'évêque... Ce
prélat a fait un sermon dont le but est de faire sentir au peuple la nécessité où il est
d'implorer la clémence de Votre Majesté et les avantages dont il jouira sous le roi Joseph ;
il a prêté serment d'obéissance et de fidélité au roi ; le clergé, les magistrats et le
peuple ont imité son exemple " (le major général à l'Empereur, 17 janvier 1809, AF IV 1617,
plaq. 1, p. 15)], soumis aux pressions du maréchal Bessières et du général Darricau, ou même
d'un évêque de Palencia [François-Xavier Almonacid. " ...l'évêque... est parvenu à calmer le
peuple et à le faire rentrer dans le devoir. Il est venu avec les principaux de la ville
au-devant de moi. C'est à ce prélat que l'on doit la tranquillité de Palencia... " (Lassalle
à Bessières, 7 juin 1808, AF IV 1606/B, plaq. 3/II)], intervenant pour arrêter les
soulèvements populaires. On sait pourtant que l'insurrection, puissament aidée d'ailleurs par
les finances et les armées de l'Angleterre, se généralisa, pour des raisons que l'on trouvera
énoncées ou analysées, avec l'insistance propre à tous ceux qui craignent de ne pas être
compris, dans un très grand nombre de documents.
Les motifs religieux, incontestables, avivés par le conflit avec le Saint-Siège, sont
présentés comme le résultat de l'influence du clergé. " Les moines... ont surtout l'art de
donner à la populace la direction qu'elle est susceptible de prendre... Les prêtres, les
moines et le caprice de la canaille règlent tout " (Bessières à l'Empereur, 30 mars 1808) [AF
IV 1605/A, plaq. 2/I, p. 35]. " Les prêtres paraissent prendre une part très active dans
toutes les réunions bourgeoises et même on les rencontre parmi la plus vile canaille. Dans
une de ces réunions, quelqu'un a dit qu'il n'y aurait pas grand mal qu'on réformât une partie
des prêtres. Un moine qui se trouvait là répondit... que si l'on s'avisait de toucher à l'un
d'eux, le présent roi d'Espagne ne règnerait pas dix jours " (l'aide-de-camp Charroy au
maréchal Bessières, 13 avril 1808) [, p. 52]. Très
rapidement, on accusa les Français de ne pas être des chrétiens. C'est ce que les prêtres et
les moines déclaraient tout haut, dès février 1808, à Barcelone où les correspondances
saisies en provenance de Rome attribuaient aux Français l'intention de détruire la religion
qu'ils avaient feint de respecter jusque là pour tranquilliser les ignorants [AF IV 1605/B,
plaq. 2/II, p. 95]. La lutte des insurgés allait, dans certains cas, devenir une nouvelle
croisade. Ils mirent un scapulaire à leurs chapeaux [AF IV 1606/B, plaq. 3/II, p. 91 (Merle à
Bessières, 5 juin 1808)] pour aller combattre des armées, qui, d'après une instruction de la
junte de Séville " ne pratiquent aucun acte de religion " [AF IV 1619, plaq. 4/II, p.
142-143. Parlant du texte de ces instructions qu'il envoie au ministre de la Guerre, le
maréchal Soult déclare : " Cette pièce pourra un jour servir à l'histoire de la guerre et
elle prouvera que les moyens les plus barbares de destruction ont été employés pour nous
nuire et que pour s'en préserver, les sentiments des devoirs envers S.M. que nous devons
remplir ont dû suggérer d'autres moyens " ( , p. 141, 30
septembre 1809)].IbidemIbidem
Les ecclésiastiques qui ne furent généralement pas ménagés lorsqu'ils étaient pris les
armes à la main, jouissaient d'une influence quasi universelle qu'on eut l'idée de combattre
en dressant le peuple contre eux sur des questions d'intérêt. C'est ce que proposait Dudon,
l'intendant général de l'armée du Nord : " La fermentation qui règne dans tous les esprits
est excitée par le clergé, tous les rapports, tous les avis sont d'accord sur ce point...
Pour détruire l'influence des prêtres, il faut armer le peuple contre eux, c'est-à-dire les
diviser d'intérêts. Un des moyens les plus efficaces serait d'abolir les dîmes perçues par
les curés et chapitres, en les remplaçant par un traitement fixe inférieur à ces produits...
" [AF IV 1628, plaq. 3, p. 143 (Dudon au major général, 4 juin 1811)]. Mais que pouvaient
valoir ces propositions en face de l'engagement de prêtres et de religieux dans
l'insurrection, souvent au péril de leur vie, sacrifices qui fortifiaient encore les
énergies ?
Aux motifs religieux, on doit ajouter l'attachement à la dynastie des Bourbons, surtout en
la personne du prince des Asturies, disposition singulièrement renforcée par une exaspération
du sentiment national créée par l'invasion étrangère, la crainte d'un démembrement
territorial et la hantise de voir le code Napoléon imposé à tout le pays [AF IV 1605/A, plaq.
2/II, p. 95]. A cet égard, un texte comme la déclaration de l'évêque d'Orense, Pedro Quevedo
y Quintano, ne doit pas être considéré comme une réaction isolée, mais bien comme la
manifestation éclatante du refus d'accepter l'usurpation que constituait la mise à l'écart
des Bourbons : " Cette famille infortunée est conduite au sein de l'empire français, dans une
terre qui l'avait bannie pour toujours. Rendue à son berceau primitif, elle y trouve la tombe
où le glaive civil a fait descendre son chef. Elle voit les lieux où son premier rameau a été
cruellement coupé par la fureur d'une révolution insensée et sanguinaire. Que peut espérer
l'Espagne d'un pareil événement ?... Les renonciations des rois dans Bayonne et des infants à
Bordeaux, où l'on croit qu'ils pouvaient être libres étant au contraire environnés de la
force et de l'artifice... enfin suspectes à toute la nation... ont besoin pour devenir
valables... d'être ratifiées par les rois et les infants libres de toute violence et de toute
crainte" [AF IV 1607, plaq. 2/IV, p. 239-242].
On ne saurait omettre les difficultés économiques considérables que devait entraîner pour
les deux royaumes de la péninsule ibérique l'occupation française, comme cela se produisit
d'ailleurs en Hollande et en Allemagne du Nord, notamment. A l'appauvrissement que la guerre
elle-même engendrait par suite de la présence de plusieurs armées vivant bien souvent sur le
pays et des contributions énormes qui frappèrent certaines villes, à la détresse du Trésor de
l'Espagne [sur la situation financière de l'Espagne, la dette publique et notamment l'emprunt
de Hollande, voir AF IV 1608/B, plaq. 2/I à 2/V et 1611, plaq. 2/I], il faut ajouter la
baisse de l'activité commerciale dont une grande partie dépendait des bonnes relations avec
l'Angleterre. A Barcelone, les ateliers de textiles qui avaient l'exclusivité du commerce
avec les colonies espagnoles d'Amérique, ont dû fermer : "... Tous ces ateliers, toutes ces
fabriques qui depuis la guerre avec l'Angleterre souffraient beaucoup, se trouvent
entièrement fermés depuis l'entrée des troupes françaises en Catalogne, de manière qu'il
existe sur le pavé et sans aucune espèce de ressources une quantité innombrable d'ouvriers
qui se trouvent sans pain et sans aucun moyen d'alimenter leur famille, maudissent les
Français... Il est plusieurs fabriques d'indiennes dans Barcelone qui, dans tous les autres
temps, occupaient depuis quatre cents jusqu'à mille ouvriers chacune et qui aujourd'hui en
ont à peine conservé vingt. Les fabriques de toile de coton et de mouchoirs ont éprouvé le
même sort, puisque l'on compte plus de dix mille métiers en ce genre, pliés depuis trois
semaines dans la seule ville de Barcelone. Il en est de même des ateliers de soieries..." [AF
IV 1605/A, plaq. 2/II, p. 96].
Au Portugal, dont la prospérité dépendait étroitement de ses relations avec l'Angleterre,
surtout pour l'exportation des vins, et avec le Brésil, la perspective de la fermeture des
ports et d'une rupture des liaisons avec le Brésil ne disposait pas les esprits à subir
l'occupation française, ainsi que le rapporte dans ses dépêches l'intendant-général de la
Police du Portugal, Lagarde [AF IV 1620, plaq. 3/II, p. 54 ; 1630, plaq. 2/I, p. 15 et 37].
Enfin, si l'insurrection put se développer avec une telle ampleur et tenir en échec des
corps d'armée, c'est qu'il y avait dans le caractère des Espagnols et des Portugais des
traits propres à assurer le succès du soulèvement, traits que de bons observateurs n'ont pas
manqué de relever dans leurs rapports, conscients sans aucun doute du danger que de telles
dispositions représentaient chez d'éventuels adversaires. Opiniâtreté, courage, sobriété sont
des qualités que l'on reconnaît généralement au peuple, tout en soulignant ses penchants à la
" superstition " et à la violence. " Ce peuple... éprouve un froid très vif et n'a d'autre
feu que celui de sa cuisine qui est très mince ; il est mal vêtu, mal logé, se chauffe au
soleil ou dans les étables..., ne quitte pas son manteau, cultive mal... mais en compensation
il est d'une sobriété qu'on est forcé d'admirer... " (Mouton à l'Empereur, 3 mars 1808) [AF
IV 1605/A, plaq. 2/III, p. 158]. "Le peuple serait dangereux en cas d'hostilités. Il est
habituellement armé de poignards dans les villes... et le peuple des campagnes porte non
seulement le poignard, mais il est encore armé de fusils. Il est par caractère et par vieille
inimitié susceptible de soulèvement " (Dupont au ministre de la Guerre, 15 mars 1808) [AF IV
1605/A, plaq. 2/II, p. 128]. " Le Castillan, surtout, est moins traitable, fier,
superstitieux, fanatique et insoumis... " (Bressières à l'Empereur, 30 mars 1808) [AF IV
1605/A, plaq. 2/I, p. 35]. L'Aragonais, qui, rappelle l'adjudant-commandant Lomet a vaincu
les rois maures, n'a rien perdu " de son opiniâtreté, de sa sobriété ni de son intrépidité
" ; c'est le peuple, ajoute le général Suchet, " le plus courageux, le plus fort au physique
et le plus entêté dans les circonstances actuelles" [AF IV 1622, plaq. 1/II, p. 63 et 74].
Quant aux Portugais, voici ce qu'en pense le maréchal Soult : " Les hommes... sont
belliqueux, même féroces, ils ne craignent pas la mort ; les femmes partagent leurs
dangers... Tout individu est soldat et ceux qui ne sont pas enrégimentés sont les plus
dangereux ; chaque contrée a ses milices, ses ordonnances et ses dépôts de munitions... ; le
tocsin qui se répète d'un bout de province à l'autre a bientôt rassemblé des masses
innombrables. Ce peuple, sentant sa force, a souvent résisté aux armées du gouvernement... "
(Soult à l'Empereur, 30 mai 1809) [AF IV 1616, plaq. 3, p. 6].
On imagine aisément, dans ces conditions, l'extrême dureté des combats et le caractère
intransigeant d'une résistance qu'exacerbaient encore les pratiques à la fois humiliantes et
ruineuses des armées d'occupation. Les pillages, auxquels celles-ci se livrèrent parfois,
résultent autant du désir de s'enrichir que de la pénurie chronique de vivres et d'argent qui
affecta généralement les différents corps, situation aggravée par le " principe cher au
Comité de Salut public " [B. Bergerot, ., p. 557] et
implicitement suivi par la suite, établissant que la guerre doit nourrir la guerre. Ainsi, le
major général fait-il savoir à l'Empereur qu'il répond au général Dorsenne, commandant en
chef l'armée du Nord de l'Espagne, qui se plaignait que le retard de la solde se montât à
plus de sept millions de francs : "...d'après un autre ordre de Votre Majesté..., il faut
qu'il profite des ressources du pays pour le paiement de la solde, ... Votre Majesté ne peut
suffire à des dépenses aussi considérables si le pays n'y aide pas de toutes les manières...
" [AF IV 1631, plaq. I/IV, p. 194]. L'application de ce principe contraignait les populations
à supporter le poids de réquisitions et de contributions de guerre d'autant plus lourdes que
leur levée entraînait souvent des abus criants. On en trouvera des exemples caractéristiques
pour la Cata logne en 1810, en particulier dans les rapports de l'adjudant-commandant Carrion
de Nisas, chargé d'une mission d'information, et du maréchal Macdonald, sur les pratiques des
généraux Lechi et Duhesme, des commissaires des guerres Grobert et Augier et du commissaire
général de police Casanova [AF IV 1625, plaq. 1/III, p. 148 ; 1/IV, p. 175, 210, 215, 216. Le
mémoire adressé par Carrion de Nisas au ministre de la Guerre (AF IV 1625, plaq. 2/II, p. 85)
contient des détails sur les impositions (" on impose, on saisit, la terreur s'organise,
l'émigration prend un caractère alarmant "), la saisie des biens des émigrés, les
spéculations, l'accaparement par des particuliers de l'argenterie des églises de Barcelone,
normalement destinée au gouvernement, les orgies du général Duhesme (" l'intérieur du général
Duhesme était crapuleux... des hommes sans moralité et sans lumières, des femmes avilies
remplissaient sa maison dont la femme de son cuisinier faisait les honneurs... "), les excès
du général Lechi, mais aussi le sérieux du général Saint-Cyr, l'honnêteté du consul Durand
qui préserva du pillage des biens d'émigrés]. Signalons également le cas des communes des
provinces de Toro et Zamora qui, en 1811, présentèrent des réclamations très détaillées sur
les abus commis par les troupes dans la levée des contributions, notamment pour la fourniture
des vivres [AF IV 1631, plaq. 2/IV. Pour ses réclamations, la commune de Torrecilla de la
Orden, dans l'actuelle province de Valladolid, par exemple, fournit la liste détaillée de
tout ce que les troupes ont exigé entre le 24 janvier et le 1er mai 1811, notamment pour la
table des officiers ( , p. 146)], et des villes de Ledesma
et Peñaranda, dans la même région, dont le corrégidor et l'alcade furent soumis à toutes
sortes de vexations et de brutalités [AF IV 1631, plaq. 2/III, p. 120-126], procédés que l'on
retrouvera dénoncés avec vigueur par l'auditeur au Conseil d'État Gossuin, intendant
supérieur de la province de Toro, révélant les excès perpétrés par ceux qu'il nomme " les
Verrès de l'Espagne " [AF IV 1631, plaq. 2/I, article où se trouve le dossier concernant la
mission de l'auditeur Gossuin] ; au nombre de ces derniers, il cite le général Junot et sa
femme, les généraux Roguet, Dumoustier, Arnaud [Mentionnons d'heureuses exceptions : " Les
Espagnols... adorent le maréchal Mortier, parce qu'il a toujours été bon, humain et généreux
à leur égard. Le comte Dorsenne qui n'est que juste avec eux en est craint et respecté...
Tous les habitants de Valladolid conservent le souvenir du général Kellermann qui a su les
traiter avec les égrads dus à un peuple civilisé " (rapport de l'auditeur Gossuin à
l'Empereur, AF IV 1631, plaq. 2/I, p. 7)]. op. citIbidem
Des abus commis dans les levées de contributions et de réquisitions nécessaires à
l'entretien des troupes, on passe facilement aux pilleries effectuées à titre personnel.
Nombreux sont les rapports qui dénoncent cet irrésistible penchant à mettre à profit les
circonstances pour s'enrichir. On se reportera aux très intéressantes dépêches de Lagarde,
intendant général de la Police du Portugal, qui fut particulièrement attentif à observer les
gens. " Les hommes les plus enrichis par les bienfaits de l'Empereur ne songent qu'à
accroître leur fortune par tous les moyens, au risque de soulever le Portugal comme
l'Espagne. On fait de l'argent à tout prix. Cette dévorante cupidité descend des hauts rangs
de l'armée jusqu'aux derniers. On avoue que c'est le seul dédommagement du malheur de servir
en Espagne. " (Au ministre de la Police générale, 14 août 1810) [AF IV 1626, plaq. 4/I, p.
30].
Le Portugal, d'ailleurs, avait déjà été une proie singulièrement attrayante pour certains
lors de la première invasion. Une note, fort longue, adressée à l'Empereur, avec la mention "
pour Sa Majesté seule ", par le ministre de la Guerre, contient des détails très
significatifs [AF IV 1616, plaq. 1/III, p. 121 et 122. Voir aussi la publication d'António
Ferrão, A I/a Coimbra, 1923, p. CCCVI et
CCCXVII] : le beau-frère de Junot, Géouffre, pilla les biens du prince-régent et des
personnes qui l'avaient suivi au Brésil, une partie de la vaisselle revenant aux généraux
Junot et Loison ; le séquestre des propriétés et des marchandises anglaises appartenant aux
Portugais, la vente de passeports aux riches particuliers désirant émigrer au Brésil, la
vente à la compagnie de Porto de l'autorisation d'exporter ses vins, la passation de marchés
de vivres, les contributions de la ville de Lisbonne aux frais de table du général Junot dont
la note relève " l'orgueil presque insensé " constituèrent autant de sources de fructueux
profits. Au moment de la capitulation, le général Beresford, faisant fouiller les équipages
français fit restituer, d'après la note, 250 caisses d'indigo, 20.000 volumes des
bibliothèques de riches particuliers, la fameuse Bible du couvent de Belem qui se trouvait
dans les bagages du général Junot, et beaucoup d'autres objets, notamment des meubles et des
tableaux appartenant à des seigneurs portugais émigrés dont s'était emparé l'intendant de
police Lagarde, deux ans avant de dénoncer à son tour les pilleurs de l'Espagne et de gloser
sur la " grande avidité d'argent " du maréchal Soult [AF IV 1623/A, plaq. 2/II, p. 42
(Lagarde à l'Empereur, 9 janvier 1810). Les rapports de Lagarde à Junot (26 mars-12 juillet
1808) sont publiés dans A. Ferrão, ., p. 299 à 440],
l'accusant de s'occuper de " spéculations et d'affaires propres à augmenter beaucoup sa
fortune " [AF IV 1623/A, plaq. 2 /IV, p. 134 (copie d'un extrait d'une lettre de Lagarde
adressée sans doute au ministre de la Police générale, 29 juin 1810)]. Cette accusation
pourrait s'appliquer à bien des chefs de corps qui considéraient souvent qu'une partie des
profits de la guerre pouvait servir à promouvoir leur carrière ou à accroître leur position
[le maréchal Suchet ne demandait-il pas à l'Empereur de lui accorder " une assignation sur
les contributions de Valence et d'Aragon, afin que je pusse l'employer à l'achat d'un hôtel
où pût loger convenablement un grand officier de votre Empire... " (AF IV 1634, plaq. 3, p.
129, 9 mars 1813)]. invasão francesa (a invasão de Junot vista através dos
documentos da intendencia geral da policia, 1807-1808)...op. cit
Aux pilleries des particuliers, il faut malheureusement ajouter les enlèvements d'objets
d'art effectués officiellement. On trouve dans le fonds de la Guerre des indications à ce
sujet qui doivent être complétées par la consultation d'autres fonds d'archives. Ainsi, les
trésors du couvent Saint-Paul des Dominicains de Valladolid ont retenu l'attention de Denon
qui déclare certains objets de cet établissement dignes de figurer dans la bibliothèque et
dans la chapelle de l'Empereur [AF IV 1617, plaq. 5, p. 10 (l'ordonnateur Joinville au major
général, 11 janvier 1809) et 1620, plaq. 3/II, p. 92 (déclaration de Denon, 23 janvier
1809)], et l'on sait que la plus belle partie des trésors de Notre-Dame del Pilar de
Saragosse servit à acquitter une partie de la contribution de quatre millions qui fut exigée
de cette ville en 1809 [AF IV 1622, plaq. 2/II, p. 84 et 86]. Quant aux tableaux des
couvents, églises ou palais, ils furent considérés avec un intérêt justifié. Dès 1808, on ne
sait pour quelle raison, on trouve dans un mémoire anonyme une liste de cent vingt tableaux
de l'Escurial [AF IV 1610, p. 205]. Un rapport de l'intendant général de police Lagarde nous
apprend que le roi Joseph avait donné au maréchal Soult " six des plus beaux tableaux
d'Espagne " et que le surintendant général de sa Maison, le comte de Miot de Melito, était
fortement soupçonné " d'avoir fait des gains immenses avec les plus beaux tableaux de la
Couronne, d'y avoir substitué des copies et même d'avoir envoyé les originaux en Angleterre "
[AF IV 1623/A, plaq. 2/II, p. 42 (Lagarde à l'Empereur, 9 janvier 1810). Notons qu'à deux
reprises, en 1809 et en 1813, le roi Joseph offrit des tableaux à son frère, chaque envoi
comprenant cinquante pièces. En outre 230 tableaux soustraits à des seigneurs espagnols par
le Domaine extraordinaire arrivèrent en France en 1813. À ces prises officielles, il faut
ajouter des tableaux qui arrivaient d'Espagne par Bayonne et à propos desquels le préfet des
Basses-Pyrénées notait qu' " ils étaient envoyés par des généraux et adressés à leurs
familles ou à des particuliers " (renseignements aimablement fournis par Mme Odile Delenda,
chargée de mission au département des peintures du musée du Louvre, qui a travaillé d'après
les dossiers conservés aux Archives nationales sous les cotes O/2/ 846, F/21/571 et
F/17/1058)].
.
L'occupation du Nord de l'Allemagne
Un ensemble d'un volume relativement modeste, puisqu'il ne comprend que huit cartons,
contient une documentation d'un grand intérêt sur la situation de l'Allemagne de 1810 à avril
1812. Il s'agit tout d'abord des rapports adressés à l'Empereur par le ministre de la Guerre
et le maréchal Davout, ce dernier devenant l'unique expéditeur à partir de 1811. En outre,
ces rapports sont, dans la plupart des cas, complétés par des pièces de nature et d'origine
diverses, qui constituent, suivant l'importance des affaires traitées, des dossiers
originaux. Destinés à fournir à l'Empereur tous les renseignements possibles sur une question
déterminée, ils font tout l'intérêt de cette correspondance [La , 1801-1815..., éd. Ch. de Mazade, t. 3, Paris,
1885, ne contient que cinq lettres adressées par le maréchal à l'Empereur (n° 953, 954, 965,
1012, 1017, p. 223, 233, 243, 311 et 316). Ces lettres, auxquelles aucune pièce n'est jointe,
ne se trouvent pas dans les archives de la Secrétairerie d'État]. Correspondance du maréchal Davout...
Après la campagne d'Autriche en 1809, le maréchal Davout, qui avait le commandement de
l'armée d'Allemagne, est chargé de suivre l'exécution du traité de Vienne. Ses rapports à
l'Empereur partent de Lintz, Passau et Straubing où il se trouve encore en février 1810.
Revenu en France à cette époque, il y demeura jusqu'au début de 1811. De mars à juillet 1810,
la suite de ses rapports à l'Empereur est interrompue ; elle ne reprendra qu'à la fin du mois
d'août de façon irrégulière, ne retrouvant une certaine importance qu'à partir
d'octobre-novembre. Depuis janvier 1810, le ministre de la Guerre, de son côté, n'avait pas
cessé de tenir l'Empereur régulièrement informé des affaires d'Autriche et d'Allemagne [les
rapports du ministre de la Guerre et du maréchal Davout sur les affaires d'Autriche et
d'Allemagne se trouvent dans AF IV 1653, plaq. 1 à 10 (la plaq. 6 ne contient aucun rapport
du maréchal) et 1654 /A, plaq. 1 à 5. A partir de AF IV 1654/B, plaq. 1, commence la série
des rapports du seul Davout].
Jusqu'en septembre-octobre 1810, la situation de l'Autriche demeure un centre d'intérêt
important dans les dépêches qui parviennent à l'Empereur. Tandis que le ministre Clarke rend
compte des mouvements de troupes et de l'évacuation des unités, du détail des itinéraires
suivis et de l'état des principales places d'Allemagne, le maréchal Davout envoie des
nouvelles très intéressantes de provenances diverses sur ce qui se fait ou se dit dans cette
partie de l'Europe et notamment à Vienne, à un moment d'intense activité diplomatique. Les
gazettes et les correspondances saisies constituent toujours une source de renseignements
très variés. Citons une note adressée de Ratisbonne par Fahnenberg au comte de Metternich sur
les " symptômes d'une prochaine révolution " en Hollande et Brabant [AF IV 1653, plaq. 2, p.
65] ; une lettre du " baillif " de Saint Gilgen en Salzbourg sur la répression d'insurgés
tyroliens en décembre 1809 [" A Windische Matterey, il y a eu, le 24 décembre dernier, des
scènes terribles. À l'instigation des Tyroliens et de l'aubergiste nommé Aichberger... les
habitants y reprirent les armes, mais les insurgés y furent battus. Il y arriva 5.500
Français qui détruisirent la maison de l'aubergiste Aichberger... et arrêtèrent plusieurs
chefs d'insurgés qui furent fusillés, ainsi que plusieurs prêtres ; entre autres le curé et
le chapelain de Wurzen en Tyrol furent fusillés dans la ville de Lienz... " (AF IV 1653,
plaq. 3, p. 117). On trouvera dans la même plaquette d'autres extraits de lettres saisies où
il est notamment parlé du mécontentement suscité par la réunion du Tyrol à la Bavière] ; une
longue note, toujours adressée par Fahnenberg au comte de Metternich, sur les affaires du
prince de Tour et Taxis et la difficile situation du roi de Bavière [" Pour porter la misère
de ce pays à un plus haut degré, les alliés de la Bavière, les Français, l'ont occupé presque
entièrement. L'entretien de ces bons amis cause des dépenses qui surpassent l'impossible.
Celui du maréchal Davout coûte à la petite ville de Straubing 3.000 florins par jour et la
malheureuse ville de Passau succombe sous le poids excessif des logements militaires "... (AF
IV 1653, plaq. 3, p. 132)] ; des rapports de plusieurs diplomates, comme le chargé d'affaires
de Hollande à Vienne, Silliman, ou le chargé d'affaires de la Confédération suisse à Vienne,
le baron Ferdinand de Müller [AF IV 1653, plaq. 2, p. 80 ; plaq. 3, p. 133 ; plaq. 4, p. 149
et 150].
A cela, il convient d'ajouter les rapports des divers agents chargés de surveiller les
personnes et d'observer l'état de l'opinion. Quelques-uns demeurent anonymes, comme ce
négociant vivant à Smyrne ou ce Français " répandu dans la haute société de Vienne " [AF IV
1653, plaq. 1, p. 11, 17 et 18 ; 2, p. 81 ; 3, p. 131 ; 4, p. 147] qui transmet beaucoup de
détails sur la Cour, la vie politique, l'armée, la situation administrative et financière de
l'Autriche et l'effet produit par le divorce de Napoléon. D'autres agents sont bien connus,
notamment le célèbre Romeuf dont le maréchal loua à plusieurs reprises les remarquables
qualités auprès de l'Empereur. Il " a une tête froide, écrivait le maréchal, est bon
observateur et excellent officier ". " J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'entretenir Votre
Majesté de la perspicacité de cet officier. C'est ce qui me fait désirer d'avoir ses idées
pour les communiquer à Votre Majesté " [Le 4 décembre 1811 (AF IV 1657, plaq. I/I, p. 19)].
Romeuf, alors adjudant-commandant, note les effets de la nouvelle du divorce de l'Empereur,
donne des renseignements sur la cour d'Autriche, les départs d'officiers autrichiens pour
l'Espagne, l'état des esprits [AF IV 1653, plaq. 1, p. 19 ; 3 p. 102 ; 4, p. 148 et 165 ; 7,
p. 307 ; 9, p. 374]. Il était en relations avec un autre agent, Franoy, employé à la police
de Vienne, qui n'inspirait pas une grande confiance au maréchal Davout [Voir AF IV 1637,
plaq. 7 et 8. Ernest d'Hauterive, , 1809-1810, Paris, 1964, p. 317, n° 553]. Ses rapports contiennent des
informations sur la situation de l'empire autrichien au point de vue militaire, économique et
sur l'état de l'opinion publique [AF IV 1653, plaq. 1, p. 7 ; 2, p. 56 et 59]. Enfin, un
certain Marcel de Serres, " envoyé en Allemagne par le ministre de l'Intérieur pour faire
dans ce pays des recherches sur les sciences et les arts ", transmet des renseignements sur
la Bavière et le Tyrol, concernant surtout les dispositions de ces pays à l'égard de la
France [AF IV 1653, plaq. 9, p. 390]. La police secrète du Premier
Empire...
Cependant, dès le mois de mai 1810, des informations régulières sur l'Allemagne du Nord
parvenaient au ministre de la Guerre émanant surtout des généraux Molitor, Liebert, Rapp, en
poste à Hambourg, Stettin et Dantzig [AF IV 1653, plaq. 6, 7 et 8]. Les questions les plus
importantes qui justifieraient l'installation d'une puissante administration militaire dans
ces régions étaient déjà soulevées dans cette correspondance : l'attitude de la Russie et de
la Prusse, la présence de la flotte anglaise dans la Baltique, la lutte contre la
contrebande, les problèmes commerciaux, la situation des places. A partir du mois de
septembre, le maréchal Davout transmet, lui aussi, à l'Empereur, des renseignements qu'il
reçoit, tout en étant encore en France, de divers points d'Allemagne. Jusqu'au commencement
de 1811, Clarke et Davout tiendront ainsi l'Empereur soigneusement informé des affaires
allemandes grâce à l'abondante correspondance que leur envoient non seulement les généraux
Rapp, Morand, Liebert, Friant, Compans, Fornier d'Albe, mais encore le grand-prévôt Saunier
et le commissaire général d'Aubignosc en poste à Hambourg, ainsi que plusieurs agents chargés
de missions d'inspection et de surveillance. La lutte contre les importations de marchandises
prohibées et ses conséquences sont les sujets les plus fréquemment développés. L'application
du décret de Fontainebleau du 14 octobre 1810 entraînait des difficultés considérables car
elle contrecarrait l'existence de réseaux commerciaux bien établis. Ainsi en est-il de la
ville de Francfort, si prospère, dont le " système commercial... avec les opinions qui y
dominent, est des plus favorables à celui de l'Angleterre ", lit-on dans une note [AF IV
1653, plaq. 9, p. 375 et 376. Prévoyant les difficultés que des restrictions ne manqueraient
d'entraîner, l'auteur de la note déclare : " L'intérêt, le désir du gain et l'égoïsme forment
le caractère principal de toutes les villes de commerce, de même qu'ils étouffent dans l'âme
des spéculateurs tout autre sentiment ; de là ce penchant naturel vers un système qui
favorise des passions aussi prononcées, cette haine déraisonnable contre tout système
prohibitif d'un commerce qui leur est si avantageux " (p. 375)], qui décrit avec force
détails les activités d'une place considérée comme " le centre principal du commerce
continental " où les principaux négociants et spéculateurs, les Metzler, Goulard, Schmidt,
Bethmann, Leonhard, Stadel, Gogel, Brentano, Finguerlin font commerce d'argent, mais aussi de
marchandises comme le café, le sucre, l'indigo, les cotons, nankins et percales et " toute
espèce d'épiceries et drogueries ".
Aussi une intense surveillance des côtes fut-elle organisée en même temps que la recherche
systématique des dépôts de marchandises prohibées que l'on séquestrait et que l'on détruisait
après en avoir fait, parfois, l'inventaire [le détail des rapports sur toutes ces questions,
pour cette période, est dans AF IV 1653, plaq. 9 à 1654/A, plaq. 5]. Cette politique entraîna
le développement de la contrebande, mais surtout la ruine du commerce dans de nombreuses
places telles Francfort, Dantzig ou Stettin, et d'innombrables faillites parfois tragiques,
comme ce fut le cas pour ce négociant en bois de construction Soenké, qui se suicida [AF IV
1654/A, plaq. 3, p. 154. " Le nommé Soenké, négociant en bois de construction et grains vient
de se suicider en se coupant le cou avec un rasoir, ayant été obligé de manquer à ses
engagements envers les Polonais en grande partie. Ce négociant avait de grands
approvisionnements. Il voulait les exporter sans remplir les formalités, nous prouvant
l'impossibilité dans laquelle il était de pouvoir s'y soumettre. M. Soenké était
recommandable par son attachement pour la France. Il avait donné sa fille unique en mariage à
un officier français de la division Oudinot avec une assez bonne dot, événement remarquable
parmi les négociants de ce pays-ci. Les circonstances ont fait changer la manière de penser
de M. Soenké, car il a laissé en mourant une lettre pour sa famille dans laquelle il dit des
injures contre notre gouvernement. "]. Elle entraîna également une importante émigration vers
la Russie, notamment parmi les habitants de Dantzig : " le peuple de Dantzig commence à
émigrer vers la Russie quoi qu'on fasse pour l'empêcher. Les premières classes sont accablées
du coup qui les frappe. Les Dantzikois avaient beaucoup de denrées à exporter, elles restent
maintenant en magasins. Ils ont voulu les envoyer à Elbing, mais le général Rapp a cru devoir
s'y opposer pour les obliger à prendre des licences et à exporter par mer. Malheureusement il
n'arrive plus de bâtiments dans leur port pour y faire des chargements depuis qu'on a su
qu'il devait venir des douaniers, et d'ailleurs, les Anglais ne quittent plus ces parages...
" (le ministre de la Guerre à l'Empereur, 28 septembre 1810) [AF IV 1653, plaq. 9, p. 386].
La recherche des dépôts de marchandises, les visites domiciliaires, les saisies, les
destructions, les faillites et les ruines suscitèrent chez les populations une violente
hostilité à l'égard des Français, directement encouragée par les mouvements d'opinion en
Prusse où les incidents avec les autorités françaises étaient fréquents [Voir par exemple AF
IV 1654/A, plaq. 3, p. 105], et où des sectes dites " Heiligen " et " Einigkeit ", signalées
par Clarke, prêchaient la haine contre la France [AF IV 1653, plaq. 9, p. 386]. La
surveillance étroite de l'esprit public allait devenir une nécessité de cette politique.
L'exécution rigoureuse du blocus continental, l'observation de ce qui se passait en Prusse
et au-delà, en Russie, pays avec lequel la possibilité d'un conflit n'était pas écartée,
aboutirent à la réunion à l'Empire des territoires formant les départements hanséatiques par
sénatus-consulte du 13 décembre 1810. Le maréchal Davout, à la tête de l'armée d'Allemagne,
chargé principalement du rôle d'" archidouanier ", gagna Hambourg, d'où il expédia sa
première dépêche à l'Empereur le 9 février 1811. Jusqu'à la date du 24 avril 1812, le
maréchal envoya près de 450 rapports ayant pour objets principaux la surveillance des
activités politiques, la lutte contre la contrebande, la transmission des renseignements
concernant les pays voisins (Prusse, Pologne, Russie, Suède et Danemark, notamment),
l'organisation et le renforcement du dispositif militaire. Dans l'accomplissement de cette
vaste mission, le prince d'Eckmühl fut secondé par diverses personnes dont certaines se
trouvaient déjà en Allemagne en 1810, comme le grand-prévôt Saunier, le commissaire général
d'Aubignosc et les généraux que nous avons précédemment cités, dont le groupe le plus
important est constitué par les gouverneurs des places de Stettin, Custrin, Glogau, Modlin,
Zamosc, Thorn, Colberg et surtout Dantzig. A ces militaires, il faut ajouter l'amiral
Verhuell, le prince Poniatowski et les généraux Zayonchek et Fiszer pour la Pologne, le
général Gersdorff pour la Saxe. En outre, le maréchal Davout reçoit des dépêches du comte de
Saint-Marsan depuis Berlin et du baron Bignon depuis Varsovie, du chevalier de Rist,
conseiller de légation danois à Hambourg et de Henry de Ranchoup, consul général de France à
Gothenbourg ; des notes sont également envoyées de Berlin par l'ordonnateur Monnay et des
rapports arrivent toujours de Vienne expédiés par le général Romeuf. A cette correspondance
déjà importante, il convient d'ajouter l'ensemble des pièces annexes normalement jointes à
tout rapport traitant d'une affaire dont l'intérêt pouvait exiger l'envoi de documents
précis.
"L'archidouanier" de l'Empire avait d'abord pour tâche de faire respecter les dispositions
du blocus continental et de mettre ainsi en oeuvre des mesures de police économique. Les
considérations relatives aux intérêts propres des régions occupées et les risques de voir
disparaître de nombreuses entreprises commerciales ne semblent pas avoir inspiré au maréchal
Davout le dessein d'adopter une politique plus souple dans un domaine où la rigueur
entraînerait des conséquences fâcheuses. Partageant peut-être les sentiments de l'auteur
d'une note déjà citée [AF IV 1653, plaq. 9, p. 375], développés par un de ses correspondants,
le général saxon de Gersdorff [" Leipzig est le seul point qui sert de reproche à la Saxe.
J'ose observer cependant que les habitants de cette ville sont tous marchands et par
conséquent des hommes d'après lesquels une nation ne peut être jugée. L'opinion de ces
individus ne mérite donc aucune considération " (de Gersdorff à Davout, 29 décembre 1811, AF
IV 1657, plaq. 2/I, p. 25)], le maréchal, décidé à s'opposer à l'introduction de marchandises
prohibées, écrivait à l'Empereur, le 6 février 1812 : " Il faut de la terreur pour anéantir
cet esprit de cupidité et, si la guerre éclatait, je proposerais à Votre Majesté de faire de
grands exemples, notamment sur les contrebandiers en chef" [AF IV 1657, plaq. 2/IV, p. 194].
Cette lutte contre la contrebande s'effectua de plusieurs manières. La correspondance avec
l'Angleterre fut l'objet d'une surveillance constante, les dépêches le rapportent de façon
régulière [AF IV 1654/B, plaq. 1, p. 53 ; 1655/B, plaq. 1/III, p. 116-118 ; 1657, plaq.
1/III. Des détails intéressants sont donnés sur le commerce de la soie avec l'Italie]. À la
poste de Hambourg principalement, on saisit les lettres qu'on traduit, qu'on copie ou qu'on
analyse, en recueillant ainsi tous les renseignements susceptibles d'orienter les poursuites
[Voir notamment AF IV 1655/B, plaq. 2/I et 2/II. On remplaça par des Français tous les
directeurs de postes des villes maritimes des trois départements réunis (AF IV 1654/B, plaq.
2, p. 79)]. Les correspondances commerciales suspectes se font dans plusieurs directions,
notamment avec Helgoland, véritable entrepôt de marchandises prohibées [AF IV 1657, plaq.
2/IV], où l'Angleterre a de nombreux agents, un sieur Nicholas par exemple, comme elle en
entretient d'ailleurs sur les côtes de la Frise orientale [AF IV 1655/A, plaq. 3, p. 125] et
en de nombreux endroits voisins des départements hanséatiques. Aussi voit-on se développer
les recherches sur les relations avec la ville toute proche d'Altona, le Holstein et le
Danemark, la Suède et Gothenbourg d'où le consul Henry de Ranchoup envoie des informations,
Stralsund et la Poméranie suédoise. De même, se préoccupe-t-on beaucoup de suivre les
mouvements de la flotte marchande anglaise dans la Baltique, escortée elle-même par des
bâtiments de l'amiral Saumarez, grâce aux renseignements d'origines diverses, entre autres
les notes du chevalier de Rist [AF IV 1655/A, plaq. 2, 3 et 5 ; 1657, plaq. 2/I].
L'importation de denrées coloniales en provenance du Holstein entraînait la perception par
la douane de Hambourg d'un ensemble de droits dont on peut évaluer l'importance par des états
de recettes [AF IV 1654/B, plaq. 2 à 5]. La lourdeur des frais jointe à la raréfaction des
cargaisons favorisa la pratique d'une fraude qui, malgré toutes sortes de difficultés, ne
disparut pas tout à fait. Les saisies de marchandises s'effectuent toujours [AF IV 1654/B,
plaq. 1 ; 1655/B, plaq. 3 ; 1657/B, plaq. 2 ; 1657, plaq. 2/III et 2/V] et des négociants
sont poursuivis parfois avec vigueur. Les Lehmann et Lévi sont arrêtés à l'époque de la foire
de Leipzig et le maréchal Davout écrit à l'Empereur : " Je pense, Sire, qu'il serait utile de
jeter la terreur dans Leipzig par quelques articles sévères de gazettes " [AF IV 1654/B,
plaq. 6, p. 303 et 304]. Les deux commerçants arrêtés sont d'ailleurs jetés en prison. On
poursuit le dénommé Schroeder-Hausmann [, p. 326 à 328 et
AF IV 1655/A, plaq. 2, p. 72]. On perquisitionne chez plusieurs négociants, dont Frédéric
Meyer [AF IV 1655/B, plaq. 1/I, p. 35]. On arrête le sieur Haase que l'on met au cachot et au
secret [AF IV 1657, plaq. 2/III, p. 164, et 2/IV, p. 194]. Ibidem
Ces mesures contribuèrent à aggraver des conséquences que nous avons déjà signalées. La
ruine du commerce s'étendit, notamment à Hambourg et à Dantzig. Dans cette dernière place, on
interdit tout exportation de blé, ce qui entraîna de sérieuses difficultés économiques et
exaspéra les habitants, comme le rapporte le général Rapp, gouverneur de la ville [AF IV
1654/B, plaq. 2, 3 et 5 ; 1655/A, plaq. 1 ; 1656/A, plaq. 1/I et 1/III]. En outre,
l'émigration en direction de la Russie continua, grâce à tout un réseau de complicités dont
les détails sont contenus dans des rapports de police. Ainsi, la maison de commerce de
Francfort Bethmann, le consul de Russie à Rostock Schunemann et les autorités de Memel
participaient activement au départ des émigrés. On peut juger, d'après l'interrogatoire du
nommé Friedrich Hiller, un fabricant d'indiennes, des moyens adoptés par les candidats à
l'émigration : ce négociant s'est rendu à Rostock où il s'est adressé au consul Schunemann
qui lui a donné un passeport pour se rendre à Memel, où il devait trouver, poste restante, un
passeport pour la Russie ; le consul lui a donné en outre " comme membre des francs-maçons ",
cinq louis pour son voyage ; de Rostock, il est parti pour Stralsund où un négociant nommé
Meyer lui a également donné une assistance pécuniaire pour continuer son voyage ; de
Stralsund, il est parti pour Anclam d'où il ne put continuer son voyage [AF IV 1655/B, plaq.
1/III, p. 83-86].
Le mécontentement général engendré par l'application des dispositions du blocus et par
l'extension de l'occupation française en Allemagne du Nord, conduisit le maréchal Davout et
ses collaborateurs à adopter une politique d'étroite surveillance policière des individus et
des groupements anti-français ainsi que de la presse. Les rapports du baron Saunier, du
commissaire général d'Aubignosc et de leurs agents contiennent à cet égard beaucoup
d'informations parfois curieuses. Il est d'ailleurs impossible de faire la distinction entre
les poursuites concernant des individus, des mouvements politiques ou des auteurs de
brochures, car toutes ces activités sont liées. Les gazettes paraissent avoir singulièrement
agacé le maréchal Davout. Dès le 30 janvier 1811, alors qu'il n'avait pas encore gagné
Hambourg, il écrivait qu'il fallait supprimer la gazette de Gotha [AF IV 1654/B, plaq. 1, p.
42]. Brochures, libelles, pamphlets, journaux, sociétés secrètes contribuent fortement à
répandre en Allemagne la haine du joug français et influencent l'opinion en répandant toutes
sortes de nouvelles. Le publiciste Becker, rédacteur de la " gazette nationale des Allemands
" et du " Moniteur universel des Allemands " publiés à Gotha, est arrêté et emprisonné à la
citadelle de Magdebourg [AF IV 1657, plaq. 1/I, 1/II et 2/IV, p. 216-224]. On surveille
beaucoup un certain Villiers de Lübeck, " un des écrivains de l'Allemagne dont la plume a été
consacrée à nous rendre odieux " [AF IV 1657, plaq. 2/IV, p. 209 (Davout à l'Empereur)], lié
à Frederick de Vrede, ancien officier prussien, receveur de l'enregistrement à Münster,
auteur d'un ouvrage intitulé " Aurions-nous honte d'être Allemands ? " [AF IV 1657, plaq.
2/V, p. 257]. À propos de la presse, le maréchal Davout manifeste des intentions très
claires. Dans une lettre à l'intendant d'Erfurt, De Vismes, il s'en prend au duc de
Saxe-Gotha et à " sa ridicule gazette " ; si le duc est sage, ajoute-t-il, " il forcera sa
gazette à ne pas faire de la métaphysique obscure, à ne pas parler de politique ou à puiser
ses nouvelles dans le . Vous ferez, ordonne-t-il à
l'intendant, tenir le même langage à ses ministres, si ce ne sont pas des gens sages et qui
tiennent à leur existence, ils feront bien d'empêcher les turbulents de faire des sottises...
J'ai reçu le petit catalogue d'ouvrages nouveaux qui était joint à votre lettre du 26. Je
vous serais obligé de faire faire la recherche de ces ouvrages et de m'en donner un extrait
pour que je connaisse l'esprit dans lequel ils sont écrits... " [AF IV 1655/B, plaq. 1/I, p.
35]. Les articles de la " Gazette pour la littérature et les arts " imprimée à Riga incitent
le maréchal à demander à l'Empereur, le 13 octobre 1811, l'interdiction de tous les journaux
étrangers dans les départements hanséatiques, Garlieb Merkel, principal rédacteur de ce
périodique étant un ami du célèbre Kotzebue [AF IV 1656/A, plaq. 2/II, p. 82]. " Quelles que
soient les tentatives des écrivailleurs, elles n'auront jamais de résultats dangereux parce
qu'au premier coup de canon, une vingtaine d'hommes que l'on ferait pendre calmerait cette
grande exaltation ", écrit le maréchal avec détermination à l'Empereur, le 4 novembre suivant
[AF IV 1656/B, plaq. 1, p. 20]. Moniteur
À l'influence des gazettes, il faut ajouter les activités de nombreuses associations
secrètes qui se développèrent surtout à partir du territoire prussien. Leurs buts, qualifiés
d'" intentions horribles " par le maréchal Davout [AF IV 1656/A, plaq. 2/III, p. 143 (Davout
à l'Empereur, 23 octobre 1811)] se résumaient en une lutte farouche contre la présence
française par différents moyens. Certaines ligues favorisèrent la désertion parmi les unités
westphaliennes, ce fut le cas des " Amis de la Vertu " dont le mot de ralliement était "
laissez passer le torrent ". " Il existe en Allemagne une société originairement connue sous
le nom des Amis de la Vertu qui, ayant été signalée, s'est reproduite dans ces derniers temps
sous le nom de Société chrétienne allemande. Le centre de cette société existe à Berlin et
doit être présidé par le sieur Arnim. On remarque que depuis quelque temps elle devient
active ; des lettres anonymes circulent ; le roi de Danemark en a reçu, où on lui fait
connaître que la société est très répandue et que l'on compte sur lui lorsqu'il sera temps "
[AF IV 1655/B, plaq. 2/I, p. 64 (Davout à l'Empereur, 15 août 1811)]. D'autres groupes sont
soupçonnés de vouloir conduire des actions violentes : " Je redoute l'existence de ces ligues
secrètes parce que le but de presque toutes est de mettre le poignard à la main de quelques
fanatiques ", écrit le maréchal à l'Empereur le 8 novembre 1811 [AF IV 1656/B, plaq. 2, p.
86]. On repère et on surveille ainsi la "Ligue germanique", l'"Union de la vertu", la
"Concorde", la "Société pour le droit et la fidélité germanique".
Signalons que les opérations de police concernant la surveillance des individus et de leurs
déplacements prirent l'allure romanesque d'une mystification avec l'affaire Lajolais, ce
général qui, condamné à mort puis grâcié pour avoir conspiré avec Pichegru et Cadoudal, était
mort dans sa prison du château d'If en 1808. On crut le voir réapparaître à Hambourg en 1811,
lors d'une affaire bizarre qui ne fut jamais éclaircie [Le dossier de cette affaire est dans
AF IV 1655/B, plaq. I/I, p. 24-33].
Le maréchal Davout eut aussi la tâche très importante et très difficile de réunir, à
l'intention de l'Empereur, le plus de renseignements possibles sur les pays voisins des
départements hanséatiques. De Vienne, le général Romeuf envoie au maréchal des rapports
détaillés sur l'armée autrichienne et l'opinion publique de ce pays [AF IV 1656/A, plaq. 2/I,
p. 18 ; 1656/B, plaq. 3, p. 164 ; 1657, plaq. 1/I, p. 18 et 19]. À ce sujet, il donne par
exemple des précisions sur les mauvaises dispositions de toutes les catégories de la société
viennoise contre la France, l'influence des événements d'Espagne et de Portugal, l'importance
de la présence et du rôle des Russes dans la capitale, l'effacement de l'ambassadeur de
France, l'activité des femmes de rang élevé dans les milieux anti-français, les bruits d'une
guerre entre la France et la Russie.
Ce dernier pays est évidemment l'objet d'une surveillance particulière. Des informations
sur ce qui s'y passe sont régulièrement transmises par les gouverneurs des places de la
Vistule, comme Dantzig, ou de l'Oder, comme Stettin, Custrin ou Glogau ; " les rapports de
Varsovie ", pour reprendre l'expression consacrée par l'usage, envoyés notamment par le baron
Bignon, le prince Poniatowski et divers généraux polonais, contiennent également beaucoup de
renseignements sur la Russie. Dès 1811, l'attitude des Russes inspire de l'inquiétude au
général Rapp qui écrit de Dantzig au maréchal : " Je vous avoue... que je commence à croire
que les Russes ne sont pas assez châtiés ; il est certain qu'il y aura quelque chose
d'extraordinaire avant un an " [AF IV 1654/B, plaq. 2, p. 100]. Tous les observateurs
affirment que les préparatifs militaires (mouvements de troupes, constitution de magasins,
travaux de fortifications, manoeuvres diverses), sont importants. Telles sont les conclusions
du chef de bataillon d'Héricourt, du capitaine d'Herbigny ou d'un voyageur nommé Cadaire, se
disant le chef des Indiens de l'Ile de France, de retour de Géorgie [AF IV 1654/B, plaq. 3,
p. 168 et plaq. 4, p. 178 ; 1657, plaq. 1/II, p. 54-55 ; 1657, plaq. 1/I, p. 35]. La
situation est telle en novembre 1811 que le maréchal expose dans un projet ses idées sur une
future campagne au cas où la France prendrait l'initiative de la guerre [AF IV 1656/B, plaq.
4, p. 192].
La Prusse demeure très suspecte. Le mécontentement provoqué par les prétentions de la
France et ses interdits économiques est fort grand. Officieusement, le pays qui souffre de la
réduction de l'activité commerciale en Prusse orientale, participe aux opérations de
contrebande. On tolère que des négociants importent des denrées coloniales et le commissaire
d'Aubignosc accuse la cour de Prusse " de favoriser le débit des marchandises anglaises en y
apposant le timbre prussien " [AF IV 1654/B, plaq. 6, p. 304]. La police de Memel aide les
négociants à émigrer en Russie [AF IV 1655/B, plaq. I/III, p. 83-86] et on laisse les
marchands acheter du blé à Dantzig pour le compte de l'Angleterre [AF IV 1657, plaq. 1/II et
1/III]. De Berlin, l'opinion allemande est " travaillée " par les associations secrètes et
les pamphlets de Kotzebue [AF IV 1656/B, plaq. 4, p. 199]. Mais surtout la Prusse fait
d'importants préparatifs militaires sur lesquels tous les rapports insistent. Saint-Marsan en
paraît mal informé et le bruit se répand que le roi ne serait pas obéi, ce qui inspire cette
réflexion au maréchal Davout : " Il y a bien de l'obscurité sur ce qui se passe en Prusse "
[AF IV 1656/A, plaq. 2/III, p. 134]. Recrutement, mouvements de troupes et manoeuvres,
fortifications notamment à Colberg et à Spandau, tous les détails de ces opérations sont
donnés dans les dépêches.
La Pologne se trouve dans une situation difficile au point de vue économique et militaire.
Les plaintes qui s'élèvent dans le grand-duché exaspèrent l'Empereur, le maréchal Davout et
le général Rapp. Le " désordre et le défaut d'intelligence dans l'administration " sont
sévèrement critiqués [AF IV 1657, plaq. 1/III, p. 100]. Le maréchal se méfie des Polonais, il
redoute leur versatilité et trouve extravagant le contenu des rapports du prince Poniatowski
[AF IV 1654/B, plaq. 3, p. 162, et 1656/A, plaq. 2/II, p. 71]. Quant au général Rapp, il a
défendu " de parler politique surtout aux officiers polonais qui sont des éternels bavards "
[AF IV 1654/B, plaq. 3, p. 168].
Le Danemark paraît d'abord collaborer avec les autorités françaises, pour exercer une
étroite surveillance sur les voyageurs, les relations commerciales et les mouvements de la
flotte anglaise dans le Kattegat. Mais les Danois manifestèrent bientôt de la mauvaise
volonté, les liaisons commerciales reprirent avec Londres et dans le Jutland furent
introduites des marchandises prohibées [voir AF IV 1657, plaq. 2/III]. On se méfiait beaucoup
à Hambourg du ministre danois des Affaires étrangères Rosenkranz qui avait été ambassadeur à
Saint-Petersbourg et avait épousé la soeur du général russe Tolstoï [AF IV 1657, plaq. 2/V,
p. 262].
Les affaires de Suède étaient suivies depuis Hambourg avec une attention toute
particulière, notamment pour des raisons de politique économique. Aussi, les renseignements
sur ce pays sont-ils abondants. Henry de Ranchoup, consul général de France à Gothenbourg fut
un bon observateur qui transmit régulièrement de nombreuses informations. La Suède, qui avait
accepté de respecter le blocus, manifesta rapidement une attitude équivoque et viola
constamment ses engagements. La contrebande devint très active et les agents anglais avaient
toute liberté d'action dans le port de Gothen-bourg. À la cour de Stockholm, le baron
d'Engestrom, " homme colossal et aussi épais d'esprit que de matière ", n'inspirait aucune
confiance au maréchal Davout [AF IV 1655/A, plaq. 4, p. 180]. La situation d'Henry de
Ranchoup devenait difficile [AF IV 1656/A, plaq. 1/II, p. 74]. En Poméranie suédoise et à
Stralsund en particulier, la contrebande était importante et des incidents éclataient [Voir
en particulier AF IV 1655/B, plaq. 2/I]. On forma le projet d'une expédition [AF IV 1657,
plaq. 2 /II, p. 69], envisagée d'autant plus sérieusement que le vice-consul français de
Stralsund, Mahélin, était soupçonné de coupables complaisances ; après sa destitution en
février 1812, il réussit à s'échapper [AF IV 1657, plaq. 2/V, p. 268-270]. À la même époque,
les troupes françaises envahissaient le pays et l'embargo était mis sur les bâtiments suédois
[AF IV 1657, plaq. 2/III, p. 142 et 2/IV, p. 197].
.
La campagne de Russie
La partie du fonds concernant la campagne de Russie comprend 13 cartons. Il faut cependant
noter qu'à partir de AF IV 1650, plaq. 4/I, les limites chronologiques du conflit
franco-russe sont dépassées et que la documentation est relative aux affaires de Pologne, aux
affaires allemandes et à la campagne de Saxe (janvier-octobre 1813). Malheureusement, ce qui
concerne la Russie comporte des lacunes, dues à des destructions ordonnées par l'Empereur
pendant la retraite, ainsi que nous l'avons déjà signalé. Cet ensemble est néanmoins d'un
intérêt non négligeable par l'étonnante variété des dossiers qu'il contient. Aux rapports du
major général, des maréchaux et généraux chefs de corps, intendants et gouverneurs de places,
aides-de-camp et officiers d'ordonnance adressés à l'Empereur et au duc de Bassano à Vilna,
il faut ajouter les innombrables rapports d'agents, les gazettes, les brochures et les
correspondances saisies, provenant des armées russes, de différents diplomates ou de
particuliers [Voir AF IV 1646, plaq. 4, 5, 6 et 7].
Nous ne parlerons pas des opérations militaires de cette campagne célèbre qui a inspiré de
nombreuses études [voir l'ouvrage de Gabriel Fabry, ... Paris, 1900-1903, 5 vol. in-8° et suppl.]. Nous nous contenterons de
signaler quelques détails sur certains aspects de la campagne, les divers auxiliaires des
armées impériales, l'attitude du prince de Schwarzenberg, commandant le corps autrichien, les
manifestations de l'esprit public notamment en Allemagne. Campagne de Russie
(1812)
.
Quelques aspects de la campagne
Le conflit avec la Russie qui s'annonce, comme nous l'avons vu, dès la période de
l'occupation du Nord de l'Allemagne, entraîna d'abord des mesures plus ou moins violentes à
l'encontre des personnes qui assuraient à des titres divers les liens entre les deux
puissances. Maret, ancien secrétaire d'État, ministre des Relations extérieures, dont il ne
faut jamais perdre de vue le rôle très important qu'il joua lors de son séjour à Vilna, dut
résoudre un certain nombre de difficultés de cet ordre. Ainsi, quatre ingénieurs français
autorisés à servir en Russie et un agent du ministre de la Police générale, le sieur Hurter,
furent internés à la forteresse, de Schlüsselburg [AF IV 1647, plaq. 2/II, p. 79. Ces
renseignements sont contenus dans les précieuses minutes des lettres de Maret à l'Empereur,
dont Ernouf s'est beaucoup servi, en citant fréquemment ses sources de façon inexacte et
incomplète], située à l'est de Saint-Petersbourg ; le secrétaire d'ambassade de Rayneval eut
ses papiers saisis [AF IV, plaq. 2,/I, p. 16] . Quant au prince Kourakine, ambassadeur du
Tsar à Paris, il devait recevoir des passeports pour s'embarquer à Lübeck afin de regagner
son pays. Mais il refusa de voyager par mer et se plaignit qu'on retînt les personnes de sa
chapelle à Strasbourg. L'Empereur se laissa fléchir et le 8 octobre, Maret put écrire au
maréchal Augereau à Berlin : " S.M. voulant donner à M. le prince Kourakine un témoignage de
son estime, l'a laissé le maître de prendre la route qui lui conviendra pour retourner en
Russie avec les personnes qui l'accompagnent... " ; puis le même jour à l'archichancelier : "
S.M. vient de m'autoriser à écrire au prince Kourakine que des considérations personnelles à
cet ambassadeur sont très puissantes sur elle et qu'elle veut lui donner une nouvelle preuve
de son estime en le laissant maître de prendre la route qui lui conviendra " [AF IV 1647,
plaq. 3/II, p. 78 ; 4/II, p. 88 ; 1648, plaq. 2, p. 25, 31 et 36, 1648, plaq. 4, p. 4]. Sans
paraître se hâter, le prince prit la route de Vienne, déclarant qu'il s'arrêterait quelques
jours à Weimar pour faire sa cour à la grande-duchesse.
A cette époque, la Grande Armée occupait Moscou. La traversée du pays jusqu'à la ville
sainte des Russes, puis la retraite, peuvent être évoquées de manière très vivante grâce aux
trente-et-une dépêches adressées à Maret par l'auditeur Le Lorgne d'Ideville, dont l'écriture
très caractéristique n'est pas toujours d'une lecture aisée. Les extraits que nous citons
sont empreints d'un ton tour à tour enjoué et grave et témoignent notamment d'un goût pour le
détail pittoresque [Les 31 lettres de l'auditeur sont conservées en AF IV 1650, plaq. 3/I]. A
Gloubokoé, dont le chevalier Christin écrivait que c'était une " petite ville dont la
population juive occupe deux cents maisons de bois et qui a de plus un grand couvent et
quelques maisons en pierre " [AF IV 1643, plaq. 2/IV, p. 152], l'Empereur est logé au couvent
des Carmes. Plus loin l'auditeur secrétaire-interprète signale le " très beau château
appartenant au comte Tysenhaus. On a dévasté sottement le parc et dérangé les appartements,
mais les meubles et les vitres ne sont pas brisés... " ; Kamen est " un vilain petit amas de
mauvaises baraques ". Le 9 août, il conseille au duc de Bassano qui devait, semble-t-il,
rejoindre l'Empereur, de faire " de bonnes provisions " car " il n'y aura pas moyen de se
ravitailler entre Vilna et Vitebsk " où l'on ne trouve rien. Après avoir annoncé la mort du
général Koulnieff qu'on appelait " le Lassalle des Russes ", Le Lorgne s'abandonne brièvement
au rêve à Vitebsk, le 11 août : " C'est aujourd'hui mardi. Je suis en idée au milieu de votre
salon et assis près de quelqu'un à qui je pense beaucoup trop. C'est vous, Monseigneur, qui
me corrigerez de cette habitude, si je dois la prendre... " A Smolensk, le 18 août, on trouve
la ville en flammes : " La sottise coupable du général en chef russe a perdu une des plus
belles villes d'Europe. L'Empereur a été à cheval depuis ce matin 9 heures et je l'ai, comme
de coutume, suivi partout " [AF IV 1650, plaq. 3/I, p. 12]. Les assauts ont été rudes et " le
champ de bataille est horrible... Je vois depuis 5 ou 6 jours bien des choses dont je n'avais
pas d'idée. Je suis placé on ne peut mieux pour recueillir des souvenirs et j'en conserverai
de cette campagne. Ce que je vois à l'Empereur et ce que
je lui entends ne sortira jamais de ma mémoire... " [AF IV
1650, plaq. 3/I, p. 13]. Dans la longue dépêche du 24 août, toujours de Smolensk, il écrit :
" Chaque fois que vous me parlez de ce qui m'intéresse tant, vous augmentez la reconnaissance
que je vous dois... Smolensk est une ville bien chère aux vrais boyards russes. Sa perte leur
aura coûté des larmes, à part le malheur des pauvres habitants. C'est pour l'empire une
blessure au coeur... " Puis, évoquant l'hetman des cosaques, Platow, il note : " Savez-vous
que ce sauvage-là a promis sa fille unique à celui qui lui amènerait l'empereur Napoléon ? "
[, p. 17]. En se retirant devant la Grande Armée, les
Russes brûlent tout. " La pauvre ville de Dorogougie a été presque entièrement consummée
hier. L'Empereur a envoyé à deux reprises des bataillons entiers pour arrêter l'incendie,
mais le vent était plus fort que les secours. Le feu a pris dans deux quartiers différents
par l'imprudence des soldats qui font du pain dans toutes les maisons... " [, p. 20].. Le 1er septembre, Le Lorgne décrit une scène
amusante : " On n'a pas trouvé une âme dans le village [Velitschevo]. Les hommes sont emmenés
par les Russes, les femmes et les enfants ont fui dans les bois. On a pris un cosaque du Don,
qui a fort amusé l'Empereur avec ses réparties spirituelles. S.M. l'a fait mettre à cheval
entre elle et moi et nous avons fait ainsi plus de 6 verstes. André, (c'est le nom du
cosaque) prétend que si les Français livrent bataille d'ici à trois jours, ils la gagneront,
mais que plus tard, Dieu seul le sait, parce que les Russes pourront avoir reçu des renforts
qu'il ne connaît pas. Il dit que Platow était mal avec Barclay de Tolly depuis les affaires
de Smolensk. Il assure que, sans les cosaques, l'armée française serait déjà à Moscou. Il a
beaucoup entendu parler de Bonaparte qui a été en Égypte et qui bat tous ses ennemis.
L'Empereur m'a dit de dire au cosaque qu'il était à côté de ce Bonaparte. Vous jugez la
surprise d'André. Il ne pouvait plus détacher les yeux de dessus l'Empereur... Je vous
raconte des niaiseries " , p. 21]. Le ton change au
passage de la Moskowa : " On a trouvé à Mojaisk un grand nombre de morts et de mourants
russes. On n'a pas eu le temps d'enterrer les premiers ni de soigner les blessés. Ce
spectacle fait horreur " , p. 27]. La série des lettres
comporte une lacune pour la période allant du 11 septembre au 18 décembre. De Gumbinnen, à
cette date, Le Lorgne évoque l'abandon de Vilna par Murat, et les désordres de cette
évacuation , p. 31], l'arrivée à Koenigsberg où le roi de
Naples a trouvé " plus de 300 officiers généraux qui y étaient sans permission plutôt que de
se rendre dans les grands dépôts de leurs corps respectifs. La présence de tant de chefs
arrivant sans troupes a fait dire dans le pays que l'armée n'existait plus et beaucop d'entre
eux ont eu la lâcheté de laisser croire ce que l'on voulait à cet égard... " [AF IV 1650,
plaq. 3/I, p. 33]. Le 27 décembre, Murat est toujours à Koenigsberg, mais " les cosaques sont
répandus partout sur la grande route de Courlande... Les officiers russes n'ignorent pas la
mésintelligence qui règne entre le duc de Tarente et le général d'York... Le roi ne parle pas
encore de quitter Koenigsberg... Sa présence fait un bon effet ici. Je tremble qu'il n'en
parte comme il a fait de Vilna... " [, p. 34]. Triste fin
d'année que ce 31 décembre à Koenigsberg : " La Grande Armée est arrivée ici, si différente
de ce qu'on l'a vue il y a six mois qu'il eût peut-être mieux valu ne pas la montrer cette
fois... Il règne ici une vilaine fièvre nerveuse qui enlève bien du monde... " [, p. 36]. En terminant sa lettre, l'auditeur offre, de façon
touchante, ses voeux au duc de Bassano, sans songer que le lendemain, il lui faudra quitter
brusquement la ville. D'Elbing, le 6 janvier 1813, il fait part de ses préoccupations
concernant les Prussiens et les 7.000 hommes qu'on a laissés dans les hôpitaux de Koenigsberg
[, p. 37]. fairedireIbidemIbidemIbidemIbidemIbidemIbidemIbidemIbidem
Maret, de son côté, s'était employé avec ténacité à minimiser les désastres de la retraite
pour en limiter les effets, particulièrement en France et auprès des cours étrangères. Ses
lettres à l'Empereur, au ministre de la Police générale, auquel il écrit " confidentiellement
" après le passage de la Bérézina, en témoignent abondamment [voir AF IV 1647, plaq. 4/II,
5/II ; 1648, plaq. 2, p. 43, 46, 47, 49]. L'étendue de la catastrophe était bien connue. Sur
les pertes en vies humaines, toujours difficiles à évaluer avec exactitude, le major général
cite l'exemple terrible des troupes westphaliennes : 5 régiments de cavalerie réduits à moins
de 200 hommes et 3 bataillons de gardes employées au 8e corps réduits à 50 hommes ! [AF IV
1651/A, plaq. 3/I, p. 21 (le major général à l'Empereur, Elbing, 7 janvier 1813). Un rapport
d'agent du 27 mars 1813 indique que " dans les gouvernements de Moscou, Witebsk et Moghilew,
on a déjà brûlé 253,000 cadavres ennemis et 53,000 dans Wilna et les environs. Les cadavres
des soldats russes que l'on reconnaît aux croix qu'ils portent suivant l'usage de l'église
grecque ont été enterrés " (AF IV 1652, plaq. 5/III, p. 203)].
Parmi les innombrables témoignages que l'on trouvera dans la correspondance des chefs de
corps et des agents au service de la Grande Armée sur les désordres meurtriers de la
retraite, nous citerons des extraits de la très longue lettre que le maréchal Davout adressa
de Custrin, le 3 février 1813, au général Duroc [AF IV 1652, plaq. 1/I, p. 51]. Sur les "
terreurs de Koenigsberg et d'Elbing ", le maréchal déclare qu'elles " font pitié... Aucune
mesure n'a été prise pour évacuer ni détruire les magasins. Quant à ceux des subsistances, on
a annoncé qu'ils sont laissés aux autorités prussiennes, sauf à les porter en déduction de ce
qu'on leur devait ; mais pour ceux d'habillement, il n'y a point de prétexte à alléguer ; 60
ou 80.000 hommes ont traversé Elbing, manquant presque de souliers et de capotes, et on en a
laissé la plus grande partie à l'ennemi, sans faire la moindre distribution aux troupes ". Il
ajoute que le major général donnait des ordres inconcevables au nom du roi de Naples [il faut
préciser que Berthier était malade. D'Elbing, le 9 janvier, Daru écrivait à l'Empereur : "
Son corps est jeaune comme celui d'un homme qui a la jeaunisse " (AF IV 1652, plaq. 4/II, p.
5)], et affirme qu'il a " lieu de croire que les Russes ont, à l'état-major général, quelques
personnes qui leur donnent connaissance des ordres". Murat ne lui inspire aucune confiance et
il rapporte les propos tenus par ce dernier lors d'une scène qui eut lieu à Gumbinnen le 17
décembre, à laquelle Berthier était présent : "J'ai trouvé le roi avec le prince de
Neuchâtel, sortant de table ; presque sans motif et sans aucun préambule, Sa Majesté m'a dit
que personne en Europe n'avait confiance dans la parole et dans les traités de notre
souverain ; qu'il aurait pu, lui, faire sa paix avec les Anglais. Cette idée était rendue de
manière à faire croire qu'il regrettait de ne l'avoir pas faite. Il a cité avec éloge le
prince de Pontecorvo et a fait d'assez mauvaises réflexions sur les procédés de l'Empereur
envers le roi de Hollande. Voyant que le prince de Neuchâtel ne disait rien, j'ai observé au
roi,... que mon devoir me forçait de lui représenter qu'il était roi par la grâce de
l'Empereur et le sang français ; qu'il était encore prince français et que son devoir lui
prescrivait de ne point faire la paix avec les ennemis de l'Empereur, qu'avec son agrément.
Le roi a mis beaucoup d'humeur dans ses réponses..., il a toujours persisté dans ses mêmes
idées... Autant que je puis m'en rappeler, le duc d'Elchingen était présent et a appuyé ce
que je disais... " En outre, le général russe Czaplitz, ajoutait le maréchal, avait parlé "
d'une déclaration d'officier de santé qui ferait connaître dans le plus grand détail les
malversations de nos administrations, particulièrement à Vilna. Pour cet objet, on ne peut
calomnier. Dans aucune époque, il n'y en a eu de plus révoltantes et de plus meurtrières pour
les soldats de l'Empereur ; si le général Dumas ne fait une demande pour qu'on fasse une
enquête et des exemples, son nom sera à jamais en horreur. "
Si les difficultés constantes de l'expédition s'accompagnèrent de pillages et brutalités,
excès commis et par la Grande Armée et par les troupes russes, il convient de signaler
certains faits particulièrement intéressants. A Vilna, on transforma systématiquement en
hôpitaux et casernes plusieurs couvents et établissements d'enseignement et maisons privées
dont les locaux furent dévastés, le Gymnase, l'Université, le couvent Saint-Basile, les
Cordeliers notamment, au désespoir du recteur de l'université, Jean Sniadechi [Voir sa
requête du 7 août 1812 dans AF IV 1650, plaq. 2/I, p. 24]. D'ailleurs, Maret n'hésitait pas à
dire au gouverneur Hogendorp " qu'un pays occupé doit être traité comme un pays conquis, que,
s'il n'y a pas d'argent pour le service, il faut le prendre où il est, que tel juif a 50.000
ducats et qu'il faut le forcer à les donner, que les églises ont de l'argenterie et qu'il
faut s'en emparer... " [AF IV 1647, plaq. 2/I, p. 51].
Précisément, à Moscou, où " l'armée avait trouvé dans les débris de cette grande ville des
approvisionnements en munitions et en vivres de tous genres pour six mois " [Maret à
Macdonald, 1er octobre 1812 (AF IV 1648, plaq. 5, p. 7). Voir aussi B. Bergerot, ., p. 439], il ne semble pas qu'on ait profité de ces immenses
réserves. Au contraire, dans la précipitation du départ, on abandonna au Kremlin, d'après les
affirmations d'un aide-de-camp du général Koutousov, 42 pièces d'artillerie de différents
calibres, 237 caissons de poudre, 54 équipages avec pontons, 35 voitures
d'approvisionnements, 9 charrettes avec des instruments de chirurgie et 9 avec des forges de
campagne [AF IV 1646, plaq. 4, p. 8 et plaq. 5, p. 71]. Après la bataille de la Bérézina, le
général Wittgenstein dans un rapport au Tsar signale parmi les prises de guerre un certain
nombre de voitures " dont la plupart appartenaient à des familles de Moscou " sur lesquelles
" on a trouvé, outre une grande quantité de butin pour les troupes, une quantité de vases
d'église et d'autres effets que l'ennemi avait volés à Moscou " [AF IV 1646, plaq. 4, p. 19].
Mais le plus intéressant concerne ce qu'on a appelé " les trophées de Moscou ". Un rapport
adressé à Daru par le commissaire des guerres Duverger le 21 décembre 1812 et une lettre de
Daru à l'Empereur du 24 décembre suivant nous renseignent à ce sujet [AF IV 1646, plaq. 3, p.
81, 84 et 85]. " En vertu des ordres secrets de S.A.S. le prince major général, déclare le
commissaire, les 4 fauteuils des derniers empereurs, les drapeaux et les ornements d'église
ont été brûlés à Orza en présence de M. le général comte de Claparède ; ... le lustre de la
cathédrale a été dans le même endroit brisé et jeté dans le Dniepr ; ... à Oszmiana, le
prince de Neuchâtel a encore ordonné de briser et de brûler deux madones et un autel grec, ce
qui a été fait en mon absence, mais en présence d'un général attaché à l'état-major général
et délégué à cet effet... Il ne restait plus et d'après les ordres du prince on ne devait
conserver que la main de saint André et une madonne couronnée de perles à l'occasion d'une
victoire remportée par les Russes auprès de Dantzig... " Or ces derniers objets, comme le
précise Daru dans sa lettre " ont été pris par l'ennemi à l'entrée du fauxbourg de Wilna... "
En outre, le comte de Cathcart, ambassadeur extraordinaire d'Angleterre, affirma dans une
lettre publiée par la " Gazette extraordinaire de Londres " que " les Français selon leur
usage et férocité barbare, avant de quitter Smolensk ont fait sauter la cathédrale de cette
ville. " La tentative aurait échoué parce que la mèche s'éteignit avant de gagner la mine [AF
IV 1646, plaq. 4, p. 21 et 22]. Quoi qu'il en soit, la ville souffrit beaucoup des
engagements dont elle fut le théâtre puisqu'elle fut partiellement détruite. op. cit
Il convient de signaler que, lors de l'entrée des troupes napoléoniennes sur le territoire
russe, se produisit une série d'insurrections paysannes. Dès le 26 juillet 1812, le maréchal
Oudinot informait le major général que dans la région de Polotsk, les paysans soulevés
pillaient les biens des seigneurs laïcs et ecclésiastiques : " les religieux et les seigneurs
de cette contrée réclament contre tous leurs paysans qui s'insurgent et se livrent au
pillage. Je voudrais savoir quelle conduite il conviendrait de tenir à cet égard sur la rive
droite de la Duina. " [AF IV 1644, plaq. 2/I, p. 32]. La présence des Français semble être un
espoir pour certaines catégories d'habitants, comme l'écrit le général Bordessoule de la
région de Biekhov, le 27 juillet : " Les habitants juifs et autres paraissent très portés
pour les Français ; les paysans se révoltent contre leurs seigneurs en disant que les
Français étaient là et qu'ils n'étaient plus esclaves ; plusieurs propriétaires sont déjà
venus me demander du secours. Je l'ai donné en faisant dire aux paysans que l'Empereur venait
les tirer de l'esclavage mais non les rendre indépendants de leurs seigneurs auxquels ils
devaient toujours obéir. C'est cette classe qui se montre la plus zélée pour nous et qui
s'armerait si on voulait l'insurger " [AF IV 1644, plaq. I/IV, p. 253]. Le général
Caulaincourt, commandant le quartier-général impérial, signale des violences dans la région
de Vitebsk le 5 août : " Les plaintes des propriétaires contre les paysans se multiplient
extraordinairement. Les principaux propriétaires de Witepsk, chefs actuels de
l'administration de cette ville, le président du tribunal criminel et plusieurs autres
notables sont venus réclamer l'envoi de la force armée dans leurs propriétés contre le
brigandage des paysans, réunis aux maraudeurs de l'armée. Les paysans cassent et brisent les
meubles et annoncent l'intention de mettre le feu aux bâtiments. Les familles de Bik,
Potoski, M. Zaba, Zubaski, Madame de Raba et M. Olginski ont été obligés de fuir dans les
bois pour se dérober à la fureur de leurs paysans " [|AF IV 1643, plaq. 2/II, p. 64]. Le même
jour, c'est le prince Eugène qui informe l'Empereur de plusieurs soulèvements dans la région
de Velii [AF IV 1644, plaq. 4/II, p. 60. Cette lettre ne figure pas dans l'édition de Du
Casse, ] : " Tout le pays est en grande fermentation. Les paysans se révoltent contre
leurs seigneurs, les dépouillent, et plusieurs ont été amenés par eux, pieds et poings liés,
jusqu'à nos postes... On m'a parlé d'un décret du 1er mai que l'empereur Alexandre a rendu,
dans la vue de ménager les paysans. Ce décret défendait aux seigneurs de conduire à l'avenir
leurs paysans aux marchés pour les vendre... " Le lendemain, le vice-roi envoie à l'Empereur
le témoignage pittoresque d'un baron Kestowicz que ses paysans, après avoir pillé sa maison,
arrêtèrent et garrotèrent ; " mais s'étant tous soulés et ensuite battus entre eux, il
profita du trouble pour leur échapper... " Le baron ajoutait que les paysans sont " dans
l'opinion qu'aujourd'hui que les Français sont entrés sur leur territoire, la liberté leur
est rendue et qu'en conséquence, tout leur est permis , p.
62 et 63]. " L'Empereur répondit qu'il fallait profiter de ces événements pour essayer de
rallier les paysans [Du Casse, ., t. 7, p. 144].Mémoires et correspondance... du prince Eugène, op.
citIbidemMémoires et correspondance... du prince
Eugène, op. cit
.
Les auxiliaires des armées impériales
Conduire une expédition à travers des contrées pratiquement inconnues dont on avait peu de
cartes [Davout à l'Empereur, 7 juillet 1812 (AF IV 1644, plaq. 1/I, p. 89 et 90)] et où il
était impossible de s'informer sans se faire immédiatement repérer, si l'on n'avait pas de la
langue et des usages une connaissance suffisante, mettait les chefs des armées impériales
dans l'absolue nécessité d'utiliser, de différentes manières, les services d'individus
connaissant parfaitement le pays. Parmi ces agents, il faut distinguer ceux dont on se sert
occasionnellement et ceux auxquels on a recours de façon systématique plus souvent, mais sans
règle strictement déterminée. Au nombre des premiers, signalons le comte Grabowski, "
Polonais fort distingué... qui avait été enlevé par le prince de Bagration, au
quartier-général duquel il est resté... Il s'est échappé... Il donne des détails sur l'armée
russe " [Maret à l'Empereur, 20 août 1812 (AF IV 1647, plaq. 2/II, p. 82-84)] ; M. de
Lambert, établi en Galicie, donne des renseignements sur l'armée russe qu'il tient de son
frère, général au service du Tsar [Henri de Lambert avait épousé une Polonaise et passait
pour être très attaché à la France. Son frère, le comte Marie-Charles de Lambert commandait
le corps de cavalerie de l'armée de réserve de Tormansov. L'un et l'autre étaient les fils du
marquis Henri-Joseph de Lambert et avaient émigré avec leur père en 1790] et dénonce
l'attitude des Autrichiens [Maret à l'Empereur, 13 octobre 1812 (AF IV 1647, plaq. 4/II, p.
51)] ; le capitaine Konopka qui connaît bien le pays, le capitaine Vandernoot en rapport avec
l'auditeur Le Lorgne d'Ideville, et ce capitaine tartare dont se servait le général
Bronikowski, gouverneur de Minsk [AF IV 1647, plaq. 5/I, p. 34 ; 1652, plaq. 5/I, ; 1649, plaq. 6/II, p. 45. Les services du capitaine tartare
ont été payés 1.200 florins d'après le tarif se trouvant dans AF IV 1649, plaq. 6/I, p. 17].
Mentionnons les deux hommes sûrs dont Maret disposait à Moscou : Patau d'Orfland, un Français
établi depuis longtemps en Russie et un professeur allemand nommé Reynard, attaché à
l'université de Moscou depuis 1803 [AF IV 1647, plaq. 3/I, p. 26]. passim
Au nombre des auxiliaires constants, il faut évidemment compter les Polonais sur lesquels
le maréchal Davout persiste à observer les réserves qu'il formulait quelques mois auparavant
en Allemagne [" Les rapports des nobles polonais sont très exagérés, il faut toujours en
rabattre deux tiers, même en les supposant de bonne foi " (Davout au roi Jérôme, 15 juillet
1812, AF IV 1644, plaq. 1/III, p. 182)]. Pour acheter les chevaux dont on avait besoin à tout
prix, Maret entra en contact avec des familles terriennes fortunées dévouées à la France, les
Kownacski, Antoine et Joseph, les Prek et les Staszynski, qui de surcroît avaient dans leur
dépendance " les Juifs les plus adroits " [AF IV 1647, plaq. 5/I, p. 58 et 59]. Mentionnons
également la mission confiée au comte Morski en Wolhynie [Ernouf, ., p. 403-405 et AF IV 1648, plaq. 7, p. 1 à 6 et 1650, plaq. 3/II]. Les Polonais
se firent interprètes, comme ce gentilhomme, Justin Patzkowski, attaché au général de Wrede
[AF IV 1649, plaq. 1, p. 1], ou se chargèrent de missions parfois périlleuses comme le comte
Nicolas Abramovicz, un noble lithuanien " fort riche, ... chef d'une famille distinguée ",
que l'empereur Alexandre avait nommé malgré lui gentilhomme de sa chambre ; ou M.
Stiponowski, " officier plein de dévouement et de zèle " [AF IV 1647, plaq. 5/II, p. 65 et
75. Ernouf, ., p. 455]. Il faut d'ailleurs remarquer que
le gouvernement russe avait cherché à gagner une partie de la noblesse polonaise en la
gratifiant de bien faits divers, ainsi que l'expose le comte Morski a propos des familles de
Wolhynie, Podolie et Ukraine [AF IV 1650, plaq. 3/II, p. 80. Les Polonais n'hésitaient pas à
solliciter des grâces de la part de l'Empereur, suivant la règle générale. Pour ne citer
qu'un exemple, le général Bronikowski, gouverneur de Minsk, demandait, le 21 août 1812, qu'on
lui accordât une dotation en Pologne et, le 19 septembre suivant écrivait à Maret : " La mort
de M. de Colincourt n'offrirait-elle pas une place pour le gouverneur de Minsk ? " (AF IV
1649, plaq. 6/I, p. 3 et 12)]. Notons qu'à partir de 1813, le gouvernement français accorda à
la Pologne une aide substantielle notamment pour réorganiser son armée et que des secours
furent attribués aux familles lithuaniennes réfugiées par l'intermédiaire du baron Bignon
dont la correspondance contient des listes de personnes secourues, parmi lesquelles se
trouvent le comte Abramovicz, le comte Horain, maire de Vilna, des militaires et des
propriétaires terriens [Voir AF IV 1650, plaq. 4/I, 4/II et 4/III] . op.
citop. cit
D'autres auxiliaires collaborèrent, du moins pendant un certain temps, avec les armées
napoléoniennes. Ce furent des membres des nombreuses communautés juives installées en
Pologne, Lithuanie et Biélorussie, qui furent sollicités pour la fourniture de vivres et la
passation de marchés importants, mais aussi pour accomplir diverses missions comme agents de
liaisons et de renseignements. Dès le mois de juillet 1812, la commission provisoire de
gouvernement lithuanienne avait préconisé " d'ordonner aux synagogues des Juifs de donner
incessamment par écrit sous leur responsabilité, le dénombrement réel de 1811 " [AF IV 1650,
plaq. 2 /I, p. 9], sans doute dans le souci de connaître l'implantation de ces communautés,
dont certains membres intervinrent pour la fourniture de subsistances ; c'était le cas de
Juifs d'Ostrovno ou d'un certain Levin Masis qui vendait du café à Vitebsk [AF IV 1643, plaq.
2/IV, p. 160 ; 1646, plaq. 3, p. 57]. A l'occasion, on imposait systématiquement les
intéressés : " Les Juifs de Chklow ayant été en partie les auteurs de l'échauffourée... et
s'étant mal conduits envers nous à l'entrée des cosaques, je les ai condamnés à fournir au 5e
corps du prince Poniatowski qui se trouve dans le plus grand dénuement quelques milliers de
paires de souliers et d'aulnes de drap " écrit le maréchal Davout à l'Empereur le 30 juillet
[AF IV 1644, plaq. 1/IV, p. 258 et 259. Chklow est au nord de Mohilew]. Quant aux passations
de marchés, elles concernent les moyens de transport, comme l'atteste cette transaction qui
reçut les cautions du sieur Worms, négociant à Paris, des sieurs Abraham, Simon, Salomon et
Seyman, riches banquiers et propriétaires de Vilna, et qui, selon l'aveu de Maret, " coûtera
sans doute fort cher à l'administration " [Maret à l'Empereur, 24 août 1812 [AF IV 1647,
plaq. 2/II, p. 91, dossier Bourcier)] ; ou les achats de chevaux de remonte projetés avec des
Juifs de Mohilew, avec le sieur Jacob Eissing, correspondant à Varsovie de Louis Bidon,
négociant à Boulogne-sur-Mer ; ou le transport du sel en Lithuanie [AF IV 1648, plaq. 7, p.
16 ; 1649, plaq. 4, p. 9 ; 1650, plaq. 2/II, p. 57 et 60].
Les Juifs furent en outre utilisés pour accomplir différentes missions de liaisons ou de
renseignements. Nous avons relevé une vingtaine d'exemples de ces activités dangereuses à
plus d'un titre, auxquelles les Juifs s'adonnèrent surtout au moment de la marche des armées
impériales sur Moscou. Des chefs de corps comme le maréchal Davout, le prince Eugène, le
prince de Schwarzenberg s'offrirent leurs services [le prince de Schwarzenberg confiait à
Maret le 10 novembre : " J'éprouve les plus grandes difficultés à me procurer des nouvelles.
Personne n'ose pénétrer la ligne des cosaques. En prodiguant l'or journellement, je ne
parviens pas à être instruit. L'unique ressource, c'est les Juifs, et comme ils sont tous
malintentionnés, on ne peut s'en servir qu'avec bien des précautions " (AF IV 1649, plaq.
7/II, p. 95)] ; le roi de Naples confia des missions à un Moshe Itrhowici et à trois de ses
corréligionnaires de Szmilany ; le général Reynier fit de même avec Notke Rosenberg,
négociant de Dubno, le général Sokolnicki avec Chaim Mortewiez de Kovno [AF IV 1645/A, plaq.
4, p. 374 ; 1645/B, plaq. 1, p. 3 ; 1646, plaq. 5, p. 9. Szmilany ou Smolany se trouve au
nord-ouest d'Orcha ; Dubno est en Wolhynie]. Quant au duc de Bassano, il engagea plusieurs
Juifs pour faire parvenir des dépêches en différentes directions, et la " Kahal " ou
assemblée des représentants de la communauté répondait pour eux [AF IV 1647, plaq. 5/II, p.
73]. Le coût de ces missions variait sans doute beaucoup si l'on en juge par l'état des
dépenses du général Bronikowski qui remit à sept Juifs des sommes allant de 50 à 400 florins
[AF IV 1649, plaq. 6/I, p. 17].
Il faut remarquer d'ailleurs que les Juifs, dans le même temps, servaient leurs maîtres du
moment, ou anciens maîtres, les Russes. " Les Juifs de Varsovie leur fournissent des rapports
sur tout ce qui se passe " lit-on dans une dépêche d'agent [AF IV 1649, plaq. 7/I, p. 37]. Le
gouverneur de Vidzouï, le général Coutard, signale à Maret que les Juifs Niszko et Markiel de
Disna sont des émissaires de Wittgenstein ; selon un informateur, les généraux russes en
emploient beaucoup comme espions, ajoutant qu'ils " font des jeûnes, des dévotions pour la
prospérité des armes russes jusqu'au point qu'ils ont inspiré la méfiance des Russes qui ont
fini par les chasser ". On en signale beaucoup au service du général Tormansov [AF IV 1649,
plaq. 7/I, p. 37 ; 1650, plaq. 1, p. 7 ; plaq. 2/I, p. 43 ; plaq. 2/II, p. 63]. Il semble que
cet espionnage ait été particulièrement florissant en Pologne si l'on s'en réfère aux
informations que le comte Morski mandait à Maret le 17 août : " Les espions russes établis à
Varsovie, Posen, Lublin et Zamosc ne cessent d'envoyer par des émissaires, surtout Juifs,
tous les renseignements possibles... C'est ce qui a causé la mort de plusieurs de nos
émissaires trahis... La trop grande facilité de voyageur... facilite les courses vagabondes
des Juifs et autres émissaires ennemis... " [AF IV 1650, plaq. 3/II, p. 71]. Bien plus
explicite à ce sujet est le rapport d'un agent placé à Tykoczyn qui signale deux centres
d'espionnage à Varsovie, la maison Ossolinski, où un certain Tysenhausen emploie des Juifs
comme émissaires et la maison d'un nommé Salomon, distillateur de métier, qui rassemble tous
les espions avant de les conduire à Tysenhausen, l'informateur précisant que trois marchands
juifs de Tykoczyn venaient de prêter serment aux Russes en qualité d'espions [AF IV 1651/B,
plaq. 1, p. 32. Tykocin est une ville de Pologne située au N.-N.-E. de Mazowiec sur la rive
gauche du Naref, affluent de la rive droite du Boug occidental].
Remarquons en outre que la communauté de Vilna manifesta de diverses façons son hostilité
envers les troupes napoléoniennes, au moment de la retraite, selon plusieurs témoins qui
affirment avoir entendu parler de ces manifestations ou qui y ont eux-mêmes assisté. Ainsi
Daru écrit-il à l'Empereur, le 13 décembre : " le passage de Vilna a coûté beaucoup de monde
à l'armée. Un grand nombre de soldats et même d'officiers malades, ayant des membres gelés ou
accablés de fatigue sont restés... On dit que les Juifs ont battu des soldats aussitôt après
l'évacuation de la place " [AF IV 1646, plaq. 3, p. 70]. Les témoignages du capitaine
Terlicki, du 12e lancier polonais, de Mathieu Kurlovi, sous-brigadier dans les équipages de
cheveux de selle de l'Empereur et de deux officiers du 15e de ligne polonais recueillis par
le capitaine Vandernoot, concordent. Le premier, prisonnier à Vilna, affirme que " les Juifs
ont des remords de leur conduite pendant la retraite des Français ". Le second, resté malade
à Vilna, déclare dans sa déposition : " Les prisonniers laissés par les Français à Vilna et
les Juifs sont ceux qui ont le plus maltraité les prisonniers français. Ils les ont
dépouillés et chassés des maisons où ils étaient réfugiés... Il en résulte qu'un grand nombre
de Français sont morts de froid et que l'on en voyait un grand nombre étendus tout nus dans
les rues de la ville. Ce désordre a cessé à l'arrivée du grand-duc Constantin... " [AF IV
1652, plaq. 1/I, p. 14]. Quant aux derniers, faits prisonniers de guerre et ayant réussi à
s'évader, ils rapportent que les " Juifs de Vilna se sont conduit cruellement avec les
prisonniers français et alliés " ; que le général Koutousov en aurait témoigné beaucoup
d'indignation et les aurait obligés, par punition, à livrer 5 000 habillements complets pour
les prisonniers français devant être transportés à l'extrémité de la Russie. Ces deux
officiers affirmaient encore qu'à Vilna, l'empereur Alexandre visitait les hôpitaux et
distribuait des aumônes [AF IV 1652, plaq. 5/II, p. 77].
.
Le prince de Schwarzenberg et le corps auxiliaire autrichien
On a âprement critiqué, du côté français, le corps auxiliaire autrichien et son chef, le prince de Schwarzenberg. S'agissant d'une entreprise comme la campagne de Russie, il serait simpliste de faire retomber la responsabilité du désastre sur les fautes volontaires ou non d'un seul corps. On trouvera dans la correspondance - en français - du prince autrichien et dans divers rapports que nous signalerons, quelques informations concernant ce sujet. En considérant le point de vue plus nuancé de l'engagement du gouvernement autrichien dans cette affaire, on peut remarquer que cette campagne diplomatico-militaire fut conduite par le prince en accord avec le cabinet de Vienne, d'une manière assez remarquable pour éviter toute rupture immédiate avec la France, qu'il fallait ménager, et épargner de graves déboires au corps auxiliaire.
En dévoilant la teneur de la correspondance de son frère, général au service du Tsar,
Lambert avait confirmé les soupçons de Maret sur l'immobilisme observé par le corps
autrichien, affirmant : " Beaucoup d'officiers de cette nation, mécontents de la guerre
actuelle, ont quitté le service pour passer à celui de la Russie. Il y en a même de l'armée
de Schwarzenberg. Les Russes se vantent de la bonne harmonie qui existe entre eux et
l'Autriche... " [AF IV 1647, plaq. 4/II, p. 51]. Les missions d'observation confiées au mois
d'octobre à l'auditeur Panat et à l'aide-de-camp du duc de Reggio, M. de La Chaise [Ernouf,
., p. 437 et suivantes, ne parle pas de la mission de
cet aide-de-camp. Les instructions de l'auditeur étaient précises. " Je désire, Monsieur, que
vous restiez au quartier-général de M. le comte Reynier, que vous m'écriviez de là tout ce
qui sera à votre connaissance et que vous observiez avec un soin particulier tout ce qui
regarde l'armée autrichienne... Les observations que vous avez à faire sont délicates... Je
ne pense pas avoir besoin de vous en dire d'avantage " (Maret à Panat, AF IV 1648, plaq. 3,
p. 23)] auprès du général Reynier eurent pour résultat d'attester la loyauté du prince et de
certains de ses généraux ; il n'en était pas de même pour les officiers inférieurs qui
faisaient la guerre à contre-coeur ; quant au prince, les deux observateurs affirmaient qu'il
" agirait vigoureusement s'il était assez fort pour se croire sûr de vaincre... " [AF IV
1647, plaq. 4/II, p. 101]. La droiture de sa conduite est reconnue à plusieurs reprises dans
les rapports du général Reynier qui n'hésite pas à déclarer que " la franchise et la droiture
sont les traits principaux de son beau caractère " [AF IV 1648, plaq. 3, p. 17. Le général
Reynier paraît avoir éprouvé pour le prince un réel attachement (voir AF IV 1652, plaq. 3, p.
14 et ses autres rapports en AF IV 1649, plaq. 7/I, p. 20, plaq. 7/II, p. 66, 78 ; 1651/B,
plaq. 2, p. 62 et 1652, plaq. 2, p. 1)]. La même remarque est faite par l'auditeur Panat [AF
IV 1649, plaq. 1, p. 45 ; plaq. 7/II, p. 76, 77, 85 , 87 et 88]. Même le capitaine
Vandernoot, agent de l'auditeur Le Lorgne d'Ideville, écrit en janvier 1813 qu'il n'y a que
le prince " sur la loyauté duquel on puisse se fier " [AF IV 1652, plaq. 5/I, p. 22]. Mais
les réticences ne s'effacèrent pas. Maret trouvait suspect les succès militaires en novembre
et s'en ouvrait au ministre de la Police générale [Le duc de Bassano terminait ainsi sa
lettre : " Du reste, nous sommes ici assez en force, nous jouons, nous dansons, nous mangeons
mieux que vous ne faites à Paris... " (AF IV 1648, plaq. 2, p. 43)] ; l'intendant Chassenon
l'accusait, le 25 décembre, d'avoir permis l'évacuation du département de Ghrodno [AF IV
1649, plaq. 5, p. 9]. Il est vrai que le corps autrichien ne se trouvait pas dans de bonnes
dispositions. Les rapport que nous avons cités contiennent des raisons précises : les
pressions du cabinet de Vienne pour conserver le corps d'armée et éviter les pertes, la non
intervention des troupes de Galicie, l'influence de l'état-major autrichien, notamment du
lieutenant-colonel Baillet de Latour, un Brabançon hostile à la France, les souvenirs des
défaites récentes, l'opposition au projet d'une expédition en Lithuanie, les égards des
Russes envers les prisonniers autrichiens, les bons rapports entre officiers des deux pays
aux avant-postes, le retard de la solde, le choix du prince de Liechtenstein, violemment
anti-français, pour se rendre à Vienne solliciter des secours, les sentiments unanimement
anti-polonais de l'ensemble du corps. op. cit
Le prince de Schwarzenberg était bien conscient de ces difficultés, comme en témoigne sa
correspondance. Il proteste auprès de Maret de la sincérité de ses intentions et justifie ses
mouvements et son refus d'une expédition en Lithuanie le 5 décembre [AF IV 1649, plaq. 1, p.
36 et surtout plaq. 7/II]. Quand il apprit que l'Empereur se trouvait à Varsovie, il
manifesta son mécontentement de n'avoir été informé que par " des bulletins faits pour le
public de Paris " [Lettre au général Reynier, 12 décembre 1812 (AF IV 1649, plaq. 7/II, p.
117)]. Au début de 1813, il refusera d'installer son quartier-général dans la capitale du
duché par animosité contre les Polonais, au sujet desquels il écrit au prince Eugène : " Je
ne saurais leur pardonner le jugement téméraire qu'ils se permettent sur ma personne ",
flétrissant au passage " la versatilité de leur caractère qui les porte à juger les autres
d'après eux-mêmes " [AF IV 1652, plaq. 3, p. 6]. La haine des Polonais envers les Autrichiens
était tout aussi entière [Si l'on en croit le général Van Dedem affirmant qu'à Varsovie " ce
sont toujours les femmes qui ont le plus d'influence... Leur acharnement contre les
Autrichiens est exprimé sans ménagement " (AF IV 1652, plaq. 1/I, p. 4)].
.
Les manifestations de l'esprit public principalement en Allemagne
Les désastres de la retraite, les échecs en Espagne et la lassitude de la France elle-même encouragèrent dès le début de 1813 défections et soulèvements sur lesquels on possède des informations nombreuses dans les correspondances. Celles-ci font partie d'un ensemble qui ne concerne plus chronologiquement la campagne de Russie proprement dite, ainsi que nous l'avons signalé, mais qui en illustre, d'une certaine manière, les conséquences en Allemagne notamment.
La signature de la convention de Tauroggen [On trouvera une copie du texte de la convention
dans AF IV 1651/A, plaq. 3 /I, p. 36] vint confirmer les inquiétudes dont le maréchal
Macdonald s'ouvrait au major général dès le début de décembre 1812 [voir la correspondance du
maréchal dans AF IV 1645/B, plaq. 3]. Le retrait de la Prusse ne pouvait que satisfaire les
populations de ce pays " yvres de haine contre les Français " comme le rapporte le général
Dufresse, commandant à Stettin [AF IV 1651/B, plaq. 2, p. 59]. À Koenigsberg déjà, au début
de janvier 1813, l'exaspération des habitants faillit dégénérer et l'on vit de nouveau de
malheureux blessés malmenés [AF IV 1652, plaq. 2, p. 416 et 423]. Mais l'effervescence
prussienne, dont l'auditeur Le Lorgne d'Ideville rend compte à l'Empereur dans ses notes
accompagnées d'extraits traduits de gazettes et de rapports d'agents auxquels est jointe une
importance correspondance saisie [AF IV 1652, plaq. 5/II et 5/III. Parmi les extraits " du
contenu de quelques gazettes de Berlin " Le Lorgne signale la " création d'un nouvel ordre de
la Croix de fer institué pour cette guerre " (AF IV 1652, plaq. 5/II, p. 108)], gagna toute
l'Allemagne. Signalons les mouvements insurrectionnels des départements hanséatiques,
notamment à Brême et à Hambourg où s'activaient des agents de Tettenborn [AF IV 1651/B, plaq.
4, 5, 7, 8 ; 1652, plaq. 4/II, p. 87] et la sévère répression conduite par les généraux
Carra-Saint-Cyr et Vandamme [" J'espère par la terreur et par des exemples sévères faire
dresser l'insurrection et rétablir l'ordre (lettre de Carra-Saint-Cyr, AF IV 1652, plaq. 4/I,
p. 18). Colonnes mobiles et commissions militaires s'activèrent en ce sens. Sur la révolte
des deux mille paysans de l'arrondissement de Brême et sa répression, voir AF IV 1651/B,
plaq. 5, p. 241 à 243]. L'agitation gagna même la Hollande où il y eut en particulier des
soulèvements contre la conscription, ainsi que le rapportait le directeur général de la
police au général Le Marois, alors à Wesel, ce dernier se vantant de calmer un peuple "
toujours prompt à remuer et qu'il serait peut-être bon de tenir sous la verge de fer ", en
répandant les nouvelles de la marche des armées impériales [AF IV 1652, plaq. 4/II, p. 88 et
89. AF IV 1651/B, plaq. 3, p. 118].
Les exigences de la guerre et du blocus avaient provoqué un épuisement général et suscité
un mécontentement qui faisait dire au roi de Westphalie, dans une lettre au prince Eugène
qu'il y avait des " bornes à l'obéissance des sujets " [AF IV 1651/B, plaq. 3, p. 118]. Dans
le royaume de Saxe, l'hostilité à l'encontre des Français ne cessait de se développer. Le roi
Frédéric-Auguste s'opposa personnellement à un certain nombre de mesures, en particulier à la
destruction du pont de Dresde par le maréchal Davout qui reconnaissait que cela " affecte
profondément le roi et les habitants " [AF IV 1651/B, plaq. 4, p. 156 (Davout au prince
Eugène, 18 mars 1813) et 1652, plaq. 1/II, p. 100 (le roi Frédéric-Auguste à Davout, 12 mars
1813)]. Des lettres saisies et des rapports d'agents font connaître qu'à Stettin, les
habitants manifestèrent leur désapprobation de voir un des faubourgs de leur ville rasé et
vécurent une " semaine de martyre " lorsque le Vendredi Saint les Français incendièrent
Unterwick [ancien nom d'un faubourg de Stettin].
Au moyen des exemples que nous avons choisis, la guerre d'Espagne, l'occupation du Nord de l'Allemagne et la campagne de Russie, nous avons essayé de montrer l'intérêt du fonds de la Secrétairerie d'État impériale formé des papiers de la Guerre. Nous aurions pu développer nos analyses à partir des documents concernant les affaires de l'Escaut, la campagne d'Allemagne et surtout la campagne de France. À cause de la nature même du fonds, le résultat eût été le même. Les affaires traitées dans les dossiers dépassent singulièrement le cadre des opérations militaires. Elles concernent des questions de police générale, de stratégie politique, de diplomatie, d'économie, notamment. Grâce aux correspondances saisies, qu'elles soient de caractère officiel ou privé, grâce aux gazettes européennes que l'on a soit en original, soit sous la forme d'extraits traduits, grâce aux mémoires d'observateurs, aux rapports d'agents connus ou secrets, aux notes de chargés de mission, et de façon plus générale à toutes les pièces qui se trouvent jointes aux rapports officiels du major général, des ministres et des chefs de corps, nous disposons d'un fonds dont le contenu, destiné essentiellement à l'information de l'Empereur, rassemble par là même tous les éléments susceptibles d'entrer en ligne de compte pour l'élaboration et l'adoption des grandes décisions.
La guerre a été, avec la diplomatie, la grande affaire du règne. On ne saurait en retracer
les épisodes d'une manière approfondie, on ne pourrait éclairer l'action des personnages qui
jouèrent un rôle dans cet incessant conflit, sans ouvrir les dossiers de ce qui constitue
pour l'Empire une sorte d' et sans recourir à
un fonds qui, malgré de regrettables démembrements, constitue une source essentielle pour
l'étude de l'histoire européenne du début du XIXe siècle. Archivio segreto
La mise au point de cet inventaire a exigé de nombreuses identifications, vérifications et
recherches complémentaires. Ce travail délicat et parfois ingrat a pu être réalisé, en
partie, grâce à l'aimable concours de Mlle Sabine Graumann, attachée à l'université de
Düsseldorf, Mlle Kristen Nielsen de l'ambassade royale de Danemark à Paris (Service Presse
et Culture), M. André Kourovsky, consultant de la société Thomson pour les relations avec
les pays de l'Est ; de nos confrères : Mme Charon-Bordas, Mme Felkay, M. Henrat, Mlle
Hildesheimer, M. Labat des Archives nationales ; de Mme Morin, documentaliste, Mme Mayeur,
commis et M. Coindeau, magasinier spécialisé. Que toutes ces personnes soient vivement
remerciées d'une aide qu'elles nous ont toujours très libéralement accordée.
Cote :
AF/IV/1590-AF/IV/1670
Publication :
Archives nationales
1988
Informations sur le producteur :
Duroc, Géraud Christophe Michel (1772-1813)
France. Secrétairerie d'État consulaire et impériale (1799-1815)
Informations sur l'acquisition :
Historique de conservation :
Les documents figurés (dessins, cartes et plans) d'un format supérieur à celui de leur boîte
d'origine en ont été extraits pour être reconditionnés et conservés à plat. Tous ont été
numérisés.
Ressources complémentaires :
Documents figurés de la Secrétairerie d'État (1799-1815) :
inventaire détaillé des cartes, plans et dessins de la sous-série AF/IV.
Références bibliographiques :
ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
Il ne saurait être question de dresser une bibliographie même sommaire concernant les
campagnes militaires dont le fonds de l'administration de la Guerre possède les dossiers.
Pour les sources imprimées et la bibliographie proprement dite, nous renvoyons aux ouvrages suivants :
GODECHOT (Jacques), , Paris, 1967, in-8°, 367 p. (coll. , n° 37). L'Europe et l'Amérique à l'époque napoléonienne
(1800-1815)...Nouvelle
Clio
TULARD (Jean),
, Genève, Paris, 1971, in-8°, XIV-183 p.
).
Bibliographie critique des mémoires sur le Consulat et l'Empire écrits ou traduits en français(Hautes études médiévales et modernes
TULARD (Jean),
, Paris, 1977, in-8°, 496 p.
Napoléon ou le mythe du sauveur
VILLAT (Louis), , Paris, 1947, in-8°, CVIII-358 p. (coll. , n° 8). La Révolution et l'Empire (1789-1815), II, Napoléon
(1799-1815)...Clio
En outre, la
publie régulièrement une bibliographie napoléonienne.
Revue de l'Institut Napoléon
Seuls ont été mentionnés, dans la liste qui suit, les ouvrages ou publications de textes que nous avons utilisés pour avoir des précisions sur des questions déterminées. Les ouvrages fondamentaux comme le
ou
d'E. d'Hauterive n'ont pas été cités.
Dictionnaire biographique de SixLa Police secrète du Premier Empire
AYMES (Jean-René),
, Paris, 1973, in-8°, 159 p.
La guerre d'indépendance espagnole (1808-1814)
BALAGNY (Dominique-Eugène),
, Paris, Nancy, 1902-1907, 5 vol. in-8°, cartes h.-t.
Campagne de l'empereur Napoléon en Espagne (1808-1809)...
BEAUHARNAIS (Eugène-Rose de),
publiés par Albert Du Casse..., Paris, 1858-1860, 10 vol. in-8°.
Mémoires et correspondance politique et militaire...
BERGEROT (Bernard),
, Lille, s. d., in-8°, 738 p.
Daru en son temps (1767-1829)
BONAPARTE (Joseph),
par Albert Du Casse..., Paris, 1853-1854, 10 vol. in-8°.
Mémoires et correspondance politique et militaire du roi Joseph publiés...
CHARRAS (J.B.A.),
, Leipzig, 1866, in-8°, IV-528 p., cartes h.-t.
Histoire de la guerre de 1813 en Allemagne... avec cartes spéciales
DAVOUT (Louis-Nicolas),
, éd. Charles de Mazade, Paris, 1885, 4 vol. in-8°.
Correspondance...
DURAND (Charles),
, Aix-en-Provence, 1937, in-8°, 208 p.
Les auditeurs au Conseil d'État sous le Consulat et le Premier Empire
ERLANNING (Even),
, Paris, 1986, in-8°, 315 p.
La résistance bretonne à Napoléon Bonaparte, 1799-1815
ERNOUF (Alfred-Auguste),
, Paris, 1878, in-8°, III-691 p.
Maret, duc de Bassano
FABRY (Gabriel),
, Paris, 1900-1903, 5 vol. et suppl. in-8°.
Campagne de Russie (1812)...
FAIN (Agathon-Jean-François),
, Paris, 1908, in-8°, XVI-372 p.
Mémoires du baron Fain, premier secrétaire du Cabinet de l'Empereur...
FERRÃO (Antonio), A Ia , Coimbra, 1923,
in-8°, CCXVII-478 p. invasão francesa (a invasão de Junot vista
através dos documentos da intendencia geral da policia, 1807-1808)...
FUGIER (André),
, Paris, 1930, 2 vol. in-8°.
Napoléon et l'Espagne, 1799-1808
, La Sabretache, 1913, in-8°, XVI-440 p.
Lettres interceptées par les Russes durant la campagne de 1812 publiées d'après les pièces communiquées par S.E.M. Goriaïnow...
MERCADER RIBA (Juan),
, Madrid, 1971, in-8°, XI-376 p.
.
José Bonaparte, rey de España, 1808-1813, historia externa del reinado...(Consejo superior de investigaciones cientificas, Instituto Jeronimo Zurita, Escuela de Historia moderna)
Ouvrage important, malheureusement dépourvu d'index.
SOULT (Jean de Dieu),
, éd. Louis et Antoinette de Saint-Pierre, Paris, 1955, in-8°, 368 p.
Mémoires du maréchal Soult, Espagne et Portugal...
TULARD (Jean),
, Paris, 1983, in-8°, 255 p.
Murat ou l'éveil des nations
Localisation physique :
Pierrefitte-sur-Seine
Identifiant de l'inventaire d'archives :
FRAN_IR_003827