Article : La communicabilité des archives privées

Les articles L. 213-1 à L. 213-5 du code du patrimoine définissent les règles de communicabilité des archives publiques et ne peuvent donc s’appliquer aux archives privées conservées par les services publics d'archives. La recommandation n° R (2000) 13 du Comité des Ministres aux États membres sur une politique européenne en matière de communication des archives, adoptée le 13 juillet 2000, aborde, quant à elle, entre autres, la question de la communication des archives privées et préconise d’aligner autant que possible les critères qui encadrent leur accès sur ceux qui valent pour les archives publiques. Cette solution n’est pas cependant toujours possible et nécessite des ajustements. 

La communicabilité des archives privées est déterminée différemment selon leur mode d’entrée

Le don manuel, la donation, la cession à titre onéreux ou le legs

Le point commun entre le don manuel, la donation, la cession à titre onéreux et le legs est le transfert de la propriété des archives concernées au service bénéficiaire. Il peut s’accompagner d’un certain nombre de conditions fixées par le donateur ou vendeur, notamment en matière de consultation des documents, et que le service d’archives est tenu de respecter (art. L. 213-6 du code du patrimoine). Ces conditions relèvent de dispositions contractuelles et doivent être acceptées à la fois par le donateur et par le service d’archives bénéficiaire. Elles peuvent donc faire l’objet d’une négociation.

La dation

Après une procédure de dation, c’est au service d’archives de définir les règles encadrant l’accès aux archives privées. Il est alors libre d’aligner les délais de communicabilité sur ceux qui sont prévus pour les archives publiques. En cas de demandes d’accès anticipé, c’est au service d’archives qui les détient de se prononcer, la procédure d’accès anticipé définie par l’article L. 213-3 du code du patrimoine ne s’appliquant pas aux archives privées.

Du point de vue de la communication du fonds, les principaux points à déterminer dans le pacte adjoint au don manuel, l’acte notarié de donation, l’acte de vente ou le testament sont les suivants : 
-    La consultation est-elle libre ou soumise à autorisation ? 
-    En cas d’autorisation préalable, cette procédure est-elle limitée à une certaine durée (durée de vie du précédent propriétaire, nombre d’années préétabli, etc.) ? Quand cela est possible, il est recommandé d’adosser les délais de communicabilité à ceux qui encadrent l’accès aux archives publiques.    
-    Qui se prononce : le précédent propriétaire, ses ayants droit ou le service d’archives ? 
-    La reproduction est-elle autorisée ? 

Les mêmes questions doivent être posées pour l’exploitation des documents par le service d’archives (au travers d’expositions, de publications ou encore de mise en ligne sur son site internet par exemple) et pour leur réutilisation par des tiers.

Le dépôt

Le dépôt n’entraîne pas de transfert de propriété au service d’archives. Il est révocable et limité dans le temps, contrairement aux dispositifs précédents. Comme pour les dons, donations et legs, le contrat de dépôt peut intégrer des restrictions en matière de consultation. Les mêmes recommandations que celles qui ont été présentées ci-dessus pour les dons manuels, les donations ou les legs peuvent donc s’appliquer lors de sa passation. Il est néanmoins possible, par un avenant au contrat, de modifier les règles fixées lors de l’entrée du fonds dans le service d’archives. 

Qu’il s’agisse de don, de donation, de legs ou de dépôt, il est important de déterminer les règles de communicabilité au moment de l’entrée du fonds. En l’absence de document écrit encadrant l’accès au fonds, l’archiviste est contraint de procéder à une analyse du risque encouru, en tenant compte de différents critères tels que la date du document, la présence de secrets protégés par la loi, la mention de tiers susceptibles d’être en vie, le contexte de création des documents, etc. 

Enfin, dans le cas où le fonds aurait un statut juridique mixte, c’est-à-dire composé à la fois d’archives privées et d’archives publiques, la meilleure solution est d’identifier les documents relevant de l’un ou l’autre statut juridique, dans le principe du respect du fonds, puis d’attribuer à chacun de ces documents identifiés les règles de communicabilité qui s’imposent à eux.

La question des droits d’auteur

Le transfert de la propriété matérielle des archives privées n’implique pas nécessairement le transfert des droits de propriété intellectuelle lorsque le fonds en question contient des œuvres de l’esprit. Les droits d’auteurs sont répartis entre droits moraux (qui sont inaliénables et perpétuels) et droits patrimoniaux (qui sont cessibles et limités, sauf exception, à 70 ans après le décès de l’auteur). Lors de l’entrée d’archives privées, il est important d’encadrer la gestion des droits de propriété intellectuelle lorsque le propriétaire en est lui-même le détenteur. Une cession des droits patrimoniaux partielle ou totale peut alors être envisagée, pour les différents usages qui peuvent être faits des documents (reproduction, exposition, publication, mise en ligne, etc.). Lorsque ce n’est pas le cas, il convient, dans la mesure du possible, d’identifier les ayants droit. 

La mise en ligne des archives privées

Lorsqu’il s’agit d’archives privées entrées par don, donation, legs ou dépôt, la mise en ligne des documents est encadrée par voie contractuelle ou, à défaut, requiert l’accord du donateur ou du déposant ou de leurs ayants droit. 
                                                                                                                                                    
La mise en ligne d’archives privées mentionnant des personnes susceptibles d’être encore en vie doit également prendre en compte le droit en matière de protection des données à caractère personnel. Elle peut s’envisager, dans la mesure où elle fait partie des traitements à des fins archivistiques dans l’intérêt public mis en œuvre par les services publics d’archives Elle doit néanmoins s’accompagner de « conditions et garanties appropriées » (article 78 de la loi Informatique et libertés), qui ne sont pas, pour ce qui concernent les archives privées, prévues par le corpus juridique applicable aux archives publiques. Ces « conditions et garanties appropriées » sont ainsi à définir au cas par cas. A titre d’exemples, on peut citer le blocage de l’indexation par les moteurs de recherche, la possibilité pour les personnes concernées de demander le retrait des informations publiées, ou encore le respect de délais avant la mise en ligne.

Concernant ce dernier point, aucun délai de diffusion n’est prévu par le droit, à l’inverse de ce qui existe pour la mise en ligne des documents administratifs. Plusieurs critères peuvent néanmoins être mobilisés pour analyser le risque en matière diffusion de données à caractère personnel : date des documents, sensibilité des informations au regard des article 6 et 46 de la loi Informatique et libertés, etc. Comme pour les délais de communicabilité, il est possible de s’appuyer sur les délais de diffusion applicables aux archives publiques.

Le droit à l’image des personnes doit aussi être pris en compte lors de la mise en ligne d’un fonds iconographique. Droit jurisprudentiel, le droit à l’image découle du secret de la vie privée protégé à l’article 9 du code civil et s’éteint, sauf exception, au décès de la personne. Dans le cas où un document comporterait l’image de personnes susceptibles d’être encore en vie, il est nécessaire de mener au préalable une analyse attentive des risques encourus (pour plus d’informations, consulter le billet consacré à la mise en ligne des documents figurés sur le carnet de recherche « Droit(s) des archives »). 
                     

 

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