Article : Les sources relatives à la mer : les hommes

Un capitaine au long cours et son équipage, 1899 (123Z 411)

Cette page consacrée aux hommes constitue le deuxième volet du dossier thématique sur la mer, qui en comporte trois autres :

Marins et capitaines

Le monde des marins est constitué de plusieurs "métiers" : certains font du cabotage, pratiquent la pêche côtière, hauturière, à la morue ou à la baleine, tandis que d'autres se spécialisent dans la marine marchande ou dans la marine de guerre. En effet, la distinction entre la marine marchande et la Royale s'applique également aux hommes, mais des passerelles existent entre les corps. Par le système des classes à l'origine de l'Inscription maritime, les gens de mer servent sur les navires de guerre et des officiers de la marine marchande ont parfois reçu des brevets temporaires de grades militaires pendant les conflits.

Photographie de l'équipage d'un cuirassier
Équipage d'un croiseur cuirassier pendant la visite officielle du président de la République Raymond Poincaré, juillet 1913 ©AM Le Havre (31Fi1482)

Les équipages de la Royale

L'équipage d'un navire est composé d'un état-major - commandant ou capitaine, lieutenant et enseigne, médecin, écrivain, aumônier -, d'officiers mariniers - maître, pilote, charpentier, calfat, bosseman et autres marins spécialisés - et de matelots et mousses polyvalents. Jusqu'à la Révolution, seuls les membres de la noblesse accèdent aux grades d'officiers majors après une formation chez les gardes de la Marine et par des embarquements dès l'adolescence comme volontaire sur des bâtiments commandés par l'un de leurs parents. Le recrutement s'ouvre socialement après 1789, mais les pratiques perdurent.

Avant 1789, le capitaine choisit son équipage. Sous l’Empire, les équipages de la marine militaire, constitués de conscrits, d’engagés volontaires et de marins astreints à l’Inscription maritime, deviennent permanents et s’organisent. Les rôles d'équipage des grands navires de commerce, en particuler ceux de la Compagnie des Indes, reflètent la même organisation.

Portrait d'un officier de marine
Portrait d'un officier de marine, 1850-1900 © AD Calvados (42FI/36/3)

Le Service historique de la Défense (SHD) conserve les archives relatives aux équipages de la flotte et aux carrières des marins, conscrits et engagés volontaires, et celles relatives aux officiers pour la période postérieure à la Révolution ainsi que celles des antennes portuaires de Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort et Toulon à partir des années 1860-1870.

Les Archives nationales (AN) conservent les dossiers individuels numérisés d'officiers ayant servi sous l'Ancien Régime ; on en trouve également aux Archives nationales d'outre-mer (ANOM) dans le personnel colonial ancien (numérisé), et le personnel colonial moderne.

Les Archives municipales et départementales conservent les archives de la conscription militaire pour la période moderne ; les registres matricules numérisés des marins ayant participé à la Première Guerre mondiale sont accessibles sur le Grand Mémorial, comme ceux des gens de mer.

Les papiers personnels d’officiers de marine sont conservés dans les fonds privés, comme ceux d'Armand Durand au SHD, d'Étienne Lamy aux Archives nationales, de Siméon Hémon aux Archives de la Charente-Maritime ou de l'amiral Decrès aux Archives de la Haute-Marne.

état de service numérisé
État de services du lieutenant de vaisseau Courson de La Villehélio de 1767 à 1787 © AN (MAR/C/7/76) 

Les gens de mer

Jusqu’au XVIIe siècle, les équipages de la Marine royale sont recrutés sur la base du volontariat et par la méthode dite de "la presse" : en cas de besoin, les ports sont fermés, l’appareillage des navires marchands interdit et les futurs matelots réquisitionnés de force. Colbert en réforme le recrutement : tous les hommes qui exercent une activité maritime civile sont recensés et divisés en classes appelées à servir alternativement sur les vaisseaux du roi. De ce "système des classes" est issue en 1795 l’Inscription maritime, qui repose sur la circonscription administrative de l’arrondissement maritime, lui-même divisé en quartiers constitués de syndicats regroupant des communes, et recense les "gens de mer" c’est-à-dire "les marins de tous grades et de toutes professions, ainsi que les mécaniciens et chauffeurs naviguant sur les bâtiments de l’État et sur les navires du commerce". Malgré des changements de nom et de rattachement administratif, cette administration perdure aujourd'hui ; en est issue la protection sociale des gens de mer assurée par l'Établissement national des Invalides (ENIM).

Registre numérisé
Inscription maritime : registres matricules des gens de mer du syndicat de Caen, s.d. © AD Calvados (7R/576) 

Parce que le "système des classes" et l’Inscription maritime ont longtemps relevé de la Marine nationale, leurs archives sont conservés par le SHD, qui consacre également une exposition virtuelle à la mobilisation des "gens de mer" : du système des classes à l'inscription maritime ; Mémoire des Hommes met en ligne les rôles des équipages de la Compagnie des Indes et les registres matriculaires des ouvriers de l'arsenal de Brest.

Les Archives nationales conservent les fonds de la Marine marchande. 

Les Archives de Loire-Atlantique ont numérisé des registres de matricules d’inscrits maritimes, comme les Archives du Calvados et celles de la Seine-Maritime ; celles du Finistère conservent des documents de l'ENIM relatifs à la santé des gens de mer ; celles des Pyrénées-Atlantiques mettent en ligne des témoignages audiovisuels de personnes liées à la mer, hommes et femmes (pêcheurs, charpentiers de marine, ouvrières en conserverie, etc.) qui retracent l'histoire et l'évolution de la pêche au XXe siècle ; les Archives de la Manche proposent des films familiaux et le témoignage d’un gardien de phare.

Les femmes sont peu représentées dans les sources d’archives sur la mer : la pension versée aux veuves de marins par l’administration de l’Inscription maritime permet d’en retrouver quelques traces dans les registres matricules.

Pêcheurs sur une plage
Groupe de pêcheurs préparant ses lignes sur la plage, 1900-1910 © AD Somme (14FI95/22)

Les corsaires

En temps de guerre, les gens de mer peuvent servir sur les navires corsaires, que la France emploie jusqu’en 1815, la guerre de course étant définitivement abolie en 1856. Contrairement à ceux des pirates, leurs navires sont armés, par exemple à Bayonne ou à Saint-Malo, par des capitaines ou des armateurs ayant obtenu une autorisation officielle, la lettre de marque, qui précise la nationalité des bateaux à attaquer, lesquels sont ramenés au port où les autorités compétentes jugent de la légitimité de la prise et en répartissent le produit de la vente entre le roi, l’armateur, l’équipage, les blessés et les veuves. La course, la "caprerie", dont Vauban fait l'éloge, permet ainsi à certains ports de survivre pendant les conflits, comme ceux de la Manche dont l'activité commerciale se réduit pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, mais elle pallie également la faiblesse de la marine de guerre : après la bataille de la Hougue en 1692 et la destruction de l’escadre de Louis XIV par les Anglais et les Hollandais, l'État encourage son intensification en louant ou en prêtant ses bâtiments militaires à des armateurs privés, comme Dugay-Trouin, qui intègre plus tard la Royale.

lettre de marque numérisée
Lettre de marque du corsaire Jacques Cassard accordée par Louis Alexandre de Bourbon, amiral de France, 4 mars 1707 ©Archives de Loire-Atlantique

En plus des archives de l’Inscription maritime citées plus haut, des documents relatifs aux corsaires sont conservés au SHD, dans les jugements de validité et de liquidation des prises, les revues et armements et la correspondance du secrétaire d'État de la Guerre. On en trouve également aux Archives nationales dans les fonds des Invalides et Prises et de l'Amirauté de France et conseil des prises ; des dossiers individuels numérisés de corsaires sont également disponibles. Les ANOM les conservent dans la correspondance au départ envoyée par l'administration centrale aux colonies et la correspondance à l’arrivée, reçue par les autorités locales ; des dossiers individuels numérisés de corsaires sont disponibles dans le personnel colonial ancien.

Les Archives municipales et départementales conservent des documents sur les corsaires, comme Saint-Brieuc et Dunkerque par exemple ; les Archives du Morbihan, de la Gironde ou de la Charente-Maritime les ont numérisés ; les Archives territoriales de Guyane en conservent pour la période révolutionnaire ; les Archives de Loire-Atlantique consacrent un dossier aux corsaires nantais et celles de Landerneau à Barthélémy Kerros, corsaire landernéen.

Des documents très intéressants peuvent être conservés dans les archives notariales : l’inventaire après décès dressé en 1784 du capitaine corsaire Antoine Jean Voizard indique que ses prises lui avaient rapporté une somme très importante et un négociant de La Rochelle proteste en 1762 à propos de son intéressement dans un navire corsaire.

On peut également en trouver dans les fonds privés, comme par exemple aux Archives nationales et aux Archives de la Gironde.

Carnet numérisé
Carnet du marin Jean Dumas embarqué sur le navire corsaire Le maréchal de Duras, 1781-84 © AD Gironde (1 J 7)

Les pirates et les flibustiers

La piraterie, qui existe depuis l'Antiquité, s’attaque sur toutes les mers du globe aux navires de commerce et de pêche, sans distinction de nationalité. En Méditerranée, sévissent les Barbaresques - contre lesquels on envoie des escadres - les Gênois, les Grecs ou un pirate sicilien ; en Mer de Chine, un capitaine anglais  et à Saint-Domingue le commandant du Comte de Toulouse. Le pirate, un forban, travaille pour son propre compte et monnaye le bateau pris, sa cargaison, les armes qu’il transporte, mais également l’équipage et les passagers ; arrêté, il est exécuté sans autre forme de procès, comme Olivier Levasseur, dit La Buse, pendu à La Réunion en 1730. Les flibustiers, souvent détenteurs d'une commission délivrée par les autorités locales qui récupèrent le dixième de leurs prises, se concentrent dans la mer des Antilles sur les galions espagnols revenant d’Amérique et s'établissent pour les attaquer plus commodément sur l’Île de la Tortue, au large de l’actuelle Haïti.

La piraterie est encore pratiquée de nos jours, notamment le long des côtes somaliennes où transitent les bateaux à la sortie du canal de Suez et sur la route du sud-est asiatique à la sortie du détroit de Malacca, malgré la mise en place d’une police de surveillance et d'accords internationaux. Elle se développe particulièrement dans le golfe de Guinée où sont visés les plates-formes pétrolières et les pétroliers.

Dossier de personnel d'un commandant de vaisseau arrêté pour piraterie, 1723 © ANOM (COL E 56)

Le SHD conserve des documents relatifs aux pirates, combattus pendant l'expédition de Chine en 1860, par exemple, et sur les mouvements des flibustiers. Les Archives diplomatiques en conservent également, notamment sur l'appui des forces françaises à la lutte contre la piraterie au large des côtes de la Somalie. Les Archives nationales les conservent par exemple dans le fonds du ministère de l'Intérieur ou dans celui du cabinet du garde des Sceaux Christine Taubira pour une période très récente. On trouve des documents relatifs aux pirates dans l'ancien empire colonial aux ANOM.

Les Archives de la Gironde conservent des documents sur les pirates à l'entrée de la Gironde ou sur les réticences des assureurs à assurer les navires qui partent vers les colonies ; celles de la Charente-Maritime, sur la plainte d'un capitaine de navire attaqué sur les côtes de l'Angola ; les Archives de l'Hérault, sur les précautions prises par une commune pour sa défense contre les attaques ou l'arrestation dans les ports des pirates et écumeurs des mers ; les Archives du Var sur la procédure judiciaire menée contre un capitaine de navire et son fils, accusés de vol et de piraterie ; celles de Nice, sur des affaires de piraterie entre Nice et Gênes ; les Archives de Guyane, sur la surveillance d'un navire allemand déclaré pirate par le gouvernement vénézuélien.

Signature du corsaire malouin Robert Surcouf, XVIIIe-XIXe siècle 

Les passagers

Pour peupler et déveloper les colonies, sont recrutés à partir du XVIIe siècle, après les mendiants et les repris de justice réquisitionnés de force, des ouvriers et des artisans liés par un contrat d'engagement passé devant notaire et des "filles du Roy", "filles à marier", des femmes seules, veuves ou orphelines. Les futurs colons voyagent sur les navires du roi ou sur ceux des compagnies de commerce et sont recensés sur les "rôles" de l'équipage, des listes nominatives qui en établissent la composition, à la fin desquelles il est mentionné s'ils mangent à la table du capitaine ou s'ils reçoivent la ration des matelots. Au XIXe siècle, les colons, les candidats à l’émigration et les voyageurs embarquent des ports de Marseille, Bordeaux, Cherbourg, Le Havre, Toulon ou Nantes sur des bateaux affrétés par des armateurs puis sur ceux des compagnies de transport maritime, comme les Messageries maritimes. Des naissances et des décès, comme celui d'Auguste Bulch-Oyé à bord de L'Antilope en 1847, peuvent avoir lieu en mer pendant que certains photographient leur périple, comme ce fonctionnaire anonyme allant prendre son poste vers 1900 à Madagascar. Ceux qui ne partent pas vers les territoires de l’Empire doivent auparavant obtenir un passeport, comme Marie Pailles, 18 ans, sans profession, qui embarque en 1852 vers San Francisco accompagnée de son jeune frère de 10 ans, peut-être pour rejoindre leur aîné Victor, parti pour le Chili quatre ans plus tôt.

Contrat d'engagement numérisé
Contrat d'engagement du maçon Guillaubon Bailly pour la Guadeloupe, 20 novembre 1666 © Archives de la Charente-Maritime (3E 1126)
Extrait d'un registre numérisé
Mémoire de Pierre Le Moyne d’Iberville "sur l’établissement de la Mobille et du Misisipy : Il y faudra […] 20 ou 30 filles pour les marier avec les Canadiens" [1701-1702]  © ANOM (C13 C2 fol.47) 

Des listes nominatives de passagers sont disponibles sur la page dédiée aux rôles des équipages de la Compagnie des Indes de Mémoire des Hommes. Les Archives nationales conservent des contrats d'engagement, comme celui d'Augustin Panon en 1689 au sein de la Compagnie des Indes orientales ou celui de Daniel Dorhman en 1731 par le propriétaire d'une habitation à Saint-Domingue. Les ANOM conservent des listes de passagers dans la correspondance à l’arrivée en provenance des colonies, reçue par le ministre de la Marine, en partie numérisée, dans F5B Passagers et dans les Naissances et Décès en mer, les deux étant numérisés ; des listes sont également disponibles les Recensements, rôles et états de réfugiés, fois et hommages, titres de concessions, comme par exemple les passagers partis en Louisiane entre 1720 et 1721.

Les Archives de la Charente-Maritime mettent en ligne des contrats d'engagement pour les Amériques et l’Afrique sur une base de données dédiée ; les Archives de la Gironde ont numérisé les "passe-port à l’étranger" des émigrés partis de Bordeaux.

L’établissement public de coopération culturelle French Lines & Compagnies conserve les archives des compagnies de transport maritime.

Embarquement des passagers à la Martinique, 1730-1830 © ANOM (COL F5 B 36)
Registre numérisé
Acte de naissance de Félicité Marie Virginie Compienne, 
née à bord de la corvette La Nièvre, 21 mai 1832 © ANOM (3 DPPC 1)
Photographie d'un groupe d'Européens sur le pont d'un bateau
Traversée entre la France et Djibouti : à bord de l'Oxus, [vers 1900] © Archives de La Réunion (20Fi1)
 Je pars de Marseille et vous envoie le bonjour, XXe siècle © AD Bouches-du-Rhône (6 Fi 4367) 

Liens