Page d'histoire : Jacques Audiberti Antibes, 25 mars 1899 - Paris, 10 juillet 1965

Jacques Audiberti, qui laissait volontiers, tomber son prénom, revendiquait hautement la qualité d'écrivain français méditerranéen. Fils d'un maître maçon, c'est un autodidacte, qui ne doit qu'à lui sa vaste culture. Mais, plus que les livres dévorés à la Nationale, c'est le spectacle de son port natal, Antibes, rigoureusement et géométriquement défendu par Vauban contre les assauts parfois furieux de la mer, qui fut son véritable maître. En outre, la rubrique des faits divers, qu'il assura au Petit Parisien, lui enseigna très tôt la férocité de la nature humaine.

Doué d'une prodigieuse richesse verbale et d'une rare fécondité, il écrivit sept recueils poétiques, plus de vingt-trois pièces, quatorze romans, des essais, des mémoires, des articles innombrables sur les sujets les plus variés. Cette oeuvre considérable part d'une expérience existentielle fondamentale : celle de la coexistence dans le monde et chez l'homme de deux grands principes antagonistes : le Bien et le Mal. De là découlent les guerres, les crimes, les haines ; mais aussi la beauté, l'amour, l'héroïsme. Ce qu'il y a de meilleur chez l'homme, et de pire, est la matière de ses livres. Le paradoxe est que, sur cet arrière-fond tragique, l'oeuvre d'Audiberti est commandée par un élément comique foisonnant, comme si la meileure façon d'exorciser le Mal était le cocasse et le rire. Il se rattache à la précieuse famille littéraire française baroque.

Citons parmi ses recueils poétiques : L'Empire et la Trappe, Race des Hommes, des Tonnes de Semences, Toujours. Parmi ses romans : Abraxas, le pathétique Marie Dubois, le brûlant Le Maître de Milan, le fourmillant Les Jardins et les Fleuves. Quant au théâtre, si bien servi par Georges Vitaly, Le Mal court avait fait brusquement sa célébrité, mais il y a aussi Quoat-Quoat, Les Naturels du Bordelais, L'Ampélour, La Fourmi dans le corps, etc.

Le livre testamentaire, Dimanche m'attend, met un point final à une oeuvre qui ne cessera pas de grandir. Son auteur n'a pas encore la gloire qu'il mérite parce qu'il faut du temps pour que l'originalité et le génie du style s'imposent.

Henry Bouillier
professeur émérite à l'université de Paris IV

Source: Commemorations Collection 1999

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