Page d'histoire : Entrée en vigueur du timbre-poste 1er janvier 1849

Timbre-poste type Cérès, 20 centimes noir
© Musée de la Poste, Paris

Le 1er janvier 1849, le premier timbre-poste français, le 20 centimes noir, se trouve dans tous les bureaux, prêt à affranchir la lettre simple dont le poids ne dépasse pas 7,5 grammes. Il fait partie de la grande réforme de la poste dont l’Assemblée Nationale a voté le décret le 24 août 1848. Il s’agit d’un tarif postal territorial simplifié et bon marché, proportionnel au poids de l’envoi, sans souci de la distance pour la France, la Corse et l’Algérie. Auparavant, une journée de travail ne suffisait pas à un cultivateur ou à un ouvrier pour payer l’envoi d’une lettre. Et ne parlons pas de la complication des calculs et de la quantité des récriminations ! Il s’agit aussi, et c’est là une révolution dans les habitudes, d’une incitation au paiement de l’envoi par l’expéditeur.

Ce système est pratiqué en Angleterre depuis 1840, grâce à l’invention du timbre-poste, petit morceau de papier gommé, à l’effigie de la reine Victoria, le "One Penny Black", collé en haut et à droite sur l’enveloppe, qui affranchit la lettre de moins de 15 grammes, d’une façon suffisamment apparente pour que, de son dépôt jusqu’à sa distribution, les postiers puissent constater, d’un seul coup d’œil, la preuve du paiement.

L’article 5 de la loi crée les trois premiers timbres-poste français : le 20 centimes, le 40 centimes pour un envoi de plus de 7,5 grammes jusqu’à 15 grammes, et le 1 franc pour un envoi de plus de 15 grammes et jusqu’à 100 grammes. Immédiatement une affiche informe le public que le 1er janvier 1849 ces timbres seront disponibles dans tous les bureaux de Poste de France, d’Algérie et de Corse. Étienne Arago, directeur général des Postes de la République, précise que les timbres des différents prix ne se distingueront que par la couleur. Il reste à peine quatre mois, alors que rien n’a été prévu, pour créer un "figure de la République" et pour fabriquer et distribuer une première livraison de quelque 15 millions de timbres-poste. L’image de l’État vient, en effet, avec le timbre, de trouver un nouveau support. C’est une véritable course contre la montre qui s’engage. Le timbre est considéré comme une sorte de monnaie, sa réalisation incombe au ministère des Finances qui a la tutelle des Postes et règle les détails de son exécution : il doit être rectangulaire, imprimé en couleur, représenter la République, porter le chiffre de sa valeur, l’indication "Postes" et les mots "République française". Le ministère en confie l’exécution à la Monnaie de Paris. La Commission des Monnaies et des Médailles en a la charge, ainsi que son graveur général, Jacques-Jean Barre et son fils Albert.

On avait évoqué une tête de Liberté ou une effigie de la toute nouvelle Deuxième République qui venait de succéder au roi des Français, Louis-Philippe, parti s’exiler en Angleterre, mais le profil autoritaire de la femme ardente au bonnet phrygien qui circulait alors sur les gros sous rappelait de trop sanglants souvenirs.

L’affaire, on le voit, était très délicate, et surtout si urgente qu’il fallut renoncer à mettre le projet au concours. Jacques-Jean Barre, graveur général de la Monnaie de Paris, va donc devoir imaginer la République ou la Liberté, en évitant de "coller" à une trop brûlante actualité.

Admirateur de la statuaire grecque et des dessins que son fils rapporta des îles de la mer Egée, Barre avait à l’esprit une "Tête de Liberté" en profil, couronné de feuilles de chêne. Pourtant il va tresser avec harmonie épis de blé, pampre et branche d’olivier, emblèmes de l’abondance et de la paix, en une couronne romantique, pour la poser sur la chevelure tombante et ondulante d’un profil inspiré de la nymphe Aréthuse qui orne les monnaies grecques de Syracuse. Un profil qui sera l’image à la fois de la Liberté et de la République française, d’une France forte, paysanne, tranquille, entourée du cercle de perles symbolique de la Monnaie. Le profil de celle que les philatélistes vont rapidement appeler Cérès. Le retour à l’Antiquité ne reste-t-il pas une démarche bien républicaine ? Ce profil plaira à tous, et, en tout cas, ne choquera personne.

Le timbre fut présenté à la Commission des Monnaies. Pour diverses raisons, dont l’impérative rapidité du tirage, il fut imprimé en noir, comme de nombreux timbres-poste de cette "période héroïque de la philatélie". Une chance pour Cérès : le noir lui va si bien !

En cette année 1999, notre Cérès a 150 ans. Elle est superbe comme au premier jour. Elle n’a pas pris une ride, de ces rides qui viennent aux œuvres qui ont trop souri à la modernité d’un moment. Par sa beauté et son originalité, elle tient encore aujourd’hui une place d’honneur dans la philatélie mondiale, et sa version vermillon est devenue une star. Qui pourrait d’ailleurs prétendre être lassé de ce profil ? Qui pourrait prétendre que la réforme qui l’a fait naître est dépassée ?

A la veille de l’an 2000, à l’heure de la télécopie et de l’e-mail, le courrier continue à se développer et s’impose comme un média incontournable et efficace. Le timbre-poste, varié, coloré et superbe, exerce toujours la fonction que lui a offerte le décret du 24 août 1848 : affranchir le courrier en se montrant sur l’enveloppe. Il se porte même le mieux du monde, comme en témoigne le fameux timbre rond du Mondial de football, tiré à quelque cent trente millions d’exemplaires. Porté par notre courrier tout en le portant, le timbre vit son temps, célèbre les anniversaires, les centenaires, les bicentenaires...

Il marche sous la bannière des grandes causes. Il fait rêver. Il ouvre grand sur le monde. Remarquable instrument pour la diffusion de la connaissance, tout naturellement objet à collectionner privilégié, libéré de sa mission d’affranchissement, le timbre peut commencer une seconde vie. Le philatéliste lui ouvre les pages de ses albums, l’historien le soumet à la question...

Chef-d’œuvre en miniature, il fait l’objet du plus grand soin dans la qualité de son graphisme et de son esthétique. Il épouse les perfectionnements des techniques d’impression. Techniques qui, comme les graphistes et les graveurs, sont sélectionnées selon le sujet du timbre : la taille-douce, héritée des orfèvres florentins du XVe siècle, l’offset, l’héliogravure, qui apporte aux couleurs une intensité et une brillance exceptionnelles et l’impression mixte, qui permet aujourd’hui d’associer la finesse du dessin de la taille-douce aux couleurs éclatantes de l’héliogravure ou à celles plus délicates de l’offset.

Dans ce contexte dynamique de son département « courrier», La Poste prépare l’avènement du troisième millénaire en organisant un événement exceptionnel, d’importance internationale, Philexfrance 99, Mondial du Timbre, placé sous le haut patronage du président de la République.

Annette Apaire
journaliste

Source: Commemorations Collection 1999

Personnes :

Apaire, Annette

Thèmes :

POSTE

Liens