Page d'histoire : Gutenberg installe un atelier d'imprimerie à Mayence 1450

Portrait présumé de Gutenberg,
d'après Albrecht Mentz (XVe s.).

Gravure Paris, Bibliothèque nationale de France
© Giraudon

On tient à juste titre Gutenberg comme l'inventeur de l'imprimerie en Occident. Si d'autres techniques d'impression des textes au moyen de caractères mobiles étaient apparues, avant même sa naissance, en Chine et en Corée, celle qu'il imagina provoqua en Occident une "révolution culturelle" sans précédent et conquit le monde.

Johann Gensfleich, dit Gutenberg - du nom d'une maison à l'enseigne de la Bonne Montagne, Zu Guten Bergen - était né à Mayence, entre 1394 et 1400, sans doute en cette dernière année. On a pensé qu'il put suivre les cours de l'université d'Erfurt en 1418. Son père, un patricien probablement négociant en draps, fut cependant obligé de quitter sa ville vers 1428 à la suite d'une révolte des corporations et Johann s'établit à Strasbourg où on le retrouve vers 1434, membre de la guilde des orfèvres et jouissant d'une honnête aisance. Dès 1436, il travaille à un procédé de polissage des pierres précieuses et à un autre permettant de fabriquer des miroirs. Il apparaît ainsi comme un ingénieur de haute volée, lié aux milieux industriels et marchands qui développaient alors à travers les pays germaniques des réseaux d'affaires exploitant les dernières découvertes concernant les arts du métal. Parallèlement, on le trouve travaillant d'abord seul, puis avec des associés, à la réalisation d'un procédé d'impression. Malheureusement, l'affaire tourne court à la suite de la mésentente de notre inventeur avec les héritiers et successeurs d'un de ceux-ci.

On ne sait pas ce qu'il devient alors, mais il réapparaît quelques années plus tard, de retour dans sa ville natale. Là, afin de mettre au point un procédé d'imprimerie, il contracte, en 1448, des emprunts considérables, notamment auprès d'un banquier nommé Johann Fust. En 1455, cependant, celui-ci accuse notre inventeur de ne point lui avoir remboursé les sommes prêtées et le fait condamner.

Le grand problème est dès lors de savoir quels furent, parmi les documents typographiques primitifs qu'on a pu retrouver, ceux de Gutenberg et ceux d'éventuels concurrents. Une chose est en tout cas sûre, le premier grand livre imprimé, la fameuse Bible à quarante-deux Lignes, commencée en 1450 ou en une année très voisine et achevée en 1453 ou 1454, fut le résultat de l'association Fust-Gutenberg... Par la suite, Fust, après avoir évincé Gutenberg, devait se lancer à la conquête du marché européen du livre en association avec Peter Schoeffer, un clerc qui allait devenir son gendre.

Comme tant d'inventeurs, Gutenberg semble avoir par la suite plus ou moins végété. Il mit probablement au jour quelques ouvrages et bénéficia à la fin de sa vie d'une pension de l'archevêque de Mayence. Il mourut sans doute en 1468.

Au total, le souvenir de ce grand inventeur mérite d'être célébré en l'année 2000 à un double titre : parce que celle-ci correspond probablement au sixième centenaire de sa naissance, comme le pensent les Allemands, et surtout parce que l'année 1450 marque assurément le moment où sa découverte devint opérationnelle - il y a très précisément 550 ans.

Henri-Jean Martin
professeur émérite à l'École nationale des chartes

Source: Commemorations Collection 2000

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