Page d'histoire : Voltaire, Le Siècle de Louis XIV 1751

Voltaire par Jacques-Augustin-Catherine Pajou, 1811

"Un historiographe de France ne vaudra jamais rien en France ", plaide Voltaire, qui fit paraître la première édition du Siècle de Louis XIV en 1751 pendant son séjour à la cour de Frédéric II, faute d'obtenir la permission de l'imprimer à Paris. Il y travaillait depuis 1735, avait rendu public en 1739 un Plan raisonné de son projet et deux chapitres. Cet Essai sur l'histoire de Louis XIV reparut en 1740 sans privilège ni nom d'auteur dans un Recueil de pièces fugitives. Voltaire inséra une version plus ample dans une édition de ses Œuvres (Dresde, 1748). Le texte parut chez le libraire du roi sous le nom d'un Français établi en Prusse : Le Siècle de Louis XIV. Publié par M. de Francheville, conseiller aulique de Sa Majesté, Berlin, C. F. Henning, 1751

" Ce n'est point simplement la vie de ce prince que j'écris, ce ne sont point les annales de son règne ; c'est plutôt l'histoire de l'esprit humain, puisée dans le siècle le plus glorieux à l'esprit humain " : ce programme novateur permit à Voltaire de peindre un vaste tableau où prennent place la diplomatie et la guerre, la vie de cour, l'administration du royaume, mais aussi les affaires religieuses, les sciences, les beaux-arts. Les catalogues des auteurs et des artistes, les chapitres consacrés aux arts, illustrent le degré de civilisation de ce " beau siècle " où la raison humaine s'est " perfectionnée ", où il s'est fait une révolution générale " dans nos arts, dans nos esprits, dans nos mœurs, comme dans notre gouvernement ". Tout en mettant en œuvre une méthode fondée sur la critique raisonnée des documents, Voltaire compose suivant une esthétique de dramaturge, car, pour lui, seuls ceux qui " ont fait des tragédies " peuvent " jeter quelque intérêt dans notre histoire ".

Voltaire ne cessa de réviser et d'augmenter son ouvrage, mais l'édition de 1751, où il expérimentait une réforme de l'orthographe, éliminant des majuscules, substituant le a au o traditionnel dans les imparfaits, et qui reste une curiosité bibliographique, a d'abord marqué une date dans l'historiographie française. Voltaire se vantait à juste titre d'avoir " élevé à la gloire de Louis XIV un monument plus durable que toutes les flatteries dont il a été accablé pendant sa vie ".

Christiane Mervaud
professeur émérite à l'université de Rouen

Source: Commemorations Collection 2001

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