Page d'histoire : Foucault fait la démonstration de la rotation de la Terre au Panthéon 31 mars 1851

L'expérience du pendule de Léon Foucault au Panthéon de Paris,
en 1851 " La Nature ", 1887, 2e semestre. Paris, Conservatoire
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Par son pendule, c'est à Léon Foucault que l'on doit l'invention de l'une des plus célèbres démonstrations scientifiques d'un phénomène qui nous conduit à tout instant. Celui de la rotation de la Terre sur elle-même. Foucault est, dans le même mouvement, l'auteur de l'expérience de muséographie scientifique, de science populaire, la plus universellement connue. Son pendule, exhibant la giration de notre planète a trouvé, l'année même de sa première réalisation, des installations à Reims, New York, Rome, Bristol, Dublin, Londres, Ceylan et Rio de Janeiro.

C'est en janvier 1851, que ce physicien français né en 1819, monte dans la cave voûtée de son domicile rue d'Assas son expérience princeps. Elle va montrer qu'un simple pendule, en oscillant, révèle des effets très ténus de la rotation de la Terre. Pour cela, Léon Foucault installe un fil métallique de deux mètres de long supportant un lourd poids de fonte. Le 8 du mois, il découvre, vers deux heures du matin, la réalité d'un mouvement minuscule, mais qui est l'indice pour qui sait l'interpréter, d'un mouvement grandiose. " Le phénomène se développe avec calme, il est fatal, irrésistible (...) On sent, en le voyant naître et grandir, qu'il n'est pas au pouvoir de l'expérimentateur d'en hâter ni d'en retarder la manifestation. Tout homme mis en présence du fait demeure quelques instants pensifs et silencieux, et généralement il se retire, emportant par-devers lui un sentiment plus pressant et plus vif de notre incessante mobilité dans l'espace ", écrit-il. Mille six cent soixante km/h, exactement pour cette giration que notre globe fait sur lui-même et qui se boucle chaque vingt-quatre heures. Jusqu'ici, personne parmi les scientifiques et ceux qui les avaient compris, ne doutait que nous vivions une situation de double mouvement. Le premier, immense, nous emporte chaque année pour un tour complet autour de l'étoile Soleil. Le second est ce mouvement qui rythme la suite de nos jours et de nos nuits. Mais jusqu'ici, les preuves de ce mouvement ne pouvaient être construites que par l'observation des étoiles. Elles étaient donc " externes ". Foucault, d'un seul coup, par son intelligence observatrice, grâce à la chance de ce talent si rare, celui de vrai découvreur, produit une preuve " interne " de ce mouvement de la Terre sur elle-même.

Le principe de l'expérience de Foucault, dans ses grandes lignes est le suivant. Un pendule qu'on lâche, sans lui impulser aucune vitesse initiale, oscille alors dans un plan fixe, en d'autres termes, un pendule en mouvement conserve la même direction dans ses balancements. Celle-ci restant fixe par rapport aux étoiles. Il faut donc, pour saisir la démonstration de Foucault lorsqu'on l'observe, inverser la rotation apparente du plan d'oscillation du pendule et retenir que c'est nous, observateurs, qui nous sommes déplacés avec la Terre. Cette dernière tournant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, sa rotation se traduit par un décalage en sens inverse du plan d'oscillation du pendule. Pour être complet, il faut préciser que ce plan d'oscillation tourne en vingt-quatre heures aux pôles, mais qu'il met trente-deux heures à Paris. La position en latitude étant, ici, déterminante. Il est extrêmement rare qu'une découverte scientifique connaisse un succès public analogue à ce qui s'est produit dans le premier trimestre de cette année 1851. Grâce à l'appui de François Arago, moins d'un mois plus tard, Foucault peut installer aux yeux de tous son expérience. Le 3 février 1851, certains reçoivent une invitation ainsi libellée : " Vous êtes invités à venir voir tourner la Terre dans la salle méridienne de l'Observatoire de Paris. "

Le pendule mesure cette fois onze mètres de haut. Ses oscillations sont plus longues et sa déviation est, bien sûr, plus sensible, plus manifeste aux yeux du public. Un peu plus tard, grâce, cette fois, à l'autorité de Louis Bonaparte, et à son goût pour les sciences, une nouvelle mouture du pendule va être offerte aux yeux des Parisiens. " Sous les voûtes élevées de certains édifices le phénomène devait prendre une ampleur magnifique. Nous avons trouvé dans le Panthéon un emplacement merveilleusement approprié à l'installation d'un pendule gigantesque ; nous avons trouvé pareillement dans l'administration les dispositions les plus favorables à l'exécution du projet que suggérait la vue de cette immense coupole " écrit Foucault. C'est le 31 mars 1851, que les Parisiens vont venir, en masse semble-t-il, essayer de comprendre comment la Terre tourne sur elle-même. Dans cette nouvelle disposition, la longueur du fil d'acier est de soixante-sept mètres, le globe très dense, d'un diamètre de dix-huit centimètres, son poids : vingt-huit kilogrammes. Le 31 mars, le pendule a été mis en branle avec un luxe de précautions. " Après une oscillation double de 16 secondes de durée ", écrit Foucault, " on l'a vu revenir à 2 millimètres et demi environ à gauche du point de départ. Le même effet continuant à se produire à chaque oscillation, la déviation a été grandissant toujours plus, proportionnellement au temps." Le coup d'État du Prince-président, en décembre 1851, va rendre le Panthéon au culte catholique et arrêter là la belle expérience de physique.

Pour l'Exposition universelle de Paris, en 1855, Foucault installe, cette fois, dans le palais de l'industrie un pendule assisté électromagnétiquement. C'est ce pendule, remonté dans la chapelle de l'ancienne abbaye de Saint-Martin-des-Champs, qui continue à faire les délices des visiteurs du Musée des arts et métiers.

En 1902, la Société astronomique de France, présidée par Henri Poincaré, se propose de " voir renouveler sous le dôme du Panthéon la belle et instructive expérience de Foucault, interrompue par le coup d'État de décembre 1851, avant qu'on en eût tiré toutes les conclusions qui paraissaient en ressortir. " Le 22 octobre de cette année, y est installée une nouvelle mouture du pendule de Léon Foucault. C'est Camille Flammarion qui en est le promoteur. Plus de deux mille personnes sont présentes pour venir assister à la célèbre expérience de physique.

Enfin, c'est en 1995, que le pendule de 1851 est rétabli dans ce théâtre de grandeur qu'est le Panthéon.

Stéphane Deligeorges
journaliste, chroniqueur scientifique à France Culture

Source: Commemorations Collection 2001

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