Page d'histoire : Raymond Radiguet Saint-Maur-des-Fossés, 18 juin 1903 - Paris, 12 décembre 1923

Jean Cocteau, Georges Auric, Raymond Radiguet et John Russell
Bibliothèque Jacques Doucet, Paris / don Marie Laurencin
© Bibliothèque Jacques Doucet / fonds iconographique

Raymond Radiguet, c’est l’éternelle jeunesse. Même s’il avait parfois des airs de vieux lettré chinois, il fit sur terre le métier de météore. Étrange et décevante profession qui vous fait naître le 18 juin 1903 et mourir le 12 décembre 1923, à vingt ans... Après une adolescence rêveuse, passée à lire Mme de La Fayette dans une barque, sur les bords de la Marne, le petit Raymond se dépêcha d’être l’amant de son institutrice (à quatorze ans), de débuter dans le journalisme (la semaine suivante), de devenir le protégé de Jean Cocteau, de fréquenter le Paris littéraire des années folles, de vivre sa vie comme une fête perpétuelle et, surtout, d’écrire deux chefs-d’œuvre Le Diable au corps et Le Bal du comte d’Orgel.

Le premier de ces romans raconte la liaison d’un adolescent avec la jeune femme qui lui donne des leçons de français. Ils font l’amour du côté de Nogent, tandis que le mari de cette jeune femme fait la guerre. Car cela se passe en 1917... Imaginez le scandale quand parut le récit de cette passion marquée par le cynisme et par un sentiment extrême de l’éphémère. Paul Morand parla d’« une peinture effrontée de grandes vacances au milieu des croix de bois ». La perfection du style faisait ressortir encore davantage l’immoralisme du sujet. Radiguet raccommodait les battements de cœur avec l’imparfait du subjonctif, l’élégance et la clarté de la langue avec le désordre et la confusion des sentiments. Élève de Mme de La Fayette, il rêvait d’écrire son second roman sur le modèle de La Princesse de Clèves. Ce fut Le Bal du Comte d’Orgel.

Estimant que l’existence devait être frivole et ressembler à l’école buissonnière, le petit Raymond ne travaillait pas assez. Mais il eut quand même le temps de terminer son dernier devoir de vacances avant de mourir d’une fièvre typhoïde. Il avait attrapé cette maladie pendant l’été 1923, sur le bassin d’Arcachon, tandis que Georges Auric jouait du piano sur la plage. Comme Mahaut, l’héroïne du Bal, Radiguet lisait probablement l’heure sur son visage, lorsqu’il se regardait dans les miroirs. Après la disparition du petit Raymond, tout le monde se persuada que le charme était le secret professionnel des écrivains.

François Bott
critique littéraire

Source: Commemorations Collection 2003

Liens