Page d'histoire : Création de la Société française de psychanalyse (SFP) Paris, 18 juin 1953

Sigmund Freud vers 1921

La création par Daniel Lagache de la Société française de psychanalyse (SFP) fut le résultat d’un grand phénomène d’expansion de la psychanalyse durant la deuxième moitié du XX e siècle. Cette époque fut, en effet, marquée par des scissions en chaîne qui affectèrent l’International Psychoanalytical Association (IPA), créée en 1910 par Sigmund Freud.

Issue d’une scission de la Société psychanalytique de Paris (SPP), fondée elle-même en 1926 comme première composante française de l’IPA, la SFP réunit d’emblée des médecins et des universitaires qui n’acceptaient plus ni les critères de formation imposés par l’IPA, ni le mandarinat de leurs maîtres, ni l’obligation pour les futurs praticiens d’acquérir une formation médicale.

Pendant dix ans, autour de Françoise Dolto, de Daniel Lagache et surtout de Jacques Lacan, qui forma les principaux représentants de la troisième génération psychanalytique française (Jean Laplanche, Serge Leclaire, Jean-Bertrand Pontalis) auxquels on peut ajouter Didier Anzieu et Wladimir Granoff, la SFP devint le lieu d’un formidable essor du freudisme français et notamment du lacanisme, centré sur un retour à la littéralité des textes de Freud et non pas sur un dépassement de sa doctrine. Parmi les grandes réalisations de la SFP, on retiendra celles-ci : implantation universitaire de la psychanalyse, activités de traduction des textes de l’école anglaise et américaine, publications diverses chez de bons éditeurs parisiens et, surtout, création d’une revue prestigieuse, La Psychanalyse, à laquelle collaborèrent, pendant huit numéros (1956-1961), quelques-uns des meilleurs auteurs de l’époque.

Le 26 septembre 1953, lors d’un congrès de la SFP, qui se tint à Rome, à l’Institut de psychologie de l’université, Lacan donna une conférence inaugurale intitulée « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse ». Dans ce fameux « Discours de Rome », il effectuait une refonte « structuraliste » de sa doctrine en s’inspirant des travaux de Ferdinand de Saussure, Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss.Il accordait ainsi au Symbolique une place primordiale. Rappelons que ce terme désignait pour lui l’ordre de la loi et de l’interdit auquel est confronté le sujet dans sa relation langagière à autrui et dans son psychisme.

En novembre 1963, après avoir échoué dans ses diverses tentatives d’affiliation à l’IPA, la SFP éclata en deux composantes : l’Association psychanalytique de France (APF) créée le 26 mai 1964, et reconnue par l’IPA, et l’École freudienne de Paris (EFP) fondée par Lacan le 21 juin de la même année et dont l’existence s’achèvera en 1980.

Élisabeth Roudinesco
historienne,
directeur de recherches à l’université de Paris VII

Source: Commemorations Collection 2003

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