Page d'histoire : Raoul Dufy Le Havre, 3 juin 1877 - Forcalquier, 23 mars 1953

Portrait photographique de Raoul Dufy, avant 1927

Raoul Dufy est né au Havre en 1877. Après avoir parfait ses dons innés de dessinateur et reçu une bourse de sa ville natale, il rejoint son ami Friesz à Paris, où l’art des Impressionnistes l’attire plus que l’enseignement académique de l’école des Beaux-Arts.

L’impressionnisme attardé de ses premières œuvres, son adhésion au Fauvisme qui lui révèle « le miracle de l’imagination dans la couleur et le dessin » puis une attirance passagère pour un Cubisme cézannien témoignent de ses recherches d’acquisition d’un style personnel.

Dès 1910, Dufy poursuit une carrière féconde en œuvres picturales indissociables de créations dans le domaine des arts appliqués. Les xylographies pour le Bestiaire ou Cortège d’Orphée d’Apollinaire inaugurent, en 1910, une activité d’illustrateur d’ouvrages littéraires menée tout au long de sa carrière. Ce chef-d’œuvre de l’art graphique du début du XX e siècle initiera son engagement dans la décoration textile, d’abord pour Paul Poiret en 1911, puis pour les soyeux lyonnais Bianchini-Férier entre 1912 et 1928. Sa collaboration avec le céramiste catalan Llorens Artigas, entre 1924 et 1937, donne naissance à des créations originales. Il réalise parallèlement des tentures sur toile de Tournon, pour la péniche Orgues de Poiret lors de l’Exposition des arts décoratifs de 1925, et des cartons pour tapisseries d’un mobilier sur le thème de Paris, tissées à Beauvais. Pour Marie Cuttoli, en 1936, puis, en 1947-1949, pour son marchand Louis Carré,il renouvellera cette activité, enrichie d’un style pictural désormais affirmé.

Les Courses, thématique privilégiée lors de différents séjours en Normandie (1923-1935) et en Angleterre (1930-1936), illustrent sa théorie de la couleur-lumière qui sous-tend son œuvre : « À suivre la lumière solaire, on perd son temps. La lumière de la peinture c’est autre chose : c’est une lumière de répartition, de composition, une lumière-couleur ». Ses décorations murales pour le docteur Viard et pour Weisweiller, réalisées à la même époque, annon-cent son œuvre monumentale : La Fée Électricité (Musée d’art moderne de la ville de Paris), commande officielle à l’occasion de l’exposition internationale de 1937. Cet hymne à la modernité constitue une étape majeure dans une carrière désormais reconnue. Suivront alors ses grandes compositions pour le bar du fumoir du nouveau théâtre de Chaillot, Itinéraire de Paris à Sainte-Adresse et pour la singerie du jardin des Plantes, Les Explorateurs puis Les Savants (1939). « La mer et la musique ont bercé ma jeunesse » : ainsi se justifie une vocation naturelle à des thèmes et motifs privilégiés : plage et baie de Sainte-Adresse, avec ses baigneuses et son cortège d’embarcations, mais aussi, vers les dernières années, orchestres, concertos, hommages aux grands compositeurs, expressions picturales unitonales, reflets d’un épanouissement intérieur que les souffrances physiques d’une polyarthrite sévère ne purent altérer. Suprême hommage, Raoul Dufy fut promu en 1949 au grade de Commandeur de la Légion d’honneur.

Liberté d’invention dans le dessin, utilisation arbitraire d’une couleur dissociée de la ligne, interprétation très libre et subjective d’une représentation où se mêlent réel et imaginaire : telles sont les constituantes du style original de Raoul Dufy déterminant ses différentes expressions plastiques qui déclinent thèmes et motifs récurrents, recréés, amplifiés, transfigurés tout au long d’une carrière féconde. Un an avant sa mort, le grand prix de peinture de la XXVI e biennale de Venise devait couronner, en 1952, l’ensemble de l’oeuvre marquante de Raoul Dufy.

Dora Perez-Tibi
docteur en Histoire de l’art

Source: Commemorations Collection 2003

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