Page d'histoire : Jacques Doucet Paris, 19 février 1853 - Paris, 30 octobre 1929

Portrait de Jacques Doucet par Man Ray
coll. bibliothèque d'art et d'archéologie
Jacques Doucet, Paris
© bibl. art et d'arch. Jacques Doucet

Paul Gauguin : garde inférieure du "Cahier pour Aline",
manuscrit contenant des dessins aquarellés
et des imprimés collés réalisés à Tahiti en 1893.

 

Jacques Doucet l'acheta après la mort de Gauguin
et en fit don, en 1927, à la bibliothèque d'art et d'archéologie.
coll. bibliothèque d'art et d'archéologie Jacques Doucet,
© bibl. art et d'arch. Jacques Doucet

Né à Paris, rue de la Paix, le 19 février 1853, Jacques Doucet participe très tôt à l’activité de ses parents, dont il transforme le commerce de chemiserie et lingerie de luxe en maison de haute couture. Des deux côtés de l’Atlantique, la coupe raffinée de ses vêtements, leurs nuances subtiles, leur ornementation précieuse séduisent les élégantes.

Mais il préfère se présenter comme collectionneur : grâce à sa fortune et aussi à son discernement et à sa passion, il réunit, en effet, des ensembles extraordinaires. Dès sa jeunesse, il commence à acheter des tableaux à Raffaelli, Monet, Degas. Puis il se consacre aux meubles et oeuvres d’art du XVIIIe siècle qu’il vend en 1912, pour s’intéresser à l’art le plus contemporain, faisant décorer et meubler ses appartements par les initiateurs de ce qui allait s’appeler le style Art Déco et achetant, sur les conseils d’André Breton, surréalistes et cubistes (dont les Demoiselles d’Avignon), en même temps que des oeuvres essentielles de la période précédente, comme la Charmeuse de Serpents du Douanier Rousseau qu’il légua au Louvre, et des objets d’Afrique et d’Extrême-Orient.

Plus étonnant encore, il crée de toutes pièces deux bibliothèques exceptionnelles qu’il offre ensuite généreusement à l’Université de Paris. La Bibliothèque d’art et d’archéologie, donnée en 1917, ensemble considérable de livres et de revues mais aussi de dessins, d’estampes, de photographies et de manuscrits, parfois de grand prix, sur l’archéologie et l’art de tous les temps et de tous les pays, est un lieu de ressources documentaires unique en France, employant vingt-cinq bibliothécaires, occupant six appartements, et ouvert à tous les chercheurs qui en font la demande.

Conseillé par André Suarès, il commence à réunir, en 1916, une bibliothèque exemplaire de littérature française : éditions originales, revues les plus marquantes, manuscrits des grands auteurs du XIXe siècle sont bientôt complétés, grâce au recrutement d’André Breton comme bibliothécaire, par les oeuvres les plus contemporaines. S’y ajoutent des enquêtes et des panoramas sur l’avant-garde littéraire et des textes d’explications que Doucet commande aux auteurs. Pour habiller les extraordinaires documents ainsi rassemblés, Doucet fait appel à Pierre Legrain et Rose Adler qui renouvellent l’art de la reliure.

Il est également le mécène efficace et discret de revues comme Nord-Sud et Littérature, de romans comme l’Eubage de Cendrars, d’éditions bibliophiliques comme Amour de Suarès et d’outils bibliographiques comme le Répertoire d’art et d’archéologie ou les tables du Mercure de France. Enfin, conscient de la nécessité de disposer de reproductions des œuvres d’art, il patronne plusieurs sociétés d’étude poursuivant cet objectif.

Si, en 1929, sa mort passa presque inaperçue, nous sommes à même aujourd’hui de reconnaître tout ce que lui doivent l’art et son histoire et la littérature.

Dominique Morelon
conservateur en chef chef du service du Patrimoine à la Bibliothèque d’art et d’archéologie

Source: Commemorations Collection 2003

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