Page d'histoire : Jacques-Louis David Paris, 30 août 1748 - Bruxelles, 29 décembre 1825

Le Couronnement de Joséphine,
Jacques-Louis David, huile sur toile - 1807
Musée du Louvre © RMN / Hervé Lewandowski

Portrait de Juliette de Villeneuve
Jacques-Louis David, huile sur toile - 1824
Musée du Louvre © RMN / J.-G. Berizzi

Le 2 décembre, lors du couronnement de Napoléon et de Joséphine, David prit place dans une tribune de Notre-Dame de Paris afin de croquer sur le vif la cérémonie. Dans le célèbre tableau du Louvre, achevé à la fin 1807 mais retouché au début de 1808, le peintre s’est représenté dans une tribune à la droite du chœur, juste au-dessus de celle occupée par Madame-Mère pourtant absente lors de la cérémonie mais que l’Empereur tenait à voir figurer sur l’œuvre. Le Couronnement de Joséphine, pour donner au tableau son véritable titre, marque l’apothéose tant artistique que politique de la carrière d’un peintre qui fut un témoin actif et privilégié des bouleversements que connut la France, du règne de Louis XVI à la Restauration.

Pourtant, David ne fut en rien précoce et peina avant de remporter, en 1774 et à sa quatrième tentative, le prix de Rome (Érasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochus, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts).L’année suivante, l’artiste part pour Rome où il séjourne cinq années qu’il occupe à dessiner les paysages de Rome et de ses environs et surtout à copier les Maîtres et les Antiques. Lorsqu’il revient en France en 1780, David a réuni un répertoire inépuisable de formes et de sujets et acquis une maturité qui se révèle dans son Bélisaire (1781, Lille, musée des beaux-arts) puis, deux ans plus tard, dans son morceau de réception à l’Académie royale, La douleur d’Andromaque (Paris, musée du Louvre). Ses premiers succès attirent de nombreux élèves (Fabre, Hennequin, Wicar, Girodet, Drouais, Gros, etc.) dans son atelier qui sera pendant plus de trente ans le plus « couru » d’Europe. La commande d’un tableau d’histoire pour le roi le décide à retourner à Rome. Il y séjourne en 1784-1785 et y peint le Serment des Horaces (Paris, musée du Louvre) qui remporte un triomphe éclatant lors de ses expositions à Rome puis à Paris. L’œuvre, par l’exemplarité du sujet et sa composition dépouillée, devient une sorte de manifeste de la nouvelle école. À son retour, il peint la Mort de Socrate (1787, New York, Metropolitan Museum) puis Les licteurs rapportant à Brutus les corps de ses fils (1789, Paris, musée du Louvre)…

Pendant la Révolution, David joue un rôle important dans la vie artistique française : élu député de la Convention en 1792, membre du Comité d’Instruction publique, il est le principal ordonnateur des fêtes révolutionnaires. Régicide, montagnard proche de Robespierre, il devient membre du Comité de sûreté générale. Son activité politique et la rapidité de l’enchaînement des événements l’empêchent d’achever Le Serment du Jeu de Paume (Versailles, musée national du château). Accusé de haute trahison à la suite de la chute de Robespierre, David est à deux reprises emprisonné. Il conçoit alors les Sabines (1799, Paris, musée du Louvre), hymne à la réconciliation nationale. Nommé à l’Institut dès sa création en 1795, David se rallie très tôt à Bonaparte. Il est chargé de commémorer dans quatre toiles immenses les grandes fêtes de l’Empire, mais en définitive n’exécutera que le Couronnement et la Distribution des Aigles (Versailles, musée national du château). David est nommé Premier peintre de l’Empereur le 18 décembre 1804. Ses rapports avec Napoléon ne furent cependant pas aisés.

Le peintre n’obtint ni le poste de directeur des beaux-arts qui aurait fait de lui l’égal de Charles Le Brun ni les émoluments qu’il espérait et, par ailleurs, fut forcé d’abandonner certains projets et d’en remanier d’autres de façon importante. Ainsi, alors que son tableau était achevé et avait été une première fois exposé, David dut changer la figure du pape dans son Couronnement et lui conférer une attitude plus active : le souverain pontife donne maintenant sa bénédiction alors qu’il avait auparavant les mains posées sur ses genoux. Napoléon aurait, dit-on, déclaré : « Je ne l’ai pas fait venir de si loin pour ne rien faire ».

Malgré les nombreuses commandes officielles, David n’abandonne pas l’Antiquité et achève en 1814 son Léonidas aux Thermopyles (Paris, musée du Louvre). Resté fidèle à Napoléon et pour avoir voté la mort de Louis XVI, il doit, au retour des Bourbons, s’exiler à Bruxelles où il consacre ses dernières années à peindre des sujets galants inspirés de la mythologie ou de la littérature antique (l’Amour et Psyché, 1817, Cleveland, Museum of Art ; Télémaque et Eucharis, 1818, Los Angeles, J. Paul Getty Museum ; Mars désarmé par Vénus et les Grâces, 1824, Bruxelles, musées royaux des beaux-arts).

S’il fut un grand peintre d’histoire, David réalisa également de nombreux et admirables portraits – citons seulement Stanislas Potocki à cheval (1780, Varsovie, musée national), Lavoisier et sa femme (1788, New York, Metropolitan Museum), les Portraits des Seriziat (1795, Paris, musée du Louvre), Madame Récamier (vers 1800, Paris, musée du Louvre), Napoléon dans son cabinet de travail (1812, Washington, National Gallery) ou encore le Portrait de Juliette de Villeneuve (1824), récemment acquis par le Louvre et dernier tableau de l’artiste. La qualité d’exécution, la grande acuité psychologique et la sobriété des compositions font de lui l’égal des plus grands spécialistes du genre.

 

Pierre Rosenberg,
de l’Académie française,
président-directeur honoraire du musée du Louvre

Source: Commemorations Collection 2004

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