Page d'histoire : Instauration de la T.V.A. 10 avril 1954

Maurice Lauré

La T.V.A., une réussite, cinquante ans après !

10 avril 1954, la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A.) devient le grand impôt français sur la consommation finale des ménages. Et cet impôt est neutre, c’est-à-dire que son poids par rapport au prix payé par le consommateur final est toujours le même quels que soient les modes de fabrication ou les circuits de distribution, et quelle que soit l’origine du produit : production nationale ou importation.
Cette neutralité est considérée comme un atout décisif pour la modernisation et le développement de l’économie française.

Pour atteindre ce résultat, Maurice Lauré, l’inventeur de la T.V.A., eut une idée géniale.

On aurait pu prélever la totalité de l’impôt lors de la consommation finale, en pratique la vente au détail. Mais cette solution était dangereuse pour les finances publiques : la quasi-totalité de la collecte d’un impôt représentant une part considérable des finances publiques aurait été confiée à plusieurs millions de petits commerçants, d’artisans et d’agriculteurs, dont le contrôle par le fisc est souvent malaisé.

Là se situe la plus belle invention de Maurice Lauré : au lieu de demander au dernier vendeur de verser à l’État la totalité de cet impôt de consommation, il a prévu que chaque entrepreneur intervenant dans le circuit de production puis de distribution (industriels, grossistes, détaillants, etc.) payerait l’impôt sur la valeur qu’il ajouterait au produit.

En pratique, cette quote-part est fixée de façon simple : l’entreprise calcule le montant de la taxe sur le prix des produits qu’elle a vendus, et elle déduit de ce chiffre toutes les taxes qu’elle a elle-même acquittées sur ses achats. Elle verse seulement la différence au Trésor.

La réforme de 1954 ne concernait que les grandes entreprises. Le plus difficile restait à faire : étendre la T.V.A. à des millions de commerçants, artisans, prestataires de service et agriculteurs. Cette généralisation de la T.V.A. fut réalisée, avec succès, par la loi du 6 janvier 1966, adoptée sur proposition de Valéry Giscard d’Estaing. Ce résultat, heureux, fut obtenu grâce à une concertation très poussée entre l’administration fiscale et les représentants professionnels puis à une dynamique campagne d’information auprès de tous les publics.

Et la T.V.A. s’est aussitôt révélée être le meilleur impôt pour harmoniser les fiscalités indirectes dans la Communauté européenne qui venait de naître : en effet, sa neutralité empêche toute manœuvre destinée à fausser les relations commerciales à l’intérieur d’un marché commun. Elle a donc été adoptée par deux directives en février 1967. On peut soutenir que ce n’est pas l’Europe qui a fait la T.V.A., mais la T.V.A. qui a fait l’Europe.

Les qualités de cet impôt n’ont pas échappé aux autres États du monde : aujourd’hui, plusieurs dizaines de pays utilisent ce système pour prélever leurs impôts sur la consommation.

Guy Delorme
inspecteur général des Finances (hre)

Source: Commemorations Collection 2004

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