Page d'histoire : Louis Bourdaloue Bourges, 28 août 1632 - Paris, 13 mai 1704

Portrait de Louis Bourdaloue par Jean Jouvenet, 1896

« Il prêcha, il confessa, il consola, il mourut » : Alexandre Vinet résumait ainsi la vie de Bourdaloue. Il fut en effet un modèle de discrétion et c’est presque malgré lui que ce prédicateur jésuite connut une immense célébrité. Il fut surnommé de son vivant « le roi des prédicateurs et le prédicateur des rois ».

Il naquit dans une famille de juristes et il fut baptisé le 29 août 1632 à Bourges, où il fit d’excellentes études au collège des Jésuites. Il décida, à seize ans, d’entrer dans la Société de Jésus et, après avoir exercé diverses charges d’enseignement dans des collèges de province, il révéla ses talents de prédicateur. En 1669, il fut appelé à prêcher à Paris. Désormais, il y résidera presque sans discontinuer et jusqu’à sa mort son succès ne se démentira pas. Dès 1670, il prononce son premier avent à la Cour ; il y reviendra douze fois jusqu’en 1697.

Il faut insister sur le succès que connut ce prédicateur pendant plus de trente ans, et dont témoigne Mme de Sévigné. Un Vendredi saint, elle veut entendre Bourdaloue : « J’avais grande envie de me jeter dans le Bourdaloue, mais l’impossibilité m’en a ôté le goût : les laquais y étaient dès le mercredi, et la presse était à mourir ». Le XVIIe siècle était bien « le temps des beaux sermons » 1.

Quelques légendes doivent être corrigées : Bourdaloue ne prêchait pas les yeux fermés, et il ne fut jamais considéré comme le rival de Bossuet. En effet, il est monté en chaire à Paris au moment précis où Bossuet, nommé précepteur du Dauphin, abandonnait la prédication. Par ailleurs, Bourdaloue sera exclusivement un orateur, un confesseur et un directeur spirituel.

Il reste que la vogue de ce prédicateur a été exceptionnelle ; il a su faire l’unanimité autour de sa spiritualité. Sainte-Beuve en a fourni une explication en le définissant comme « le plus janséniste des jésuites ». Certes, sa théologie ne doit rien à Port-Royal, mais sa vie a été considérée à juste titre comme la meilleure réponse aux Provinciales. On peut d’ailleurs penser que sa prédication est un des meilleurs exemples de la pastorale de la peur au XVIIe siècle. Il prêche en effet un Dieu juste mais sévère, qui châtie durement le pécheur. Le devoir essentiel du chrétien est donc de fuir l’impureté et d’être moralement impeccable.

Il faut redécouvrir Bourdaloue, dont l’œuvre témoigne de ce qu’était l’éloquence du Grand Siècle : éloquence logique, précise, qui entraîne irrésistiblement vers son but. Elle nous renseigne aussi sur la vie spirituelle des chrétiens du temps, faite de gravité, de sérieux, tendue entre l’espérance du salut et l’angoisse de l’enfer.

Cette œuvre, d’une beauté sévère, est un exemple parfait de cet « héroïsme de la foi » qui caractérise les temps classiques.

Jean-Pierre Landry
professeur à l’université Jean-Moulin Lyon III
membre de l’Académie des sciences,
belles-lettres et arts de Lyon

1. F. Bluche

Source: Commemorations Collection 2004

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