Page d'histoire : Bernard Palissy a la « révélation » de l'émaillage sur terre Vers 1555

Brique alvéolée : écusson aux armes de Catherine de Médicis
terre cuite, glaçure polychrome, atelier de Bernard Palissy
Écouen, musée de la Renaissance
© RMN / René-Gabriel Ojéda

La figure de Bernard Palissy ne nous apparaît plus qu’à travers le mythe du « héros protestant » mis en place par Agrippa d’Aubigné et retravaillé par « l’historicisme scientifique » du XIXe siècle, créant la figure populaire du découvreur acharné dépeçant son mobilier pour alimenter son four. Ses propres écrits, en réalité plus théoriques que véritablement pratiques, sont issus d’une culture véritable qui le pose en émule de Rabelais, préférant le français au grec et au latin pour mieux répondre aux exigences de sa foi réformée.

Il a fallu, pour mieux le cerner, les découvertes liées aux fouilles archéologiques des jardins du Carrousel qui ont permis de retrouver la plus grande partie de son matériel d’atelier. L’étude de ce matériel, dont on espère la présentation prochaine par les soins du musée national de la Renaissance au château d’Écouen, confirme le rôle capital du séjour saintongeais dans le choix de faire appel à la céramique comme moyen d’expression artistique et scientifique. Même s’il n’en souffle mot dans ses écrits, son approche technique porte la marque de ce qu’il a vu et appris auprès des potiers de Saintonge, héritiers d’une tradition extrêmement féconde. Il y ajoute une démarche d’observation attentive de la nature, des métaux comme des fossiles, dont on rencontre également l ’inspiration chez Cellini ou chez les orfèvres et ornemanistes du monde germanique ; mais Palissy, s’il utilise comme eux le moulage et le modelage préalables en terre, choisit d’en tirer des épreuves en terre émaillée, et non en métal.

C’est ce goût de « l’orfèvrerie de terre », cette originalité dans l’alliance constante de la fidélité au modèle et du raffinement dans l’exécution technique qui lui ouvrent la voie du succès. Il copie par moulage médailles et pièces d’orfèvrerie ou de pierre dure, tente même de découvrir le secret de fabrication de la « poterie de Saint-Porchaire » que collectionnait son protecteur Montmorency. Pour ce dernier, il envisage la réalisation d’une grotte de jardin en céramique en vue de laquelle il amasse un extraordinaire répertoire de reproductions de plantes, de roches, d’animaux et d’insectes. Ce répertoire lui sert de fonds d’étude scientifique et en même temps de support à une production de vaisselle « rustique » qui lui assure une certaine prospérité financière.

S’il transporte ce fonds d’atelier de Saintes à Paris, c’est pour répondre à une autre commande, destinée au jardin que Catherine de Médicis veut aménager aux Tuileries : mais c’est surtout l’activité d’un savant et d’un chercheur que révèle l’étude de son séjour parisien.

 

Thierry Crépin-Leblond
conservateur en chef du patrimoine
directeur du château et des musées de Blois

Source: Commemorations Collection 2005

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