Page d'histoire : Georges Colomb, dit Christophe Lure, 25 mai 1856 - Nyons, 3 janvier 1945

Georges Colomb pose en compagnie  de son épouse devant le buste le représentant
carte postale
Vesoul, archives départementales de la Haute-Saône
© droits réservés / service photographique des AD 70

Né au cœur du second Empire, mort aux premiers mois de la Libération, celui dont la mémoire nationale se souvient encore sous le nom de Christophe n’a pas mené seulement une longue existence mais aussi une double vie.

En tant que Georges Colomb, cet ancien élève de l’École normale supérieure, ce maître de conférences à la Sorbonne a laissé une petite trace comme botaniste, terminant sa carrière au poste honorable de sous-directeur de laboratoire au Museum d’histoire naturelle. Mais ce ne sont pas ses ouvrages pédagogiques destinés aux élèves du secondaire ou aux futurs instituteurs, ni ses causeries de vulgarisation scientifique sur les ondes de la radio, encore moins ses travaux, de la main gauche, sur la Guerre des Gaules qui lui auraient valu de passer à la postérité. La gloire lui est venue, et de son vivant, en tant que Christophe, pseudonyme en forme de calembour, révélateur du type d’esprit de ce contemporain d’Alphonse Allais. C’est « l’oncle Christophe » qui est entré dans toutes les histoires de la littérature destinée à la jeunesse et dans celles, plus nombreuses, de la bande dessinée, même si, en fait, son œuvre doit être plus exactement rattachée à la tradition ancienne des histoires en images, sans phylactères (« bulles » ou « ballons »).

Si les premiers dessins de cet amateur doué ont été publiés dès 1887, c’est à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889 qu’il conquiert un large public de jeunes lecteurs en mettant en texte et en images les aventures paradoxales d’une famille de Français très moyens, la future Famille Fenouillard. Désormais, Le Petit Français illustré lui ouvre grandes ses colonnes – qu’il ne remplit, au reste, que chichement – et dès 1893 son lectorat s’élargit aux acheteurs des albums en format à l’italienne des Facéties du sapeur Camember, de L’Idée fixe du savant Cosinus et autres Malices de Plick et Plock.

Comme on le voit par ces titres, Christophe est un créateur de types, bien « dessinés », qui s’imposeront durablement dans l’imagerie sinon des classes populaires – car son comique est rempli de références cultivées et juxtapose le second degré aux plus vieilles recettes de la farce – du moins des classes moyennes. La réussite de cet auteur complet est d’avoir trouvé la forme originale en correspondance avec sa verve : un dessin clair et net, caricatural sans méchanceté, de nombreuses trouvailles graphiques – des effets de point de vue, par exemple, ou, plus spécifiquement encore, d’association texte/image –, le tout à l’échelle de la vignette mais aussi de la planche.

Mort dans l’oubli, une quarantaine d’années après avoir à peu près totalement arrêté son activité de dessinateur public, Christophe a été exhumé par François Caradec dès 1956, juste avant que ne naisse le mouvement « bédéphilique » qui en a fait depuis, avec Rodolphe Töpffer et Joseph Pinchon, l’un des plus vieux maîtres, respectés, d’un « neuvième art » aujourd’hui très répandu.

Pascal Ory
professeur à l’université de Paris I-Panthéon-Sorbonne
membre du Haut comité des célébrations nationales

Source: Commemorations Collection 2006

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