Page d'histoire : Le Régime du corps d'Aldebrandin de Sienne 1256

Et si le fist maistre Alebrans de Florence, en l’an de l’incarnation Jhesu Crist M.CC.LVI ans ». À cette date, la médecine est devenue depuis peu une discipline universitaire dans quelques villes de l’Italie septentrionale, comme à Paris et Montpellier. Il est désormais reconnu que la pratique médicale doit se fonder sur un savoir théorique, sur une connaissance du fonctionnement du corps humain. Le médecin universitaire ne se définit plus simplement comme un thérapeute appelé dans l’urgence de la maladie ; il souhaite devenir le conseiller de la vie quotidienne et le conservateur de la santé. Dans cette perspective, l’écriture de régimes (le plus souvent en latin) s’instaure au XIIIe siècle et s’amplifie à la fin du Moyen Âge.

Aldebrandin est le premier à composer un régime en langue vernaculaire. Il choisit le français, alors que ce n’est pas sa langue maternelle. Si -certains copistes de son œuvre le qualifient de florentin, d’autres en font un Siennois, ce qui est plus probable. Venu sans doute dans le sillage des banquiers et des marchands qui séjournaient en Champagne à l’occasion des grandes foires, il s’établit à Troyes, où il apparaît parmi les témoins d’un acte notarié en 1277. Il rédige son testament en 1287 et meurt une dizaine d’années après (entre 1296 et 1299). Rien n’indique s’il fit ses études médicales dans une -université italienne ou à Paris.

Il avait lui-même intitulé son ouvrage, conçu pour vulgariser un savoir, Livre de phisike (c’est-à-dire Livre de médecine) : le titre Régime du corps fut le fait de copistes ultérieurs. De même une dédicace à Béatrice de Savoie, comtesse de Provence et belle-mère du roi Louis IX, fut ajoutée de manière apocryphe dès les années 1257-1261. Suivant un plan en quatre parties, Aldebrandin donne des règles de santé pour l’ensemble du corps et pour chacune de ses parties, puis énumère les qualités de cent soixante-treize aliments, pour terminer par des considérations de physiognomonie. Conservé dans plus de soixante-dix manuscrits, soumis à de multiples remaniements et abrègements, imprimé à Lyon dès 1481, le Livre de phisike fut traduit en catalan, en flamand, en latin et, surtout, à quatre reprises en italien. L’une de ses versions italiennes fut composée en 1310 par le notaire florentin Zucchero Benvicenni.

 

Danielle Jacquart
directeur d’études à la IVe section de l’École pratique des hautes études

Source: Commemorations Collection 2006

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Jacquart, Danielle

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santé

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