Page d'histoire : Témoignage. La révolution hongroise 23 octobre - 4 novembre 1956

Le monument en l’honneur d’Imre Nagy au cimetière du Père-Lachaise
Paris, cimetière du Père-Lachaise
© DAF / Ch.-L. Foulon

Les villes ont leur destin. En octobre 1956, Budapest, renouant avec l’héritage de 1848, devint le symbole de la révolution des peuples contre la dictature totalitaire et des nations d’Europe centrale contre leur asservissement par l’Empire de Staline. Le 9 mai 1945 avait marqué l’apogée de cet Empire. Son déclin commença le 23 octobre 1956 quand 200 000 Hongrois, assemblés devant leur Parlement, revendiquèrent dignité et liberté.

En l’espace de 72 heures, le pouvoir changea de mains. Villes et villages, universités et usines, armée et police, presse et radio, syndicats et associations, bref, une nation entière se plaça sous l’autorité du gouvernement issu de sa volonté. Les troupes soviétiques intervenues pour « rétablir l’ordre » ne reçurent d’autre appui que celui des oligarques du régime renversé et de leur bras armé, la police politique de sinistre mémoire. Désorientées devant le souffle d’une révolution qui réduisait à néant la bulle de propagande glorifiant la Patrie des Travailleurs, elles se retirèrent de Budapest au bout d’une semaine, et la Hongrie commença à rêver d’avenir. Le 4 novembre se déclencha la deuxième offensive soviétique. C’est ce jour-là que les chenilles des chars soviétiques écrasèrent, sur les pavés de Budapest, la liberté hongroise et, avec elle, le mythe de l’avenir communiste radieux.

En se souvenant de ces jours d’octobre, la France de 2006 commémore un événement héritier de 1789. Elle commémore l’espoir, né au bord du Danube, de voir l’Europe renaître. Elle se souvient de l’angoisse ressentie pour un pays qui osait croire dans les valeurs européennes et qui refusait de s’agenouiller. Elle se souvient de ceux qui sont tombés dans les combats et de ceux qui furent mis à mort par la tyrannie vengeresse. Le monde apprit, le 17 juin 1958, l’exécution du Ministre-Président de la Hongrie révolutionnaire et de ses compagnons. François Mauriac écrivit : « Je crains qu’avec Imre Nagy la liberté des petits peuples de l’Est n’ait été abattue sans espoir de résurrection – du moins à vue humaine... Nul ne peut dire aujourd’hui d’où viendra le salut. »

L’Histoire s’écrit avec des symboles. Le premier monument honorant le supplicié de 1958 fut érigé au Père-Lachaise, en 1988. L’année suivante vint la résurrection dont désespérait François Mauriac. Quinze ans plus tard, la Hongrie prit sa place au sein de l’Union Européenne.

En 1956, Budapest chantait la Marseillaise. En 2006, la France s’en souvient.

 

Charles Kecskeméti
ancien secrétaire général
du Conseil international des Archives

Source: Commemorations Collection 2006

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