Page d'histoire : René-Antoine Ferchault de Réaumur La Rochelle, 28 février 1683 - Saint-Julien-du-Terroux, 18 octobre 1757

Buste de René-Antoine Ferchault de Réaumur
par Jean-Baptiste II Lemoyne
terre cuite, 1751
Paris, musée du Louvre
© RMN/René-Gabriel Ojéda

René-Antoine Ferchault était issu d’une famille vendéenne aisée dont le grand-père, Jean Ferchault, receveur des douanes de Luçon, avait acquis au milieu du XVIIe siècle une partie de la seigneurie de Réaumur. (village au nord-est de la Vendée).

Il naquit à La Rochelle où son père, René Ferchault, occupait la charge de conseiller au présidial depuis 1776. Sa mère, Geneviève Bouchel, était la fille cadette d’un riche échevin de Calais. Son père mourut à 41 ans en 1684, laissant un fils posthume, Honoré. Le jeune René-Antoine fit ses études primaires à La Rochelle puis, à 12 ans, il alla faire « sa philosophie » à Poitiers chez les Jésuites.

En 1699, René-Antoine, âgé de 17 ans, se rendit avec son frère à Bourges où ils furent accueillis par leur oncle maternel, Gabriel Bouchel, chanoine de la Sainte-Chapelle. À l’université, il étudia sans doute les mathématiques et la physique.

En 1703, René-Antoine arriva à Paris où il fut reçu par son cousin, Jean François Hénault, fils d’un riche fermier général. Avec lui, il suivit les leçons du mathématicien Guisnée alors élève géomètre à l’Académie des sciences. Sa rencontre en 1707 avec l’abbé Jean-Paul Bignon, président de l’Académie depuis 1699 fut déterminante. Ce dernier remarqua en effet ses qualités intellectuelles propres à le faire entrer dans l’illustre compagnie.

Le 14 mars 1708, René-Antoine fut admis à 25 ans à l’Académie des sciences comme élève géomètre du mathématicien Pierre Varignon. Le 19 mai 1708, sous le nom de Réaumur, il présenta sa première communication relative à un problème de géométrie analytique et infinitésimale qui lui valut une certaine notoriété.

En 1710, il lut devant l’Académie trois mémoires en sciences naturelles. L’un d’eux traitait de la soie des araignées pour remplacer celle du ver. Réaumur se livra à l’élevage des araignées et démontra que le prix de revient de cette soie serait 24 fois plus élevé que celle du ver...

À la mort de Louis Carré, pensionnaire mécanicien, Réaumur fut choisi par le roi, le 14 mai 1711, pour occuper son poste. Mais peu importe la section où il avait été nommé, Réaumur allait poursuivre ses recherches dans les domaines les plus variés. Travailleur infatigable, il sut captiver son auditoire grâce à la présentation de sujets originaux. Il en fut récompensé car en 1713 il fut désigné par le roi comme sous-directeur de l’Académie royale des sciences, puis en devint le directeur en 1714, à l’âge de 31 ans.

Réaumur occupera ce poste pendant 40 ans, répartissant le travail entre les membres de l’institution et dirigeant les débats au cours des séances publiques mais ces fonctions n’empêcheront pas ses propres travaux scientifiques et techniques.

Dès 1711, il avait été chargé par l’Académie d’écrire une Description des arts et métiers voulue par Colbert. Après avoir présenté les métiers de l’ardoisier, du miroitier et du tireur d’or, Réaumur s’intéressa en 1716 à la métallurgie du fer. Il consacra 18 mémoires à la production de l’acier, du fer doux et de la fonte à mouler en inventant le four à cémentation. Il détermina leur nature avec la métallographie et réalisa des essais de résistance des métaux. En cela, Réaumur doit être considéré comme le « père » de l’industrie métallurgique en France. Il utilisa même ses connaissances pour améliorer la fabrication des ancres de marine. Le régent, Philippe d’Orléans, lui octroya en 1721 une pension annuelle de 12 000 livres pour ses découvertes.

Mais ce furent ses travaux sur le thermomètre qui le firent passer à la postérité. Le 15 novembre 1730, Réaumur proposa à l’Académie « un nouveau thermomètre » à alcool, fiable, dont la température de chacun serait comparable. Grâce à cette invention, il publia de 1732 à 1740 un rapport annuel sur la thermométrie du royaume et de certaines parties du monde.

Réaumur s’intéressa beaucoup aux insectes et publia de 1734 à 1742 les résultats de ses travaux dans six tomes de ses Mémoires pour servir à l’histoire des insectes. Ses minutieuses observations ont contribué à fonder l’entomologie. Pour lui, une bonne connaissance des insectes permettait de mieux lutter contre leurs méfaits ou de favoriser leur production comme celle des abeilles, son « cher petit peuple » (il écrivit un véritable traité pratique d’apiculture). En observant les guêpes, il eut même l’idée de faire du papier avec du bois.

Il ne croyait pas à la génération spontanée des insectes et il était également persuadé qu’il existait dans l’air des germes invisibles responsables du pourrissement des matières vivantes. Il fut en cela un précurseur de Pasteur.

En 1749, Réaumur publia l’Art de faire éclore et d’élever en toute saison des oiseaux domestiques de toutes espèces (2 vol.) où il exposait les moyens pratiques de produire à peu de frais une grande quantité de poulets, denrée très chère à son époque. Il y proposait la construction de couveuses artificielles pour l’incubation des oeufs et de poussinières pour remplacer les mères poules. Dans le tome II, il exposait ses tentatives d’accouplement d’une poule et d’un lapin qui lui valurent quelques railleries...

En 1752, Réaumur lut devant l’Académie deux mémoires sur la digestion des oiseaux dans lesquels il exposait ses expériences chez les granivores et les oiseaux de proie dont il avait découvert le rôle antiseptique du suc gastrique.

Réaumur fut en réalité un « touche à tout » des sciences, à la fois biologiste, géologue, physicien, botaniste et grand animateur de l’Académie des sciences. Grâce à lui, de grands scientifiques comme l’abbé Nollet, Mathurin Brisson, Jean-Étienne Guettard, Charles Bonnet, Abraham Trembley et bien d’autres virent leurs travaux reconnus. Réaumur entretint une importante correspondance avec des chercheurs étrangers et des voyageurs qui lui envoyaient des spécimens pour enrichir ses collections. Fréquentant certains salons parisiens, comme celui de Mme de Tencin, il eut pour amis Montesquieu, Fontenelle, Duhamel du Monceau et surtout l’académicien Gros de Boze.

Réaumur n’aimait pas Buffon auquel il reprochait ses théories peu scientifiques exposées dans son Histoire naturelle. Brouillé avec Diderot, il s’indigna que les Encyclopédistes plagient certaines de ses planches.

Resté célibataire, Réaumur consacra sa vie aux sciences pour améliorer la vie de ses contemporains et son oeuvre scientifique reste majeure dans l’histoire des sciences. Celui que l’on surnomma le « Pline du XVIIIe siècle » venait chaque année en automne se ressourcer dans son manoir de Réaumur en Vendée. Alors qu’il séjournait dans sa propriété de la Bermondière à St-Juliendu- Terroux en Mayenne, il fut prit d’un malaise à cheval et succomba le 18 octobre 1757. Il fut enterré modestement le lendemain dans l’église en présence de quelques amis et de sa fidèle collaboratrice, Mlle Hélène de Marsigli, sa légataire universelle. Buffon hérita de ses collections et Grandjean de Fouchy fit son éloge devant l’Académie royale des sciences le 5 avril 1758.

Gilles Bresson
ancien président-fondateur du Cercle des amis de Réaumur

Source: Commemorations Collection 2007

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