Page d'histoire : Guy de Chaunac-Lanzac, dit dom Robert Nieul-l'Espoir (Vienne), 15 décembre 1907 – abbaye d'En Calcat, commune de Dourgne (Tarn), 10 mai 1997

Laudes, dom Robert
tapisserie de basse lisse (3 m. X 2 m.)
Aubusson, manufacture Suzanne Goubely
coll. Mobilier national (en dépôt)
Aubusson, musée départemental de la tapisserie
© musée de la tapisserie/R. Godraut

Peu avant la Deuxième Guerre mondiale s’est développée en France une expression plastique qui obtint sous nos yeux un succès spontané, rapide et très populaire : la tapisserie moderne. Jean Lurçat (1872-1966) en fut l’initiateur incontesté ; mais des figures très originales l’entourèrent, de Marc Saint-Saëns à Gromaire, de Picard Le Doux à Dufy. Une des plus dignes d’attention fut assurément dom Robert.

Il se nommait en fait Guy de Chaunac et il était né dans la Vienne en 1907 d’un père officier colonial. Ses goûts le portèrent assez vite vers la peinture et la famille l’orienta vers l’École des arts décoratifs. Après un service militaire dans l’Atlas marocain et un stage comme dessinateur pour tissus à Lyon (1929-1930), il regagna Paris où il fréquenta le cercle de Jacques Maritain. Brusquement, lors d’une prise d’habits, il décida de devenir moine bénédictin à l’abbaye d’En Calcat dans le Tarn (1930).

Il ne faut pas s’imaginer à partir de ces brèves données le frère Robert comme une sorte de Marie Noël de la peinture. Ordonné prêtre en 1937, mais mobilisé en 1939, de retour au couvent en juin 1941, il est certainement un moine croyant, mais assez déconcertant, et il se permet tout : « tantôt charmant ou odieux, humble et mondain, admirable ou scandaleux ». Devenu fier de ses premiers succès, il va se trouver contraint de chercher asile dans un monastère anglais (1948-1958) avant de revenir à En Calcat en 1958, la cinquantaine passée. Il faut moins encore considérer comme un naïf l’apprenti inspiré qui a rencontré en 1941 Jean Lurçat à En Calcat même. Il n’a rien dû ignorer des forêts tropicales du Douanier Rousseau ni même des « collages » de Matisse. S’il réduit le langage de la tapisserie à quelques animaux, à quelques plantes, et à des accords de couleurs savamment organisés, c’est avec une science accomplie, et dont l’art abstrait, qui s’approchait, fit vite mesurer toute la subtilité.

Jacques Thuillier
professeur au Collège de France
membre du Haut comité des célébrations nationales

Source: Commemorations Collection 2007

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