Page d'histoire : Edgar Faure Béziers, 10 août 1908 - Paris, 30 mars 1988

L’intelligence d’Edgar Faure est reconnue par tous. On y associe souvent, à tort, la facilité. Car cet avocat, issu d’une famille de la petite bourgeoisie du Midi, a énormément travaillé durant toute sa vie, passant par exemple l’agrégation de Droit à 53 ans, écrivant des biographies monumentales de Turgot et de Law. Mais il avait la coquetterie d’enrober ses idées dans des adages qui agrémentaient ses discours, lesquels en ont fait un des meilleurs orateurs des IVe et Ve Républiques. Cette aisance lui a parfois nui en politique. Elle était associée à des convictions qui ne recoupaient pas les dogmes de gauche ou de droite. Lui même, avec un peu de vanité, se considérait comme un dogmatique de l’antidogmatisme. Souvent en avance sur son temps, il a prôné l’anti-colonialisme, le développement de l’Europe, l’équilibre d’une économie de marché orientée vers le progrès social, la recherche de la paix par le désarmement.

Tard venu à la politique, au sortir de la guerre, à près de 40 ans, son ascension est fulgurante. Ministre deux ans seulement après son entrée au Parlement comme député du Jura, il devient président du Conseil trois ans plus tard, à 43 ans. Rapidement renversé, il retrouve le pouvoir pour une année en 1955. Au cours de cette période, il conduit le Maroc à l’indépendance par une politique acrobatique sur un chemin parsemé d’embûches, mais ne peut empêcher le développement du conflit algérien. Financier habile, il dirige pendant plus de quatre ans la politique économique de la France vers l’expansion dans la stabilité monétaire, ce qui facilitera son entrée dans le Marché commun en 1959.

Le retour du général de Gaulle et l’avènement de la Ve République entravent un moment la carrière d’Edgar Faure. Sa position centriste, qui s’exprimait aisément sous la IVe République, est un handicap dans le cadre des nouvelles institutions. Il soutient la politique algérienne du Général lequel apprécie son talent, l’envoie en mission en Chine et le réintègre au gouvernement en lui offrant le portefeuille de l’Agriculture puis, au  lendemain de mai 1968, le ministère de l’Éducation nationale. Il va y démontrer une prodigieuse habileté, faisant voter à l’unanimité une loi d’orientation qui organise l’autonomie, la décentralisation et la pluridisciplinarité de l’Université.

Mal aimé de Pompidou, qui redoutait son talent, il ne retrouvera pas le sommet du pouvoir, se consolant avec la présidence de l’Assemblée nationale (1973-1978), l’Académie française et la présidence de la mission chargée de commémorer le bicentenaire de la Révolution. Il décède un an avant sa célébration, laissant en chantier de vastes idées sur la fraternité et la problématique des droits de l’Homme, qu’il souhaitait voir se développer dans le sens d’une action concordataire dépassant les procès sur 1789 et ses suites.

Raymond Krakovitch
membre du Conseil économique et social de la région Île-de-France

Source: Commemorations Collection 2008

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