Page d'histoire : Candide ou l'Optimisme Genève, janvier 1759

Candide ou l’Optimisme est, dit-on, avec Le Petit Prince, la plus connue dans le monde des œuvres de la littérature française. On célèbre en 2009 le 250e anniversaire de sa publication. Sexagénaire combatif, Voltaire était déjà le plus célèbre des écrivains européens quand il écrivit, en quelques mois, ce conte en prose, divisé en trente brefs chapitres, moins de cent pages en tout. Paru anonymement, ce petit texte était aux yeux de l’auteur une production marginale. Pourtant il est très vite devenu représentatif de l’esprit voltairien et les recherches érudites n’ont cessé jusqu’à aujourd’hui d’y trouver une riche matière.

Le héros du conte, Candide, ne ressemble pas à Voltaire, mondain brillant familier des salons et des cours. Ce qu’ils ont vraiment en commun, c’est une expérience de la vie et du monde. En 1759, Voltaire avait connu l’exil, la prison, la mort d’une femme aimée, les rivalités littéraires, les difficiles relations avec le roi Frédéric II de Prusse. Son héros, jeune bâtard allemand chassé du château familial, n’a pour ressource que sa bonne mine, sa curiosité et une infatigable et naïve énergie. Il visite un monde en proie à la guerre, à l’intolérance, au despotisme, aux rivalités sanglantes.

Voltaire méprisait le genre romanesque, et Candide est une parodie qui se moque des romans sentimentaux à la mode, et aussi de la philosophie optimiste en vogue, qui prétendait, avec la vague caution de Leibniz, que « tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Presque tout va mal dans Candide, au-delà même de la vraisemblance. Le héros parcourt le monde à la recherche de sa bien-aimée Cunégonde. Mais Cunégonde est volontiers infidèle, et quand le couple est enfin réuni, Candide n’aime plus Cunégonde, devenue laide. À ce comique parodique s’ajoute la fantaisie d’une multitude d’épisodes bigarrés, où surgissent des personnages exotiques ou caricaturaux. Malgré une foule de détails réalistes, l’ensemble jongle avec les conventions littéraires et les caprices de l’imagination, tout en proposant une philosophie à la portée de chacun et des peuples : face aux difficultés, « il faut cultiver notre jardin ».

Bourré d’allusions à l’actualité du temps, ce chef-d’œuvre sans prétention garde pourtant un puissant attrait : sans cesse réédité, traduit, transformé, adapté, il donne du monde une image d’un inusable pessimisme, et au lecteur un inusable goût de vivre.

Sylvain Menant
professeur à l’université Paris IV-Sorbonne
directeur du CELLF XVIIe-XVIIIe siècles

Source: Commemorations Collection 2009

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