Page d'histoire : Anselme de Cantorbéry Aoste, 1033 - Cantorbéry, 21 avril 1109

Anselme naît à Aoste en 1033, d’un père prodigue et d’une mère tout intérieure. Les Alpes sont sa première école : elles lui révèlent la présence et la souveraineté de Dieu, faisant naître en lui le goût de la contemplation et la soif de comprendre. Sa scolarité, d’abord chaotique, est vite rééquilibrée par les moines bénédictins de la ville, ses maîtres.

Sa mère meurt alors qu’il n’a pas 20 ans. Déstabilisé, il goûte aux plaisirs de la vie. Son père, converti mais toujours excessif, devient tyrannique envers ce fils en pleine recherche. Le jeune Valdotain quitte la maison paternelle en 1055 et, après une longue errance, arrive dans la jeune abbaye du Bec, en Normandie, où Lanfranc de Pavie est prieur et écolâtre. En 1060, il y devient moine, et peu après succède à son maître nommé par Guillaume, abbé de Saint-Étienne de Caen, avant de devenir archevêque de Cantorbéry.

Cette période favorise la maturation de sa pensée et l’épanouissement de sa prière. Ses proches le poussent à transcrire son enseignement : il a une approche de Dieu et de son dessein de salut tout à fait nouvelle, un souci d’intelligence de la foi qui tranche avec son temps : quand les théologiens se contentent de paraphraser la pensée des Pères en l’enrichissant de citations scripturaires, lui essaie de rendre compte de ce qu’il croit en cherchant la cohérence interne de la révélation judéo-chrétienne. Entreprise osée qui suscite des réserves, mais inaugure la scolastique dont on le dira père.

Outre des Prières, il publie le Monologion et le Proslogion. En 1078, il succède à Herluin, fondateur du Bec, comme deuxième abbé. La charge ne le détourne pas de sa réflexion, et il compose un important triptyque : Sur la vérité, Sur le libre arbitre, Sur la chute du diable. La contemplation reste sa source d’inspiration. Il ne cherche pas à convaincre ses lecteurs, mais à comprendre pour mieux croire, partant toujours de sa foi et avançant au pas de sa méditation. On est dans un monde où l’existence de Dieu est une évidence, mais où les esprits aspirent à une certaine autonomie de pensée.

En 1093, à la mort de Lanfranc, Anselme, à contrecœur, accepte de lui succéder et devient primat d’Angleterre. Très pris par son ministère de pasteur, il reste pleinement moine, gardant une rectitude inflexible face aux exigences abusives des deux successeurs du Conquérant. À deux reprises, il connaît l’exil. Lors du premier, il achève le Cur Deus homo et participe au concile de Bari où est évoquée la question du Filioque, ajout des Latins au credo, que refusent les Grecs. La Procession du Saint Esprit répond à ce litige. L’année suivante, il siège au concile de Rome qui statue sur les points opposant le pouvoir laïc à l’Église. Après son second exil, en 1106, il a encore le temps de publier Sur l’accord de la grâce et de la liberté.

Anselme, le Docteur magnifique, meurt le 21 avril 1109, laissant une œuvre considérable, mais surtout le témoignage d’un homme de Dieu à la charité communicative. Ses Lettres et ses Entretiens le révèlent humain, affectueux, pas du tout cérébral. Son fameux « argument sur l’existence de Dieu » (« non seulement Dieu est tel que plus grand ne se puisse penser, mais Dieu est plus grand que tout ce qui se peut penser ») se veut moins une preuve que la confession de l’incompréhensibilité de Dieu car, écrit-il, « ce n’est pas pour croire que je cherche à comprendre mais c’est pour comprendre que je crois. »

Frère Paul Emmanuel Clénet,
abbé du Bec

Source: Commemorations Collection 2009

Liens