Page d'histoire : Bernard Palissy Agen, 1510 - Paris, 1590

Depuis l’âge romantique, l’hagiographie républicaine honore Bernard Palissy à trois titres : l’inventeur opiniâtre qui va jusqu’à brûler ses planchers dans le fourneau où il cherche le secret de l’émail ; l’ouvrier sans lettres qui fonde la géologie moderne sur le livre de la nature ; le protestant héroïque qui refuse d’abjurer et meurt à la Bastille de « misère, nécessité et mauvais traitements » comme dit Pierre de l’Estoile.

Au cours des dernières décennies, la mise en contexte de ses écrits et la fouille de son atelier parisien dans la cour Napoléon au Louvre donnent à son personnage une nouvelle complexité.

Né en 1510 à Agen, Palissy apprit deux métiers de géométrie, la « vitrerie » (montage de vitraux) et la « pourtraicture » (arpentage). Il s’établit à Saintes comme mesureur en 1539 et se lia aux premières communautés de Réformés. Au contact des verriers de Saintonge, il entreprit des recherches sur l’émaillage des céramiques qui aboutirent vers 1545-1546. Il se lança dès lors dans la production des « rustiques figulines ». Vers 1565, il s’établit à Paris où il resta jusqu’à sa mort, à part quelques séjours à Sedan. En même temps qu’il développait son atelier, il fit de 1575 à 1584 des conférences d’histoire naturelle nourries par les collections de son cabinet. Malgré de puissantes protections, il fut arrêté à plusieurs reprises et enfermé à la Bastille en 1588.

L’œuvre artistique de Bernard Palissy s’inscrit dans le style rustique européen. Elle maîtrise une double technique, les émaux plombeux colorés par des sels minéraux et le moulage sur le vif d’animaux vivants ou fraîchement tués. Les pièces de petites dimensions – il en subsiste une dizaine – sont des bassins rustiques chargés de fruits, de coquillages, de poissons et de reptiles. Les pièces de grande dimension, dont il reste de nombreux fragments, sont des rochers, animaux, végétaux, personnages en terre émaillée qui servaient à la décoration de jardins et de grottes (grotte du connétable Anne de Montmorency à Écouen commencée en 1555-1556 et grotte de Catherine de Médicis aux Tuileries commencée en 1567).

Les écrits de Palissy, la Recepte veritable (1563) et les Discours admirables (1580) ressortissent à la littérature des Secrets qui, au XVIe siècle, ouvrent le champ de la science aux connaissances issues de la pratique artisanale, procédés éprouvés et faits d’observation. La Recepte combine des secrets relatifs à l’agriculture (la fumure et la coupe des bois), des observations d’histoire naturelle, un projet de jardin et des principes de fortification fondés sur l’imitation de la nature. Les Discours, articulés sur un dialogue entre théorique et pratique, traitent des eaux et fontaines, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu, des émaux, de la marne et d’autres « excellents secrets des causes naturelles ».

L’inspiration fondamentale de Palissy est religieuse et le rapprochement s’impose avec Paracelse. Tous deux, rejetant le savoir livresque de l’Université, entendent fonder la connaissance sur la double lumière de la grâce, c’est-à-dire de l’Écriture Sainte, et de la nature, appréhendée par la pratique directe.

 

Robert Halleux
membre de l’Institut

Source: Commemorations Collection 2010

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