Page d'histoire : Jean-François Le Sueur Le Plessiel (près d'Abbeville), 15 février 1760 - Paris, 6 octobre 1837

Portrait de Jean-François Le Sueur
Gravure de Quenedey, 1818
© Ville d’Abbeville, Bibliothèque municipale, 2008

Formé dans les maîtrises d’Abbeville puis d’Amiens, Le Sueur arriva à Paris en 1778 et approfondit alors ses connaissances théoriques auprès de l’abbé Roze. Sa carrière de maître de chapelle itinérant le mena successivement à Dijon, au Mans puis à Tours. Il regagna finalement Paris où il obtint – sans concours ! – la direction de la maîtrise de Notre-Dame. Après s’être quelque temps éloigné de la capitale, il y revint en pleine Révolution et se fit alors connaître par ses ouvrages lyriques (représentés au théâtre Feydeau) : La Caverne (1793), Paul et Virginie (1794) et Télémaque dans l’Île de Calypso (1796). Il enseigna un temps au Conservatoire naissant mais se brouilla rapidement avec la direction.

C’est à Napoléon que Le Sueur doit le couronnement de sa carrière : en 1804, l’Empereur le choisit pour succéder à Paisiello comme maître de sa chapelle. L’Opéra lui ouvrit alors ses portes et il put y faire représenter Ossian ou Les Bardes puis La Mort d’Adam, deux ouvrages d’un style nouveau qui marquèrent profondément leur époque. La Restauration ne mit pas un terme à sa carrière : il fut nommé compositeur de la Chapelle et de la Cour et obtint une classe de composition au Conservatoire. Pédagogue de talent, il forma notamment Berlioz, Thomas, Gounod, Reber et Marmontel.

Si l’on connaît aujourd’hui son nom, c’est essentiellement parce qu’il fut le maître d’Hector Berlioz. Le Sueur représentait pourtant en son temps l’une des figures de proue de la musique française, occupant la place stratégique qui mène du classicisme d’un Gluck au romantisme d’un Berlioz. Même si plusieurs travaux ont désormais éclairé de larges aspects de sa vie et de son œuvre (notamment l’excellente thèse de Jean Mongrédien publiée en 1980), sa musique ne s’est pas encore imposée dans les programmations de concert, à l’heure où les redécouvertes sont pourtant au goût du jour. Peut-être parce que la perception de son œuvre reste encore trop souvent réduite à sa production religieuse (plus de trente messes et autant d’œuvres sacrées diverses), laquelle semble habiter esthétiquement l’ensemble de sa production vocale. Est-il très étonnant, de ce fait, que ses opéras-comiques relèvent du genre sérieux, décrits souvent comme « opéras-comiques héroïques » ? Car La Caverne, Télémaque et Paul et Virginie appartiennent bien à cette catégorie d’ouvrages. L’esprit mystique de Le Sueur s’accordait parfaitement avec les exigences dramatiques du genre en vigueur au théâtre Feydeau.

Alexandre Dratwicki
docteur en musicologie

Source: Commemorations Collection 2010

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