Page d'histoire : Raymond Latarjet Lyon, 17 octobre 1911- Paris, 3 juin 1998

Raymond Latarjet en 1957 dans son laboratoire
Paris, Musée Curie
© Musée Curie / don Lavalette

Raymond Latarjet a été pendant vingt ans le chef de file incontesté et prestigieux de la radiobiologie française et lui a donné un grand éclat international. Né à Lyon au sein d’une famille de chirurgiens, il s’est dès sa jeunesse orienté vers la biologie.

Il consacre ses thèses de doctorat ès sciences, et de médecine, aux ultraviolets et à leur atténuation par l’ozone atmosphérique. Par le calcul, il établit les relations entre « l’épaisseur de la couche d’ozone » et « l’activité génotoxique » (mutagène et cancérigène) des ultraviolets solaires. Ce travail fut repris en 1970.

Il étudia aussi les mutations virales provoquées par les ultraviolets. En 1945, il parvient à provoquer des mutations d’un virus (un bactériophage) en irradiant la cellule hôte au cours de la multiplication végétative de ce virus. Ce résultat fut le point de départ de travaux importants. Dans ce cadre, il établit, en collaboration avec Salvador Luria, les courbes « Luria-Latarjet », qui permettent l’étude du cycle intracellulaire d’un virus.

En 1970, il détermine le spectre d’action de radiations ultraviolettes pour l’inactivation de l’agent de la tremblante du mouton (encéphalites spongiformes). Ce spectre d’absorption n’était pas celui d’un acide nucléique mais d’une protéine. Les auteurs en déduisirent l’hypothèse qu’une continuité génétique pouvait être assurée par des protéines.

Sa carrière à partir de 1946 s’est déroulée auprès d’Antoine Lacassagne, directeur de la section biologie de l’Institut Curie, dont il a été le bras droit, puis le successeur de 1954 à 1977.

Avec la découverte du rôle de l’ADN dans la vie cellulaire, la radiobiologie est alors en train de muter. Certains sont désorientés, d’autres abandonnent cette discipline pour la biologie moléculaire. Raymond Latarjet comprend qu’avec le développement de l’énergie nucléaire et l’essor de la radiothérapie la radiobiologie devient une discipline-clé. Il l’enseigne avec brio à l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (Saclay) et à l’Institut Curie en même temps qu’il développe les liens avec la biologie cellulaire, et construit une équipe de recherche performante.

Raymond Latarjet a été un esprit brillant, rigoureux, iconoclaste, n’admettant pas les dogmes et les idées reçues. Il s’opposa à la radiophobie et prit part à la construction d’une radioprotection objective et scientifique.

Élu à l’Académie des sciences en 1972, il dirigea la rédaction de plusieurs rapports sur les effets de rayonnement sur le corps humain en 1976 et 1989 et les risques de cancers induits par les rayonnements ionisants.

Conseiller écouté du gouvernement de 1960 à 2000, il eut un rôle déterminant dans l’organisation de la radioprotection en France et s’impliqua dans les recherches fondamentales sur le cancer.

Scientifique de haut niveau et homme d’action courageux, il fut aussi un alpiniste et un explorateur de l’Arctique. Raymond Latarjet, homme de grande culture, a profondément marqué la vie scientifique française pendant quarante ans.

Professeur Maurice Tubiana
président honoraire de l’Académie nationale de médecine
membre de l’Académie des sciences président honoraire du Centre Antoine Béclère

Source: Commemorations Collection 2011

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