Page d'histoire : Chantier de la cathédrale de Reims printemps 1211

L’ange au sourire
© DRAC Champagne-Ardenne
 

La décision de reconstruire la cathédrale, à la suite de son incendie le 6 mai 1210, intervenait dans un climat de crise. Les rapports entre le clergé et les habitants étaient tendus à la suite de la charte communale octroyée par Louis VI, que ces derniers voulaient maintenir et les chanoines abroger. Un deuxième conflit se déclara entre les chanoines et l’archevêque à propos du programme liturgique : les chanoines, opposés à l’élection d’Aubry de Humbert (1207-1218), souhaitaient maintenir le maître-autel à son emplacement originel à la croisée du transept, l’archevêque désirait se plier à la formule courante dans les cathédrales gothiques, sous la clé de voûte de l’abside. Le conflit avec les habitants prit une telle ampleur que Philippe Auguste dut intervenir en 1211 et 1213. La révolte dégénéra en guerre ouverte. L’évêque de Senlis élabora un accord, le 6 juillet 1240. L’archevêque renonça à son projet au cours de la décennie 1230, le maître-autel prit place ce qui imposa l’allongement de la nef. L’architecte conserva l’élévation originelle dans les nouvelles travées et installa les portails déjà réalisés sur le bras nord du transept.

En réalité, le projet de la reconstruction était antérieur à Aubry. L’incendie de 1210 accéléra la reprise du chantier qui redémarra dans les faits au début de l’année suivante. Les dessins de Villard de Honnecourt du début du XIIIe siècle en portent témoignage. Le chevet comportait un transept avec des collatéraux orientaux et occidentaux, une nef de six travées, une façade sculptée, une élévation à trois niveaux. Le sanctuaire était prévu dans l’abside, le chœur des chanoines dans les deux travées à l’est du transept, les laïcs dans les travées occidentales avec trois portails sculptés : le Jugement dernier et le portail des saints remontés vers 1250 sur le bras nord du transept.

L’opposition des chanoines conduisit Henri de Braine à abandonner le projet d’aménagement liturgique initialet à accepter le projet des chanoines, au cours de la décennie 1230. L’espace des laïcs fut réduit, et nécessita l’adjonction de deux travées à l’ouest et d’une nouvelle façade, élaborée au cours de la décennie 1250 par un architecte de formation parisienne. Il compléta l’ancien programme iconographique par des commandes confiées à des sculpteurs de même origine.

L’analyse attentive des documents et de l’existant, rendue délicate par l’harmonisation des deux parties, conduit à cette interprétation. L’architecte concepteur a été le créateur de la cathédrale de Reims, il en a dessiné les élévations, exécuté les gabarits. La nouvelle façade ne nuit pas à la conception d’ensemble. Il faut ajouter que l’architecte de Reims a été un créateur exceptionnel : la fenêtre-châssis, le tas de charge, la mise en œuvre ont été des incitations au renouvellement technique et esthétique de l’art gothique.

 

Alain Erlande-Brandenburg
conservateur général honoraire du patrimoine

 

Source: Commemorations Collection 2011

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