Page d'histoire : Jacques-Émile Blanche Paris, 1er février 1861 – Offranville (Seine-Maritime), 30 septembre 1942

Lucien Simon, Portrait de Jacques-Émile Blanche, 1903

De son vivant, les critiques n’ont jamais su définir l’artiste Jacques-Émile Blanche : était-il un peintre mondain qui écrivait, ou un écrivain à la mode qui faisait de la peinture ? Peintre, musicien, écrivain, journaliste, mémorialiste et personnage « incontournable » de la Belle Époque et de l’entre-deux-guerres, aussi bien à Paris qu’à Londres, Blanche n’était que trop conscient que ses multiples talents le desservaient. Et jamais plus que lorsqu’il écrivit en 1921 : « D’ici cinquante ans, on verra dans des musées les portraits que j’aurai peints de tant de littérateurs, mes amis, et de l’auteur de ces portraits, il n’y aura trace dans aucun livre de son époque… »

Comme peintre ou écrivain, Blanche avait incontestablement le don de l’observation et de la pénétration psychologique : son milieu et son éducation y ont sans doute beaucoup contribué.

Né et élevé dans le curieux univers du magnifique hôtel de Lamballe à Passy, transformé dès 1846 en clinique psychiatrique par son père, le célèbre docteur Émile-Antoine Blanche, Jacques-Émile eut une enfance dorée, certes, mais solitaire, partagée entre Passy et Dieppe, où il passait ses vacances en famille. Après la mort de son frère adoré, Joseph, en 1868, il devint l’« enfant tunique » qui s’amusait à rendre visite aux patients de son père et qui assistait tout petit aux soirées de sa mère, côtoyant l’élite artistique proche de ses parents : Gounod, Bizet, Halévy, Degas et Manet pour ne nommer que quelques-uns.

En 1870, pour éviter les dangers des bombardements, le petit Jacques-Émile fut envoyé avec sa nourrice pendant quelques mois à Londres, et commença une longue histoire d’amour avec l’Angleterre : en effet, en anglais d’adoption, Blanche habita presque la moitié de sa vie active à Londres, où il vivait très bien de ses nombreuses commandes.

Élève du lycée Condorcet, il prit la décision de devenir peintre après son baccalauréat en 1880. Il suivit les conseils de sa mère et passa, à contre-cœur, quelque temps dans l’atelier des peintres mondains Henri Gervex (1852-1929) et Fernand Humbert (1842-1934), bien qu’il ait été influencé par les impressionnistes Degas, Renoir et surtout Manet. Il débuta dès 1882 au Salon des artistes français et participera à tous les salons importants aussi bien à Paris qu’à Londres.

Très vite, on le reconnut en tant que portraitiste et il peignit aussi bien le Tout Paris et le Tout Londres que l’élite artistique et de l’avant-garde de son époque. On se souvient bien sûr de Marcel Proust mais n’oublions pas Nijinsky, Jean Cocteau, Stravinsky… parmi des centaines d’autres qui posèrent pour lui.

Tout en appréciant l’art d’avant-garde du XXe siècle, Blanche resta ancré dans un style de peinture résolument figuratif et traditionnel jusqu’à la fin de sa vie.

Il fut élu à l’Institut en 1935 au fauteuil de Paul-Albert Laurens. Vivant entre Auteuil, Offranville et Londres avec sa femme Rose, Blanche mena de front, pendant plus de soixante ans, sa vie de peintre et celle d’écrivain et critique, publiant plus de quarante ouvrages et des centaines d’articles.

Peu après son décès, le 30 septembre 1942, une rétrospective de son œuvre eut lieu à l’orangerie des Tuileries et, en 1997, une exposition importante lui fut consacrée au musée de Rouen.

Jane Roberts
historienne de l’art

Source: Commemorations Collection 2011

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