Page d'histoire : Jules Massenet Montaud (Loire, commune de Saint-Étienne), 12 mai 1842 - Paris, 13 août 1912

Le maître Massenet lisant sa partition (Extr. de « Musica »)
Bibliothèque nationale de France
© BnF

Cent ans après la mort de Massenet*, il est presque devenu évident que ses opéras forment l’épine dorsale du répertoire lyrique français de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Par leur nombre – vingt-cinq de 1867 à 1912 – et leur diversité (légendaires, romanesques, antiques, féeriques, bibliques), ils constituent un réservoir inépuisable et une véritable école de chant.

C’est peu de dire, pourtant, que ces œuvres ont été longtemps l’objet de préjugés tenaces et d’exécutions assez misérables pour les conforter. Manon et Werther n’en ont pas moins continué à être joués et appréciés par certains critiques qui ne l’avouaient qu’en privé. Il est vrai que le répertoire « défendable » était devenu extrêmement étriqué : Mozart, Wagner, le dernier Verdi, Debussy et Berg. L’intolérance a cessé avec la reprise des opéras tout aussi méprisés du jeune Verdi, de Donizetti, de Rossini. Ce faisant, le public a repris goût pour la chair même de l’art lyrique dont Puccini, Massenet et Richard Strauss ont exalté la saveur.

Et Massenet, cependant, avait une vocation de pianiste. Élève d’Ambroise Thomas au Conservatoire, Prix de Rome en 1863, il débuta à l’Opéra-Comique en 1867 avec La Grand-Tante en même temps que, de sa rencontre avec Armand Silvestre, naissait un cycle de mélodies : Poème d’avril. C’est son oratorio Marie-Magdeleine, créé par Pauline Viardot1 en 1873, qui attirera l’attention sur lui, cependant que ses mélodies commençaient à se répandre et que ses Suites d’orchestre l’imposaient au concert. Le Roi de Lahore (Opéra, 1877) lui apportera une consécration internationale qui lui vaudra d’être nommé, à trente-six ans, professeur de composition au Conservatoire et d’être élu à l’Académie des Beaux-Arts. Hérodiade n’en fut pas moins refusée par l’Opéra de Paris et si Manon, Le Cid et Esclarmonde connurent un succès immédiat, Werther, jugé trop sombre par le directeur de l’Opéra-Comique, fut finalement créé à Vienne, en allemand.

Dans les années 1890, Massenet, qui avait toujours admiré Wagner, sentit la nécessité de se libérer de l’influence de ses conceptions dramatiques. La critique ne le lui pardonna pas et Thaïs, d’après Anatole France, se solda par un échec à l’Opéra en 1894. À l’Opéra-Comique, Sapho, Cendrillon, Grisélidis firent de brèves carrières et c’est l’Opéra de Monte-Carlo qui créa Le Jongleur de Notre-Dame, Chérubin, Thérèse, Don Quichotte, Roma et Cléopâtre.

Si la critique reprochait à Massenet de ne pas se renouveler assez, alors qu’il approfondissait son style et évoluait notablement, le public lui restait fidèle et, pour la seule année 1911, on ne dénombre pas moins de 221 représentations de ses œuvres sur les scènes parisiennes… Bien que l’essentiel de son activité créatrice se soit concentrée sur l’opéra, il a laissé un beau Concerto pour piano, 260 mélodies et des Suites d’orchestre où éclate sa maîtrise de l’instrumentation.

Gérard Condé
compositeur et musicologue

*Cf. Célébrations nationales 1992, p. 94.

Source: Commemorations Collection 2012

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