Page d'histoire : Parution de La pluralité des mondes habités de Camille Flammarion 1862

« N’est-il pas étrange que les habitants de notre planète aient presque tous vécu sans savoir où ils sont et sans se douter des merveilles de l’univers ? ».
Camille Flammarion
Société Astronomique de France, discours de fondation

A vingt ans, heureux de la réalisation de son rêve, Camille Flammarion sort de la librairie Mallet-Bachelier avec sous son bras, son premier livre imprimé, La pluralité des mondes habités ; études où l’on expose les conditions d’habitabilité des terres célestes, discutées au point de vue de l’astronomie et de la physiologie. Il ne se doute pas alors de la carrière qui s’ouvre devant lui. Il est très satisfait de ce petit opuscule de 56 pages qui va révolutionner la façon de penser des astronomes à la fin du XIXe siècle. Pourtant le thème de cet ouvrage n’a rien d’extraordinaire ; la vie sur les autres planètes, beaucoup d’auteurs avant lui en ont écrit des livres entiers : Plutarque, Kepler, Huygens, Fontenelle et bien d’autres.

Flammarion ne s’en cache pas ; il en dresse même une liste exhaustive. Pour lui, il s’agit d’une véritable philosophie, pas d’un roman d’aventure, ni d’une utopie, c’est une façon de concevoir une vie universelle, du plus profond de l’océan jusqu’à l’étoile la plus lointaine.

De sa jeunesse campagnarde, Flammarion garde un amour immodéré de la nature. Tout l’émerveille : les bourgeons qui naissent, les œufs qui éclosent, la diversité des fleurs, des insectes, des animaux. Il se pose la question à laquelle il tentera toujours de répondre : pourquoi la vie serait-elle limitée à notre seule terre ? Pourquoi ne se serait-elle pas développée sur toutes les planètes, non seulement celles de notre propre système solaire, mais aussi sur toutes celles qui tournent autour des autres étoiles ?

« L’astronomie ne doit pas s’arrêter à la mesure des positions des astres : elle doit s’élever jusqu’à l’étude de leur nature », écrit-il à la première page de son important ouvrage sur la planète Mars. Cette conception tranche radicalement avec une astronomie mathématique qui trouve son apothéose avec la découverte de Neptune par Le Verrier1, son directeur à l’Observatoire de Paris. Son époque est très riche en découvertes, et une des plus fondamentales est le socle fondateur de toute notre astronomie actuelle, la spectroscopie. Il lui faut étayer ses hypothèses et trouver des preuves qui maintenant peuvent être scientifiques.

Les astronomes appliquent la spectroscopie, inventée par Fraunhofer, à l’étude de tous les objets célestes et, miracle ! on découvre des atmosphères sur toutes les planètes du système solaire. Qui dit atmosphère, dit possibilité de vie ; de plus la présence d’eau est mise en évidence sur Mars. Les théories de Flammarion sont confirmées par la science. Il n’en faut pas plus pour qu’il passe à la postérité, et depuis 150 ans, cette quête de la vie n’a pas cessé. Les ingénieurs construisent actuellement des véhicules spatiaux qui traversent les immensités célestes pour aller chercher ne serait-ce qu’un petit atome de vie sur Mars, Vénus, Titan, sur les comètes, et maintenant sur les planètes extrasolaires.

Flammarion est le premier à avoir engagé l’astronomie dans cette voie. Il a fait rêver tous les passionnés avec son idée majeure : nous ne sommes pas seuls dans l’univers.

Patrick Fuentes
président de la commission Histoire de l’astronomie de la Société Astronomique de France
conservateur du fonds Camille Flammarion

 

1. Cf. Célébrations nationales 2011

Source: Commemorations Collection 2012

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