Page d'histoire : Henri Alexandre Wallon Valenciennes (Nord), 23 décembre 1812 - Paris, 13 novembre 1904


Henri Alexandre Wallon (1812 - 1904), ministre de l’Instruction publique
Peinture à l’huile de Jules Bastien-Lepage, 1875 Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN (Château de Versailles) / Daniel Arnaudet / Gérard Blot

Henri Wallon soutient le 30 janvier 1875 un amendement introduisant le mot « République » qui lui valut le titre de « Père de la Constitution ». Quelle conception de la République se faisait-il donc ? Concilier l’esprit de 1789 et le respect des libertés : telle est la ligne de conduite qui a guidé toute sa vie.

La correspondance d’Henri Wallon avec sa famille dès 1830, alors qu’il est normalien, dénotait déjà son désir d’un régime qui respectât les libertés. Avant tout la Res publica doit être promue. Au cœur de ce régime idéal, le pilier central est le respect de toutes les libertés :

- Le citoyen et le suffrage universel Wallon a médité sur la Révolution, sur son œuvre, comme sur ses excès. Pour lui, si 1789 ne doit pas se confondre avec les excès de la Terreur, les droits du peuple, l’abolition de l’esclavage et le suffrage universel ne sont pas négociables. Élu député du Nord en 1849, il démissionne après le vote de la loi restreignant le suffrage universel en 1850.

- La liberté de l’enseignement Agrégé de lettres, Wallon succède à Guizot à la chaire d’histoire moderne à la Sorbonne (1846), mais tient à conserver l’enseignement en collège. Sur l’enseignement privé, on lui reproche ses changements de position, jusqu’à y voir un revirement : en 1850, à la tribune de l’Assemblée nationale, il explique son vote contre la loi Falloux : « l’Église n’a pas besoin de ce qui fait la puissance du monde ». En 1876, alors ministre de l’Instruction publique, il tente d’instituer des jurys mixtes pour les facultés catholiques. Face à la montée de l’anticléricalisme, une lecture à frais nouveaux s’impose pour saisir l’évolution de ce choix pris en conscience.

- La liberté de conscience Sur ce terrain, sa personnalité se laisse mieux percevoir. Le libéral sait mettre des limites à son libéralisme. Cette option originale le rend difficilement classable sur les plans politique, idéologique et religieux. Républicain convaincu, Wallon n’en reste pas moins un catholique pratiquant, détestant les excès et combattant la violence. Il se présente comme un précurseur du ralliement des catholiques à la République, encouragé par Léon XIII à partir de 1892.

Formé à l’école de Michelet, Wallon révèle en tant qu’historien une méthode rigoureuse pour établir les faits. Peu avant d’entrer à l’Assemblée nationale, il fait paraître en 1847 une Histoire de l’Esclavage dans l’Antiquité et De l’esclavage dans les colonies, qui lui valurent d’être choisi comme secrétaire de la Commission pour l’abolition de l’esclavage en 1848, au côté de Schoelcher.

Sous le Second Empire, il publie Jeanne d’Arc et Saint-Louis, mais également une réfutation de la Vie de Jésus de Renan (1864). Son œuvre méconnue est son Histoire de la Terreur (1872), son Histoire du Tribunal révolutionnaire et le journal de ses actes (1880-84), vaste enquête sur le territoire français. Il dénonce les excès de la Révolution, pour mieux justifier le fondement de la République.

Chez Wallon, l’œuvre historique alterne avec son expérience politique. Son engagement au centre a le mérite de souligner que l’histoire conduit toujours au présent.

Les conférences de Saint-Vincent de Paul, au côté d’Ozanam, la Société antiesclavagiste, soutenue par Lavigerie, ou encore l’œuvre d’Orient, dont il assure le secrétariat général durant plusieurs décennies, font de lui un chrétien actif, tenace et doux. Il dénonce les massacres des chrétiens d’Orient, œuvre à la solidarité des plus pauvres et cherche à tarir les sources de l’esclavage.

Commandeur de la Légion d’honneur, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1853, Wallon en devient le secrétaire perpétuel en 1873. Il prolonge ses responsabilités associatives et intellectuelles tout en siégeant comme sénateur inamovible.

À l’aube du XXe siècle, il laisse une œuvre dense, encore à découvrir.

 

Didier Dastarac
directeur général adjoint des services du département de la Haute-Loire

Source: Commemorations Collection 2012

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