Page d'histoire : Victoire de Denain, remportée par « l'heureux Villars » 24 juillet 1712

Bataille de Denain
Huile sur toile de Jean Alaux dit Le Romain, 1839 Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN (Château de Versailles) / Droits réservés
 

Vers une heure de l’après-midi, trente mille soldats français, sous la conduite du maréchal de Villars, commencent à s’avancer vers le camp de Denain, tenu par l’infanterie hollandaise du comte d’Albermale. Malgré le feu adverse, les Français arrivent aux retranchements qu’ils escaladent. Le dispositif hollandais s’effondre ; Albermale est fait prisonnier. En moins d’une heure, la formidable armée coalisée qui s’apprêtait à s’ouvrir la route de Paris a perdu son point d’appui. Villars et ses hommes viennent d’éviter à la France de Louis XIV la catastrophe qui lui semblait promise.

En 1712, la France est épuisée par les onze années de la guerre de Succession d’Espagne. Celle-ci oppose la France et l’Espagne, dont le nouveau roi est le Bourbon Philippe V, petit-fils de Louis XIV, à une large coalition menée par l’Autriche, l’Angleterre et la Hollande. Les alliés remportent d’abord d’importants succès, à Blenheim, Ramillies, Turin et Audenarde, qui contraignent Français et Espagnols à abandonner la Bavière, la Flandre et l’Italie. Certes, le rythme des opérations se ralentit lorsque les alliés atteignent la « frontière de fer » érigée par Vauban. Mais Louis XIV sait que le royaume ne peut plus tenir longtemps. En 1710, il a déjà proposé aux alliés de leur céder l’ensemble des territoires conquis durant son règne. Les alliés, trop sûrs de leur avantage, n’ont pas jugé cela suffisant.

En 1712, ceux-ci confient 130000 hommes au prince Eugène ; Villars en aligne à peine la moitié. Sur le front diplomatique cependant se profile une éclaircie. Les Anglais se lassent d’une guerre ruineuse qu’ils jugent trop favorable à l’Autriche. Le 17 juillet, ils publient une trêve et leurs troupes se retirent de l’armée alliée. Craignant la signature d’une paix générale, Eugène décide de frapper vite et fort en attaquant Landrecies, place qui ouvre la vallée de l’Oise. Pour ce faire, il étend ses lignes et divise son armée entre Landrecies et Denain, à une trentaine de kilomètres, où il a installé ses magasins. Ce mépris du risque qui lui a si bien réussi en Italie et dans ses guerres contre les Turcs lui sera cette fois fatal.

Un magistrat de Douai, Le Fèvre d’Orval, est le premier à entrevoir les failles du dispositif coalisé. Il fait part de ses vues au secrétaire d’État à la guerre, qui les transmet au roi, qui lui-même les propose à Villars. Celui-ci, d’abord réticent, finit par s’en inspirer : le 23 juillet, l’armée française fait mine d’attaquer les forces du prince Eugène sous Landrecies (à l’est), puis se dérobe pour se lancer dans une marche de nuit vers Denain, à l’ouest. Lorsqu’Eugène comprend son erreur, il est trop tard. Les forces alliées sous Landrecies sont trop loin pour soutenir les 8 000 défenseurs de Denain.

Comme l’a écrit Villars, l’opération de Denain n’est pas une « de ces batailles générales qui mettent le royaume en peine ». Les Français perdent environ 1 500 hommes, les alliés cinq mille. Cependant, l’initiative change de camp. Plusieurs villes sont reprises par Villars tandis que les alliés doivent abandonner leur siège de Landrecies. Le 11 avril 1713, la France signe avec les Anglais et les Hollandais la paix d’Utrecht : Philippe V garde la couronne espagnole – mais sans les territoires italiens et les Pays-Bas méridionaux – et la France conserve ses frontières.

Clément Oury
docteur de l’université Paris-Sorbonne
conservateur à la Bibliothèque nationale de France

Source: Commemorations Collection 2012

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