Page d'histoire : Jacques Amyot Melun, 30 octobre 1513 - Auxerre, 6 février 1593

Messire Jacques Amyot Evesque d'Auxerre
Estampe de Léonard Gaultier, fin XVIe siècle (ou début XVIIe siècle)
© Bibliothèque nationale de France
 

Né dans un milieu modeste, Jacques Amyot est éduqué par les bénédictins de l’abbaye des Saints-Pères, avant de gagner le collège de Navarre à Paris. Licencié en droit à Paris à 19 ans, il devient ensuite docteur en droit civil de l'université de Bourges, l’une des plus importantes d’Europe. Jacques Colin, abbé de Saint-Ambroix, lui obtient une place de précepteur chez le futur Garde des Sceaux et, parallèlement, grâce à Marguerite de Valois, il est nommé professeur de latin et de grec à l'université. Durant les dix ans de sa chaire, il traduit Les Ethiopiques d'Héliodore, ce qui lui vaut d'être récompensé par François Ier, lequel lui octroie le bénéfice de l'abbaye de Bellozane, en Normandie.

Il se rend alors à Venise et au Vatican pour étudier le texte de Plutarque. En 1547, sur l’invitation du roi, il commence la traduction des Vies parallèles des hommes illustres, dont la première édition date de 1559. Sur le chemin du retour, il est chargé d'une mission pour le concile de Trente. Rentré en France, il devient précepteur des fils d’Henri II. Le premier, Charles IX, le nommera Grand aumônier de France à son avènement en 1560 ; le second, Henri III, le fera commandeur de l'ordre du Saint-Esprit.

En 1570, Pie V le promeut évêque d'Auxerre, où il se consacre à la réfection de la cathédrale et toujours à ses traductions, dont celle du second gros « massif » plutarquien, Les œuvres morales et meslées, qui paraît, elle, en 1572, pour la première fois. Il aurait par ailleurs conseillé à l'aumônier d’Henri III de refuser l'absolution à l'assassin des Guises, dont on dit qu’il aurait pourtant approuvé le geste. Sa maison est pillée et il quitte pour un temps Auxerre, où il reviendra, pour y mourir en 1593.

Outre un Projet de l’éloquence royale, composé pour Henry III, non publié avant 1805, on lui doit donc les traductions du roman d’Héliodore (1547), des Sept livres des histoires de Diodore sicilien (1554), des Amours pastorales de Daphnis et Chloë de Longus (1559), et de l’œuvre de Plutarque. Son travail de philologue et de traducteur du grec, réalisé parfois à partir d’éditions antérieures et de manuscrits, est encore salué par les spécialistes. De plus, en vulgarisant ces textes en français, par adaptation des realia antiques à la vie moderne, il contribue à l’évolution du roman alors en constitution, comme il met à la disposition d’un large public les histoires grecques et romaines (des « vies » distinguées de l’Histoire), ainsi que, plus largement, la culture antique.

Ses ouvrages, pour certains, sont plusieurs fois réédités et influencent nombre d’écrivains du temps, dont Montaigne, qui en fait l’éloge dans le chapitre II.4 des Essais. Hors de France, en 1579, la traduction anglaise de Thomas North est réalisée sur la version française, et c’est probablement chez elle que Shakespeare trouve certains sujets de ses pièces. Le XVIIe siècle, quant à lui, fera du Plutarque d’Amyot l’un de ses livres de chevet, lu parfois à partir des « contrefaçons » du protestant Simon Goulart (pour les Œuvres morales), versions d’Amyot annotées et munies d’index. Par ailleurs, les auteurs de la période, dont Vaugelas, reconnaîtront dans la langue d’Amyot une étape importante dans la constitution du français classique.

Olivier Guerrier
professeur à l’université de Toulouse-Le Mirail membre honoraire de l’Institut Universitaire de France

Source: Commemorations Collection 2013

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