Page d'histoire : Le Québec, province française 1663

L'entrée de la Rivière du St Laurent, et la ville de Québec dans le Canada
Carte manuscrite et rehaussée de lavis, attribution possible à Jean-Baptiste Franquelin, v. 1680 (Datation établie en tenant compte des paroisses représentées dans l'île d'Orléans)
© Bibliothèque nationale de France
 

En 1663, il y a déjà 55 ans que le comptoir de traite de Québec a été fondé par Samuel de Champlain. L'initiative était venue d'une compagnie de commerce, la Société Du Gua de Monts et des marchands de Rouen, engagée dans le commerce des fourrures. L'État français se contente alors d'affermer le développement de la petite colonie, en contrepartie d’objectifs de peuplement bien illusoires. En effet, en 1663, ses quelque 3 000 habitants se concentrent pour les deux tiers dans la région de Québec et le reste réparti également entre celles de Trois-Rivières et de Montréal. La capitale compte à peine 500 résidents et les institutions de la colonie sont en désarroi : le gouverneur-général Dubois Davaugour, le Conseil et le vicaire apostolique François de Laval sont à couteaux tirés ; la Compagnie des Cent-Associés tire peu de revenus du commerce des fourrures pour soutenir la colonie ; l'administration de la justice est paralysée. Rien ne va plus en Nouvelle-France et toutes les élites de la colonie se retournent vers Paris et le jeune roi Louis XIV, qui vient à peine, en 1661, d'affirmer son autorité.

Il fallait décider de conserver ou non ce petit établissement colonial, de l'insérer dans une stratégie de concurrence en Amérique avec les autres puissances coloniales européennes (Angleterre, Hollande, Espagne et Portugal) et de réorganiser son administration. Les décisions tombent en 1663 et sont mises en œuvre dans les années suivantes, sous la direction de Jean-Baptiste Colbert, au milieu des luttes de pouvoir et d'influences autour du roi. La Compagnie des Cent-Associés est obligée de démissionner et de remettre au Roi ses pouvoirs sur la Nouvelle-France. Désormais, la colonie est gérée comme une province de France avec des institutions comparables, soit un gouverneur, un intendant, un Conseil souverain et plusieurs autres instances notamment judiciaires. La première réunion du Conseil du 18 septembre 1663 marque le début du régime de la colonie royale.

À travers ces bouleversements, le vicaire apostolique de Laval reste seul en fonction, un nouveau gouverneur est nommé sur sa recommandation, un choix mal avisé. L'intendant désigné ne vient pas, mais son successeur, Jean Talon, arrivé en 1665 laissera sa marque, tout comme le nouveau gouverneur Daniel Rémy de Courcelles et l'envoyé du roi, Alexandre de Prouville de Tracy. Une impulsion nouvelle est donnée à l'effort colonial en Nouvelle-France : une administration s'installe, un contingent de 1 200 officiers et soldats s'efforce de maintenir l'ordre devant les incursions amérindiennes, une nouvelle compagnie de commerce s'y implante en 1664, active à l'échelle de l'ensemble des colonies françaises, la Compagnie des Indes Occidentales. L'effort se porte aussi sur le peuplement : des groupes d'immigrants arrivent, des militaires s'établissent, mais aussi des « filles du roi », patronnées pour venir se marier et fonder des familles. Les 36 premières arrivent en 1663 et un total de 850 environ sur dix ans. Le Québec français est lancé, il survit 100 ans comme colonie française et 350 ans comme témoin de la présence française en Amérique du Nord.

 

Marc Vallières
professeur associé, département d'histoire université Laval, Québec

 

Voir aussi, Célébrations nationales 1992, p. 64 ; 2008 ; 20092012

Source: Commemorations Collection 2013

Personnes :

Vallières, Marc

Thèmes :

Colonisation

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