Page d'histoire : Publication de la bulle Unigenitus 8 septembre 1713

Allégorie de la fulmination de la bulle Unigenitus - Dessin de Pier Leone Ghezzi
Pierre noire, plume, lavis d’encre gris et brun - Musée national de Port-Royal des Champs
© Musée national de Port-Royal
Le dessin illustre la présentation de la bulle au pape Clément XI.
 

Le 8 septembre 1713, à la demande du roi de France Louis XIV, le pape Clément XI fulmine la bulle Unigenitus Dei Filius qui condamne cent une propositions tirées d’un ouvrage de piété, Le Nouveau Testament en français avec des réflexions morales sur chaque verset de l’oratorien Pasquier Quesnel (1634-1719). À trois siècles de distance, il est délicat de mesurer le choc qu’a pu représenter cette énième condamnation romaine contre le jansénisme ; le clergé, le Parlement et même certains sujets anonymes du roi de France se sont élevés contre cette constitution. La querelle de l’Unigenitus a été à l’origine d’un déferlement de pamphlets, d’épigrammes et de traités signalant ainsi à l’historien la force des passions qui se sont déchaînées alors.

Le texte de la bulle est long, parfois obscur, et s’achève par la liste des propositions dont Rome pense qu’elles sont séditieuses, captieuses, blasphématoires, schismatiques et hérétiques. Certaines censures entrent en contradiction avec le sens même des Épîtres de saint Paul et d’autres passages de l’Écriture. La bulle porte ainsi la contestation en son sein même ; autre point litigieux, le pape désire qu’elle soit reçue sans délibération et que l’on se soumette à son pouvoir sans discussion, contredisant ainsi les traditions de l’Église gallicane.

Arrivée à Versailles quelques jours après sa publication à Rome, la constitution est immédiatement soumise à l’examen du cardinal de Rohan qui dès lors déploie tout son zèle et son entregent pour la faire recevoir de ses confrères évêques et au Parlement. Imposée à force d’exils et de négociations pressantes, la bulle introduit dans le clergé une fracture entre « bullistes » et « refusants » qui traverse tout le siècle.

La réception de l’Unigenitus fait apparaître toutes les ambiguïtés qui agitent l’Église de France entre ultramontanisme et gallicanisme. Pour le souverain, les jansénistes défient sa conception des relations entre l’Église et l’État ; les « refusants », groupés derrière le cardinal de Noailles, agissent au nom de la Déclaration des Quatre Articles de 1682 et prétendent être les fers de lance du gallicanisme tout en s’élevant contre les volontés du roi. Quelques mois plus tard, ils engagent le mouvement de l’appel au concile, consommant ainsi une rupture devenue insupportable.

Au XIXe siècle, nombre d’historiens sont revenus sur cet événement pour en souligner le retentissement : Edgar Quinet, professeur libéral et républicain, en a fait le premier moment d’ébranlement d’un régime mourant. « Au milieu des fêtes de la Régence, cet écho retentit comme les coups de marteau du prêtre sur les clous de la croix. Signal pour la terre de trembler, et pour le voile antique de se déchirer ».

L’affirmation malheureuse de la toute puissance pontificale voulue par Clément XI a ouvert la voie à une contestation plus générale de la société d’Ancien Régime, affirmant la supériorité de l’individu et de sa conscience sur les errements de l’Église officielle soutenue par un pouvoir impuissant à réduire l’opposition.

 

Olivier Andurand
CHiSCO - université Paris Ouest Nanterre La Défense

Source: Commemorations Collection 2013

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